Islam, Vote et Démocratie

Chapitre 5 - Réflexion islamique sur la démocratie

par Anthony Ghelfo 2019

Introduction


Lʼidée que la démocratie soit compatible avec lʼislam est loin de faire lʼunanimité au sein de la communauté musulmane. Pourtant, les écrits sur le modèle califal insistent sur le caractère consultatif de la gouvernance. Mais après avoir écouté tous les arguments qui nous ont été parvenus, il nous semblait que plusieurs erreurs revenaient dans les justifications dʼune part et dʼautres. Certains justifiaient le bien-fondé de la démocratie uniquement dans le but de faire prendre conscience aux musulmans que le système occidental actuel ne posait pas de problème dans leur islamité, quand les autres rejetaient complètement le modèle démocratique sous prétexte quʼil avait été conçu originellement par des « kouffars ». Pourtant, dans les deux camps, il y a une carence fondamentale : est-on vraiment sûre de ce quʼest une démocratie ? Cʼest par les travaux du français Étienne Chouard, humble professeur dʼéconomie et de droit à Marseille, que nous allons redécouvrir les grands principes de la démocratie, telle quʼelle a été réellement pensée et appliquée durant lʼAntiquité grecque. Cet homme sʼest tué à la tâche, notamment en organisant des ateliers constituants, dans le but dʼétudier le régime démocratique dans son essence et ses vertus, depuis quʼen 2005, la France sʼest vu voler sa souveraineté par le non-respect de son choix au référendum sur la constitution européenne.

Nous ne reviendrons pas sur ça, nous avons suffisamment apporté dʼargument dans les chapitres précédents pour réfuter lʼargumentation réduite à « la démocratie cʼest du kufr (de la mécréance) ».

En réalité, la trahison eu lieu en 2008, par Nicolas Sarkozy avec le traité de Lisbonne, qui reprenait mot pour mot le projet de traité constitutionnel européen, refusé par les français au référendum de 2005.

Royalistes français, et restauration du califat : même combat ?


Si les royalistes français souhaitant rétablir une monarchie en France, avec le catholicisme comme religion d’État, sont de bonne volonté, tout comme les musulmans souhaitant rétablir le califat, sont de bonne foi également, il nʼen reste pas moins que les deux sont bercés par des mythes et des fantasmes. Ils ne prennent pas en considération les connaissances universelles que lʼhomme a sues acquérir au sujet du pouvoir politique. Si on écoute les royalistes, ils sont bercés par les illusions dʼun homme providentiel. Chez les musulmans, même impression, ils attendent le retour du Messie. Mais qui nous dit que ce sera notre génération, parce que lorsque vous étudiez lʼhistoire de lʼislam, chaque génération a cru quʼelle allait vivre le retour du Messie.

Avoir des connaissances sur le pouvoir, mais surtout les abus de pouvoir, ce qui est primordial. Par exemple, pour Platon, le roi idéal était le philosophe, parce que, si nous faisons lʼeffort de revenir au sens des mots, le philosophe, étymologiquement, est celui qui aime la sagesse. Son amour pour la sagesse fait de lui quelquʼun qui ne désire pas le pouvoir. Et son désintéressement du pouvoir fait quʼil en fera bon usage.

La question qui se pose alors, quʼen est-il dans lʼislam ? Est-ce quʼun homme comme Abou Bakr al-Baghdadi, de lʼétat islamique de Daech, possède le droit de sʼautoproclamer Calife ? Dʼoù tire-t-il sa légitimité ?

Dʼaprès les enseignements du Prophète Muhammad, ce nʼest pas possible.

Il (le Saint Prophète) a dit : « Nous ne nommerons ou ne désignerons jamais à des postes publics (dans notre État) ceux qui voudraient les occuper […] »

Rapporté par Muslim

Le Messager dʼAllah () mʼa dit : « ʼAbd al-Rahman, ne réclame pas un poste dʼautorité, car si on te donne ce poste à la suite de ta demande, tu resteras seul (sans lʼaide de Dieu pour tʼaider à t’acquitter des responsabilités qui en découlent), et si on vous l’accorde sans en faire la demande, vous serez aidés (par Dieu dans l’accomplissement de vos tâches). »

Rapporté par Muslim

Il ne faut jamais donner le pouvoir à celui qui le réclame. Celui qui le convoite a de grandes chances de se comporter comme un tyran, et sera notamment susceptible de confondre et substituer sa vision des choses avec la volonté du peuple.

« Car enfin le trait le plus visible dans lʼhomme juste est de ne point vouloir du tout gouverner les autres, et de se gouverner seulement lui-même. Cela décide tout. Autant dire que les pires gouverneront. »

Émile Chartier (Alain)

Dʼailleurs, aussi paradoxale que cela puisse être, le Prophète Muhammad nʼa jamais cherché à posséder le pouvoir. Cʼest quelque chose qui sʼest imposé à lui. Cʼétait sa destinée en tant que Messager et Prophète de Dieu. Une des preuves de cela, cʼest que, à la Mecque, les notables ont essayé de le corrompre. Ils lui ont proposé la royauté, pour quʼil arrête de tourner au ridicule les idoles. Et le Prophète aurait répondu : « Si vous me donniez même le Soleil dans la main droite et la lune dans la main gauche, je ne renoncerai pas à ma mission ».

Lorsque lʼon regarde la nomination des califes bien-guidés qui vont suivre le Prophète, on retrouve le respect de ce principe fondamental. Puisque le deuxième calife Omar aurait pu être le premier, sʼil nʼavait pas dit :

« Par Dieu, je préfère quʼon me coupe la tête pour un péché que je nʼai pas commis, que de commander une communauté au sein de laquelle se trouve un homme comme Abu Bakr »

Omar ibn Al-Khattab

Propos quʼOmar a tenu lors dʼune réunion de la saqîfa des Banû Sâʼida, réunion pour discuter sur celui qui viendra remplacer le Prophète ().

Ce qui prouve que pour les bien-guidés (rashidun), gouverner est une lourde responsabilité. Ils auraient aimé ne pas être dans cette situation, car atteindre ce rang demande dʼêtre irréprochable.

On sait aussi que le pouvoir a une influence négative sur le caractère des gens. Abû Bakr, lorsquʼil succéda au Prophète en tant que calife, sa personnalité changea. Il devint beaucoup moins clément. Alors quʼil était réputé comme étant doux, sage, quelquʼun de silencieux, plutôt en retrait, dans lʼombre. Mais lorsquʼil obtint des responsabilités politiques, il prit des décisions plus durs quʼOmar ibn Al-Khattâb, qui était pourtant connu pour être quelquʼun dʼassez ferme. Par exemple, il y eu des mouvements de rébellions dans les régions éloignées de Médine, en apprenant la mort du Prophète, beaucoup ont commencé à refuser de vouloir payer l’aumône légale (zâkat) à Abû Bakr, qui était le légitime successeur du Prophète. Et Omar avait une position plus clémente envers eux, ils disaient quʼil fallait les laisser, tant quʼils faisaient la shahada. Abû Bakr décida de les combattre, pour les forcer à payer.

En réalité, cette sévérité quʼon retrouve beaucoup dans les débuts de lʼislam, et à Médine en particulier, a été nécessaire pour maintenir et installer lʼislam dans le monde. Pour Abû Bakr, il ne fallait montrer aucun signe de faiblesse pour ne pas laisser une occasion de croire que les ennemis de lʼislam avaient une occasion de mettre fin à cette religion. Cʼest pour ça que, selon certains théologiens sunnites, les califes dits bien-guidés, les rashidun, ont participé au processus dʼancrage de lʼislam dans le monde, ne serait-ce que par la mise par écrit du Coran par exemple.

Dʼautres questions viennent à lʼesprit concernant les abus dʼautorité dans une monarchie. Lʼhomme a su inventer des techniques pour contourner ou sʼemparer du pouvoir. Et une solution qui a été trouvée pour contrer ces excès, et qui est un principe connu des « démocratie représentatives » modernes, est la séparation des pouvoirs, ou au moins, leurs limitations. Et donc, pour revenir à nos royalistes, comment envisageraient-ils une telle séparation, si la monarchie donne les pleins pouvoirs à un seul homme ? Si nous tombons sur un monarque pieux, tant mieux pour nous, mais lʼinverse risque dʼêtre catastrophique, voir très dangereux. Cʼest presque la justification de lʼoppression des hommes.

Pour faire un petit rappel aux musulmans qui seraient tentés par la monarchie, nous rappelons que le deuxième calife Omar ibn Al-Khattâb, est le premier à séparer le pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif, afin de donner aux juges plus dʼindépendance. Une autonomie vis-à-vis du gouverneur à tel point que le pouvoir judiciaire était au-dessus du pouvoir exécutif. Ainsi, lors dʼun léger conflit dʼintérêts avec un compagnon, Omar laissa ‘Abbas ibn ‘Abd al-Muttalib choisir un juge pour trancher entre eux sur leur différent.

Ce quʼil faut savoir, cʼest que les deux périodes de gouvernance dʼAbû Bakr et de Omar, ont clairement été identifiées comme des Républiques. Des aristocraties républicaines pour être exactes, puisquʼelles servaient véritablement le bien commun, et parce que les rashidun étaient des aristoï, les meilleurs, véritablement des hommes dʼexceptions.

Mais encore une fois, devons-nous nous reposer sur des hommes dʼexceptions pour pouvoir gouverner. Car Omar sʼest très vite rendu compte à la fin de sa vie, quʼil nʼavait pas pu satisfaire et écouter toutes les régions sous sa gouvernance, malgré la mise en place de consultation (shûra) et dʼune liberté dʼexpression évidente dans le débat politique. Faute de moyens techniques lié à son époque, il est invraisemblable quʼau XXIe siècle nous soyons incapables de faire mieux, lorsquʼon voit les fruits des efforts dʼun seul homme du VIIe siècle qui nʼavait pas tous les moyens de communication que nous disposons. La faute est notre.

Bien évidemment, il nʼest pas question de calquer le modèle dʼOmar, mais de sʼen inspirer dans les principes, pour lʼaméliorer avec toutes les expériences de lʼhumanité que nous possédons sur le pouvoir, tout en prenant en considération la réalité de notre époque moderne.

Selon la théorie politique du philosophe Monstesquieu, français du XVIIIe siècle, il identifia trois pouvoirs : le législatif, lʼexécutif, le judiciaire. En France, notre constitution républicaine repose encore théoriquement sur une séparation de ces trois pouvoirs. Cʼest dans la constitution que lʼon trace habituellement les grandes lignes de la limitation des pouvoirs, afin dʼéviter leur concentration. Cela est censé éviter la pression des lobbies, des associations sur le législatif, et des promiscuités entre la justice et le gouvernement, mais ça ne fonctionne pas toujours. Or, si en France, ça ne fonctionne plus, cʼest parce quʼen réalité, la constitution de notre République est désuète. Elle a été pensée pour une certaine époque qui ne correspond plus au monde dans lequel nous vivons aujourdʼhui. La constitution est le texte qui est censé protéger le peuple des abus de pouvoir. Le Prophète avait utilisé la constitution de Médine pour protéger les citoyens de la nouvelle société de Médine des comportements tribalistes. Le Prophète avait ainsi identifié ces forces, propre au contexte de lʼArabie, quʼétaient les actes tribaux, faisant du tort au bien commun. Cʼest par la constitution quʼil va limiter les relations entre les différentes tribus.

Nous verrons un peu plus loin dans ce chapitre, que cʼest dans la constitution, quʼil est écrit les règles de la nomination des élus : le processus de lʼélection. Et enfin, la question que nous poserons surtout, cʼest : qui est légitime pour écrire ces règles ? La question se pose aussi bien dans un état islamique que dans un état non-musulman.

« Ce qui est souverain, en fait, cʼest la force, qui est toujours aux mains dʼune petite fraction de la nation. Ce qui doit être souverain, cʼest la justice. Toutes les constitutions politiques, républicaines et autres, ont pour unique fin – si elles sont légitimes – dʼempêcher ou au moins de limiter lʼoppression à laquelle la force incline naturellement. Et quand il y a oppression, ce nʼest pas la nation qui est opprimée. Cʼest un homme, et un homme, et un homme. La nation nʼexiste pas ; comment serait-elle souveraine ? Ces formules vides ont fait trop de mal pour quʼon puisse leur être indulgent »

Simone Weil

http://www.lettertobaghdadi.com/

Sahîh Muslim, n°1733.

Sahîh Muslim, n°1652.

Muhammad Hamidullah, « Le Prophète de lʼislam, Sa vie, Son œuvre », Édition El Falah, p.635, §1373.

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés, les successeurs du Prophète () », Éditions Tawhid, p.46.

Beaucoup sʼétaient convertis plus par conformisme, que par assimilation au message de lʼislam.

https://www.saphirnews.com/Le-califat-d-Omar-Ibn-El-Khattab-l-ideal-a-l-epreuve-du-pouvoir_a23851.html

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés, les successeurs du Prophète () », Éditions Tawhid, p.133.

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés, les successeurs du Prophète () », Éditions Tawhid, p.106.

http://m.leparisien.fr/faits-divers/affaire-benalla-un-avocat-demande-le-depaysement-14-02-2019-8012121.php

Nous définissons le tribalisme comme le fait de favoriser son groupe dʼappartenance au détriment dʼidéaux universels.

Simone Weil, « Remarques sur le nouveau projet de Constitution », dans « Écrits de Londres et dernières lettres », Université du Québec à Chicoutimi, coll. Les classiques des sciences sociales, (1957), p.77.

Le califat dans lʼislam : une nécessité ?


Si la notion de « califat » apparaît bien dans le Coran, sa nécessité en tant quʼinstitution politique semble plus controversée. Nous connaissions le consensus sunnite maintes fois relayé, mais nous nʼen connaissions pas les arguments. Après un petit travail de recherche pour essayer de savoir, dʼoù venait la nécessité dʼun califat dans lʼislam nous nous sommes rendu compte quʼil nʼy avait, à nos yeux, aucune preuve solide, ou plutôt, que les arguments étaient très faibles. Un seul verset du Coran, sur lequel sʼappuie toute la théorie du Califat politique :

« Ô David ! Nous faisons de toi un vicaire [khalīfatan] sur Terre. Juge entre les hommes en toute équité et garde-toi de suivre tes penchants, si tu veux rester dans la Voie du Seigneur, car ceux qui dévient de la Voie du Seigneur subiront de terribles châtiments pour avoir oublié le Jour du Jugement. »

Coran, Sourate Sâd, Verset 26

Califat octroyé au Prophète David (Dâwûd) ici, alors quʼen réalité, tous les autres versets du Coran évoquant le califat sont clairs sur la pluralité de la lieutenance. Comme nous le verrons, lʼhumanité entière est concernée.

Ibn Khaldoun, historien arabo-musulman du XIVe siècle, faisait déjà remarquer que lʼargument dʼun unique califat reposait sur un raisonnement faible :

« L’établissement d’un imam est une chose d’obligation ; la loi, se fondant sur l’accord général des compagnons du Prophète et de leurs disciples, en a déclaré la nécessité. [...] Quelques docteurs ont enseigné que cette nécessité se comprend par le simple raisonnement et que l’accord général dont il s’agit est le résultat d’un jugement fondé sur la raison. [...] Ce raisonnement est identiquement celui qu’employaient les philosophes, lorsqu’ils voulaient démontrer que la faculté du prophétisme existe nécessairement dans l’espèce humaine, et j’ai déjà indiqué la faiblesse de leur argument. Je n’admets pas le principe qui déclare que l’établissement d’un modérateur auquel tout le peuple doit se soumettre avec confiance et résignation soit ordonné par la loi divine. »

Ibn Khaldûn

Si Dieu veut être clair dans le Coran, généralement Il lʼest. Nous trouvons personnellement aucune clarté sur le sujet dʼun califat qui serait dʼordre politique. Lʼargumentation est très loin dʼêtre pertinente. Il nous aura fallu, en conséquence, développer notre propre vision du califat, en jugeant à partir du Coran et de la Sunna.

« On a nommé le khalife imam, parce qu’on l’a assimilé à l’imam qui dirige la prière publique, et dont les mouvements sont imités par toute la congrégation. De là provient l’emploi du terme grand imamat pour désigner la qualité de khalife. On adopta d’abord le mot khalife, parce que ce chef remplaça le Prophète auprès du peuple. On peut dire le khalife sans aucune addition, ou bien le khalife du Prophète de Dieu. Quelques personnes avaient d’abord employé le titre de khalifat Allah « le lieutenant de Dieu » ; mais cela donna lieu à une controverse : ceux qui admettaient cette forme s’appuyaient sur le fait que Dieu avait accordé aux hommes la lieutenance universelle (sur toutes les créatures). Il a dit, par exemple : Je vais instituer un lieutenant sur la terre (Coran 2:28), et : Il vous a institués comme ses lieutenants sur la terre. (Coran 6:165) La plupart des docteurs repoussent cependant l’emploi de ce titre, en déclarant que la signification des versets qu’on cite ne l’autorise pas. Ils s’appuient aussi sur la parole d’Abou Bekr, qui défendit aux musulmans de l’appeler lieutenant de Dieu. « Je ne suis pas son lieutenant, leur dit-il, mais le lieutenant de l’Apôtre de Dieu. » Celui qui est absent, disent-ils encore, peut seul avoir un lieutenant ; celui qui est toujours présent n’en a aucun besoin. »

Ibn Khaldûn

Si nous commençons par revenir sur lʼorigine du mot, on va très vite voir quʼil y a quelques problèmes. En lʼan 661, on voit apparaître le rang de « Khalifatu-Llah », dans le sens de « Vicaire [Représentant ou Lieutenant] de Dieu » sur la terre. Dans tous les cas, il sʼagit là bien évidemment dʼune innovation. Il ne peut pas y avoir un seul et unique représentant de Dieu sur terre. Le Prophète lui-même ne sʼest jamais donné ce titre, pourquoi lʼoctroyer à des hommes qui sont moins méritant que le Prophète.

Si on se tourne maintenant du côté des premiers califes bien-guidés, il était question de « Khalifatu Rassulilah », (« successeur du Messager de Dieu ») ou encore de « amir al-muʼminin » (« commandeur des Croyants »). Abû Bakr avait pour habitude dʼécrire : « Khalifat » du Messager de Dieu, quand Omar ibn Al-Khattâb, lui, écrivait : « Khalifat » dʼAbû Bakr, ou encore « Khalifat » du « Khalifat » du Messager de Dieu.

Cʼest pourquoi, nous ne retenons pas la traduction de « lieutenant ». Sinon, quʼest-ce qui aurait empêché Omar de dire directement « Khalifatu Rassulilah » ? Cʼest pourquoi, il convient mieux de traduire par « successeur » ou « succession », dans le sens de venir remplacer, venir succéder dans des actes de responsabilités.

En 1924, pour la première fois depuis la naissance de lʼislam, est proclamée lʼabolition officielle du « Califat » de lʼempire Ottoman. Selon notre compréhension, si le califat politique a cessé dʼêtre depuis cette date, le véritable califat nʼa jamais cessé dʼexister. Il se transmet depuis Adam. Et si le message de lʼislam nous est parvenu, cʼest que la transmission a continué malgré lʼabsence dʼinstitution.

Avant de vous expliquer notre propre vision de la question, nous devons en finir avec le califat politique. On peut effectivement parler de « califat » dans lʼhistoire, en prêtant le sens de période de « succession ». Ainsi, il y a eu la période califale des bien-guidés, des Omeyyades, des Abbassides, etc. Plusieurs autorités califales ont coexisté en même temps dans lʼhistoire, notamment en Andalousie. Ce qui pose une nouvelle fois la question de la nécessité dʼune seule et unique institution politico-religieuse. Il y a eu également les Sultanats. De la même façon, le titre de Sultan ne peut tirer sa légitimité du Coran.

Dans le Coran, lorsquʼil est question de « sul‘tân », cela évoque une autorité qui descend directement de Dieu. Généralement, elle est donnée aux Prophètes, et en particulier à Moise (Mûsâ) (Coran 11:96). Concernant cette autorité bien précise, Dieu ne cesse répété dans le Coran quʼil nʼa fait descendre aucune autorité sur les fausses divinités et des noms inventés (ex : Coran 3:151 ou Coran 6:81). Aucune divinité ne peut gouverner les hommes. Quant au Diable, Dieu nous informe quʼil nʼa aucune autorité sur les croyants plaçant leur confiance dans le Seigneur (Coran 16:98-100). Dans ce même sens toujours, sul‘tân peut aussi vouloir dire « preuve » (Coran 14:10). Une preuve évidente qui vient faire autorité sur toutes les autres. La seule autorité humaine que lʼon trouve dans le Coran, et qui serait toujours valide aujourdʼhui, cʼest lʼautorité que Dieu donne aux représentants de celui qui a été tué injustement (Coran 17:33). Les représentants ou la famille de la victime, dʼun point de vue islamique, ont tous les droits sur celui qui est responsables du meurtre. Dʼoù la loi du talion. Mais Dieu précise quʼil ne faut pas commettre dʼexcès dans la sanction (pas de torture, ni de souffrance). Dieu préfère que nous soyons cléments et miséricordieux.

Le sultanat dans lʼhistoire est une innovation politique, tout comme lʼest le califat, ou lʼimamat. Si on se tourne vers le Prophète, lorsquʼil était à Médine, il ne possédait aucun de ces titres. Il nʼavait pas le titre de calife, puisque que le premier calife est Abû Bakr. On parle généralement dʼun état islamique, et non pas dʼun califat. Et puis finalement, le Prophète était juge suprême, cʼest-à-dire quʼon se référait à lui en dernière instance, si jamais on nʼarrivait pas à trancher sur une situation. Mais cela était lié à sa condition de prophète, puisquʼon verra que ce mode de fonctionnement nʼexistera plus chez Omar ibn Al-Khattâb. Plus personne ne peut se prétendre juge suprême aujourdʼhui. Par contre, le Prophète était imam, aucun doute. On sait que dans ses derniers jours, le Prophète a désigné Abû Bakr pour le remplacer en tant quʼimam (pas en tant que successeur ou dirigeant politique, cʼest important de comprendre la nuance). Du coup, cela pose des questions sur lʼimamat.

Comme le faisait remarquer Ibn Khaldûn dans la citation plus haut, il y a eu confusion entre lʼautorité du Prophète, en tant que dépositaire dʼune science religieuse révélée et réformatrice pour les Arabes, et lʼautorité politique du Messager de Dieu, très limité en réalité. La constitution de Médine ne donne aucun pouvoir politique à Muhammad. Cette confusion dans le politique et le religieux, quʼon ne retrouve ni chez le Prophète, ni chez les bien-guidés, mais bien après, va faire surgir des régimes théocratiques.

Cette histoire de califat nous laisse tout de même avec deux questions en suspend sur la Tradition islamique : Est-ce que les paroles prophétiques sur le califat sont authentiques ? Et si oui, est-ce que, ce quʼentendait le Prophète par la notion de « califat » nous est bien parvenu, soit est-ce quʼil lʼentendait comme nous lʼentendons aujourdʼhui ? Deux questions auxquelles nous ne saurions pas répondre, et qui dépasse nos compétences personnelles.

Néanmoins, notre avis, sur le califat en dehors du consensus sunnite, est quʼil ne sʼagit évidemment pas dʼune structure politique. Les savants sunnites ont établi des critères dʼaccession au califat, mais, est-ce à eux dʼen décider. Nʼest-ce pas Dieu qui donne lʼautorité, et qui élève les uns par rapport aux autres ? Ils réduisent dʼailleurs très souvent le califat au pouvoir exécutif, tel quʼil est pensé dans le droit constitutionnel moderne actuel. Pourquoi limiter les actes de responsabilités à la gestion politique ?

Ce qui est en réalité nécessaire, selon notre compréhension de ce quʼest le califat, se retrouve résumé dans le passage de la deuxième sourate Al-Baqarah, Versets 30 à 37 :

« Puis vint le jour où ton Seigneur dit aux anges : « Je vais installer un représentant [khalîfa] sur la Terre.» Et les anges de repartir : « Vas-Tu établir quelqu’un qui y fera régner le mal et y répandra le sang, alors que nous chantons Ta gloire et célébrons Tes louanges ? » Le Seigneur leur répondit : « Ce que Je sais dépasse votre entendement. » Et Il apprit à Adam tous les noms ; puis les présenta aux anges en leur disant : « Faites-Moi connaître les noms de tous ces êtres, pour prouver que vous êtes plus méritants qu’Adam ! » Et les anges de dire : « Gloire à Toi ! Nous ne savons rien d’autre que ce que Tu nous as enseigné ; Tu es, en vérité, l’Omniscient, le Sage. » Dieu dit alors : « Ô Adam ! Fais-leur connaître les noms de ces choses ! » Et lorsque Adam en eut instruit les anges, Dieu ajouta : « Ne vous avais-Je pas avertis que Je connais le secret des Cieux et de la Terre, ainsi que les pensées que vous divulguez et celles que vous gardez dans votre for intérieur ? » Et lorsque Nous dîmes aux anges : « Prosternez-vous devant Adam ! », ils s’exécutèrent tous à l’exception de Satan qui refusa avec orgueil, et fut ainsi du nombre des infidèles. Nous dîmes alors : « Ô Adam ! Installe-toi avec ton épouse dans le Paradis. Mangez de ses fruits à satiété et où il vous plaira ; mais ne vous approchez sous aucun prétexte de l’arbre que voici, sinon vous vous mettriez du côté des injustes ! » Or, Satan les fit trébucher et leur fit perdre les délices dont ils jouissaient. Nous leur dîmes alors : « Quittez ces lieux et installez-vous sur la Terre où vous serez ennemis les uns les autres. Ce sera pour vous un lieu de séjour provisoire et de jouissance éphémère ! » Cependant, Dieu révéla à Adam une prière qu’il se mit à répéter pour exprimer son repentir. Et c’est ainsi que son péché fut pardonné, car Dieu est Plein de clémence et de mansuétude. »

Coran, Sourate Al-Baqarah, La Vache, Versets 30 à 37.

Le verset 30 évoque le Calife que Dieu va mettre sur terre. Il nʼest pas dit quʼil sʼagit dʼAdam, contrairement à un jugement trop hâtif le suggérerait. Le Coran est précis. Toujours dans ce verset 30, on remarque que Dieu ne contredit pas totalement les anges, ce qui a des conséquences sur la nature de lʼhomme calife, notamment sur sa liberté sur terre. Dans le verset 31, Dieu apprend les noms de toutes choses à Adam. Ce verset nous fait comprendre quʼAdam est dépositaire dʼune science que nʼont pas les anges. Au verset 33, Adam est une espèce qui peut transmettre sa science. Dʼoù lʼidée que lʼespèce humaine est une espèce qui se succède, mais aussi capable de la transmission de ce savoir.

Si le califat est la transmission dʼun pouvoir, le vrai pouvoir subsiste dans la science, et en particulier dans ce savoir originel adamique. Lorsque vous savez, vous agissez correctement. Tant quʼil y aura des copies du Coran sur terre, des gens qui le mémoriseront, et qui discuteront et transmettront les enseignements de lʼislam, le califat spirituel perdurera. Internet, une fois bien maîtrisé, a été pour nous une sorte dʼespace califale, où le savoir originel circule et se diffuse. Cʼest par cette science adamique quʼun individu, voir un peuple tout entier, peut sʼémanciper et se libérer de lʼoppression en reprenant ses responsabilités.

Cʼest précisément pourquoi, lʼintérêt premier des musulmans, partout sur la terre est de redonner le pouvoir aux différents peuples du monde. La science contenue dans le Coran le permet. Si vous observez à lʼéchelle internationale, à chaque fois quʼun peuple est véritablement souverain, quʼil a un vrai dirigeant à son image, représentant lʼintérêt de la majorité dans le discours et les actes, et donnant la parole au peuple, automatiquement les décisions politiques prises sont du côté de la justice. On a vu des dirigeants dʼAmérique du Sud tenir des déclarations condamnant fermement Israël et apporter leur soutien à la Palestine. Plus modérément, lʼIrlande a voté une loi sanctionnant les colonies israélienne. Rétablir la démocratie dans un pays permet de faire des pressions diplomatiques et économiques sur les pays injustes. Notamment les pays commettant des exactions contre les musulmans (obliger la Birmanie à trouver des solutions par exemple). Cette science permettant lʼéveil des peuples, nous la retrouvons à notre plus grand étonnement, dans lʼattitude de certains porte-paroles emblématiques du mouvement des gilets jaunes. Ils sont parfois détenteurs de cette science, de cette sagesse, très certainement de façon inconsciente. Cʼest une des raisons pour lesquelles ce mouvement va rentrer dans lʼhistoire de France, en espérant quʼil apporte un nouveau paradigme politique face aux dérives autoritaires du gouvernement actuel.

Ibn Khaldoun, « Les Prolégomènes, première partie », traduits en Français et commentés par W. Mac Guckin De Slane, Université du Québec à Chicoutimi, coll. Les classiques des sciences sociales, 1863, p.370-371.

Ibn Khaldoun, « Les Prolégomènes, première partie », traduits en Français et commentés par W. Mac Guckin De Slane, Université du Québec à Chicoutimi, coll. Les classiques des sciences sociales, 1863, p.370.

https://journals.openedition.org/assr/1032?file=1

Jalal Ad-Din As-Suyuti, « The History of the Khalifahs Who Took the Right Way », Ta-Ha Publishers Ltd, 3rd Revised Edition, Londres, 1995, p.143.

Car seul le Prophète bénéficiait de la Révélation.

https://www.lepoint.fr/monde/le-senat-irlandais-vote-un-projet-de-loi-contre-les-colonies-israeliennes-12-07-2018-2235500_24.php

La démocratie dans le Coran ?


Nous venons de voir que le califat nʼest pas un régime politique. Parmi les régimes politiques connus :

Démocratie :
Régime politique, système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par lʼensemble des citoyens.
Oligarchie :
Système politique dans lequel le pouvoir appartient à un petit nombre dʼindividus ou de familles, à une classe sociale restreinte et privilégiée.
Ploutocratie :
Système politique ou ordre social dans lequel la puissance financière et économique est prépondérante.
Aristocratie :
Forme de gouvernement où le pouvoir est entre les mains dʼun petit nombre de personnes, en raison de leur naissance, de leur fortune ou de leur qualification.
Monarchie :
Système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par une seule personne, le plus souvent par un roi héréditaire.
CNRTL

La France dʼaujourd’hui est officiellement, sur le papier, une démocratie. Mais officieusement, dans la pratique, les rouages du système démocratique sont tellement affaiblis, et le citoyen impuissant politiquement, quʼil sʼagit en réalité dʼune aristocratie oligarchique et ploutocratique.

Nous avons des élections où seulement un petit groupe de gens est promu médiatiquement par les plus riches. Macron en est la synthèse. Une fois élu, il rend des comptes à ceux quʼils lʼont fait élire. Soit il sert lʼintérêt des plus riches. Celui qui a le plus de moyen pour sa campagne électorale, celui qui a les réseaux et passe le plus de temps dans les médias, augmente ses chances de remporter les élections.

La France est donc une aristocratie, car il y a le système de lʼélection (nous verrons ce point plus en détails) ; une oligarchie en raison de petits groupes qui mènent le jeu ; et une ploutocratie parce que ces petits groupes sont des puissances financières.

Mais que dit le Coran sur les régimes politiques ? La première chose quʼon aurait tendance à penser, parce que le Coran parle de roi et de royaume, alors il serait nécessaire dʼavoir une monarchie. Or, nous rappelons que ni le Prophète, ni les califes bien-guidés nʼont été des monarques.

Ce quʼil faut comprendre, cʼest quʼil nʼy a pas de système politique miracle dans le Coran. Lʼenseignement à tirer, est quʼun système politique est forcément humain, imparfait, mais surtout, que cʼest un moyen et jamais une finalité. La finalité, cʼest ce que nous avions appelé les objectifs supérieurs de la Charia, dont les nécessités sont au nombre de cinq généralement. Il nʼest pas impossible dʼen identifier dʼautres. Un bon régime politique visera ces objectifs, fixant de grands axes dans la constitution. Dieu nʼa pas établi clairement cette liste, et donc, il en relève de lʼeffort et de lʼépreuve des hommes.

Le Dr. Muhammad Hamidullah fait remarquer quʼil nʼy a aucune structure politique de décrite dans le Coran dʼAdam jusquʼà Noé. Ce nʼest quʼà partir dʼAbraham que lʼon commence à voir des institutions apparaître, comme les juges, les conseillers, les ministres, mais surtout des rois. Or, le Coran nous compte aussi bien lʼhistoire de rois justes comme de rois injustes, ce qui est une preuve que la monarchie peut-être bonne comme mauvaise.

Et le Coran insiste sur le fait de mettre le pouvoir, soit selon nous, le savoir, la science, au service du bien commun. Cela passe par la consultation par exemple, qui est une institution qui permet de connaître véritablement les aspirations du peuple. Puisquʼil nʼy a que les gens qui font société et qui travaillent, qui savent mieux que nʼimporte qui ce qui est bon pour eux. Une question philosophique nous traverse lʼesprit : Est-ce que le bien commun, le bien politique, est si différent du bien morale islamique ? Selon nous, il nʼy a aucune différence. Mais pour arriver à cette conclusion, encore faut-il bien maîtriser ce quʼest la morale, mais aussi savoir bien évaluer toutes les conséquences dʼune décision politique.

Puisque le Califat est le principe de succession, nous nous sommes intéressé à regarder dans le Coran ce qui sʼest passé dans les cités qui nous ont précédé, et notamment des avertissements donnés pour éviter quʼune cité soit détruite :

« Que de villes plus puissantes que celle d’où tu as été chassé n’avons-Nous pas anéanties sans que personne pût leur prêter secours ! Quoi ! Celui qui sait où il va, guidé par les enseignements de son Seigneur, peut-il être comparé à ceux qui se laissent séduire par les faux éclats de leurs mauvaises actions et qui s’abandonnent totalement à leurs passions ? »

Coran, Sourate Muhammad, Versets 13 et 14

Première information, les cités détruites sont des lieux qui sont pourtant réputés être puissants. Une fois que Dieu a décidé dʼanéantir lʼune de ces villes, personne ne peut rien y faire pour empêcher ce décret. Personne ne peut prêter secours à ses habitants. Cʼest la Loi divine qui sʼexprime ici, et nous rappelons quʼelle ne dépend absolument pas de la volonté des hommes pour sʼappliquer. Les musulmans ne sont pas plus responsables que les non-musulmans de ces cités dans le processus de destruction, et les musulmans ne peuvent pas non-plus empêcher cette destruction si Dieu en a décidé ainsi. Et enfin, les gens qui composent ces villes amenées à être détruites, ce sont des gens qui font de mauvaises actions, et qui suivent leur passion. La passion, comme nous lʼavions expliqué dans le troisième chapitre, cʼest ce qui sʼécarte de la grande voie islamique (la Charia). Puisquʼils sont opposés à ceux qui savent, conduits par les enseignements religieux. Si un peuple ne sʼécarte pas de sa voie, il ne sera pas détruit, comme nous allons le voir.

« Combien de cités, dont les habitants vivaient dans l’opulence, n’avons-Nous pas anéanties pour leur ingratitude ? Voyez leurs demeures, devenues presque désertes, après leur mort. Et c’est Nous qui en fûmes l’Héritier suprême. »

Coran, Sourate Al-Qasas, Verset 58

Dans ce verset, nous retrouvons lʼidée que ce sont des villes puissantes, puisque les habitants vivaient dans lʼopulence, lʼabondance, ils ne manquaient de rien. Mais leur principal défaut, soulevé ici, est leur ingratitude. Cʼest-à-dire quʼils nʼétaient pas reconnaissants, ni envers Dieu, ni envers la nature ou la Création qui pourvoit à leur besoin. Le début du verset nous pousse à nous rappeler que les exemples de cités détruites ne manquent pas dans lʼhistoire.

« Il en fut de même de ceux qui vous ont précédés et qui pourtant étaient plus forts que vous, plus riches et avaient plus d’enfants. Ils ont eu leur part de jouissance en ce monde et vous jouissez aujourd’hui de la vôtre, comme vos prédécesseurs ont joui de la leur. Vous discutez des mêmes questions vaines dont ils discutaient. Les œuvres de ces gens-là seront réduites à néant dans cette vie et dans l’autre. Et ce sont eux qui sont les véritables perdants ! »

Coran, Sourate At-Tawba, Le Repentir, Verset 69

Le Coran semble se répéter, et pourtant, à chaque verset de nouvelles informations nous parviennent. Dans ce verset, les habitants se mettent à discuter de questions vaines, futiles, qui nʼapportent à rien à la société.

« Nous avons fait périr nombre de cités qui vous entouraient, après avoir multiplié les signes à leur intention, dans l’espoir de les faire revenir au droit chemin. »

Coran, Sourate Al-Ahqâf, Verset 27

Dans ce verset, nous pouvons voir toute la miséricorde divine. Pour éviter quʼune cité soit anéantie, Dieu envoie des signes afin que les peuples se réforment. Dieu nʼest pas injuste, comme le dit le verset coranique, ce sont « les hommes qui se font du tort à eux-mêmes ».

« En vérité, Dieu ne commet jamais d’injustice envers les hommes, mais ce sont plutôt les hommes qui se font du tort à eux-mêmes. »

Coran, Sourate Yûnus, Jonas, Verset 44

« Ton Seigneur n’anéantit jamais les cités avant d’envoyer dans leur métropole un messager pour leur réciter Nos versets, car Nous n’avons à anéantir que les cités dont les habitants sont injustes. »

Coran, Sourate Al-Qasas, Verset 59

Dieu rappelle dans le Coran quʼil y a un exemple dans la conduite (sunnat) des générations qui nous ont précédés.

« Telle est la loi (sunnata) établie par Dieu à l’égard des générations révolues, et la loi du Seigneur est immuable. »

Coran, Sourate Al-Ahzâb, Les Coalisés, Verset 62

Une cité ou une nation, cʼest un peuple, une collectivité. Il existe donc une responsabilité collective.

« C’est que, en effet, Dieu ne modifie en rien les bienfaits dont Il gratifie un peuple qu’autant que ce peuple modifie lui-même son comportement, car Dieu est Audient et Omniscient. »

Coran, Sourate Al-Anfâl, Les Prises de guerre, Verset 53

Dans ce verset, il est question de réforme dʼun peuple, qui doit apprendre à modifier son comportement, soit à sʼéduquer lui-même. Il sʼagit de comportements dont nous devons nous écarter : éviter lʼingratitude, éviter les mauvaises actions, éviter la passion. Savoir garder un juste équilibre entre le rationnel et lʼémotionnel, et éviter les polémiques stériles qui nʼapportent rien à la société.

« Dieu ne laisse jamais s’égarer un peuple qu’Il avait mis sur la bonne voie, avant de le mettre en garde contre les périls qu’il doit craindre. Dieu a une parfaite connaissance de toute chose. »

Coran, Sourate At-Tawba, Le Repentir, Verset 115

Dieu nʼest pas injuste. Il nous met en garde. Il prévient et ne laisse jamais sʼégarer le peuple qui veut écouter Ses signes. Quant à ceux qui nʼécoutent pas et qui restent sourds, Dieu les laisse sʼégarer conformément à la Loi divine sur la guidance.

Sʼil y a une responsabilité collective, il est évident quʼil existe aussi une responsabilité individuelle :

« Des anges sont attachés à chaque être humain et, placés devant et derrière lui, le protègent sans cesse, sur ordre du Seigneur. En vérité, Dieu ne modifie point l’état d’un peuple tant que les hommes qui le composent n’auront pas modifié ce qui est en eux-mêmes. Et quand Dieu décide de punir un peuple, nul ne peut L’en empêcher, car les hommes en dehors de Lui n’ont nul protecteur. »

Coran, Sourate Ar-Ra'd, Le Tonnerre, Verset 11

Un peuple est composé dʼhommes, rien dʼextraordinaire. Mais ce verset nous indique que chacun dʼentre eux, est protégé par des anges. Les anges sont là pour nous guider, et nous montrer les signes afin dʼéviter les mauvaises actions et les mauvais choix. Toujours dans le but de sʼéduquer, se réformer soi-même, et chercher à améliorer son comportement au quotidien. Lʼétat dʼun peuple et sa gouvernance seront à lʼimage des actions des hommes qui le composent, et de leur degré dʼéducation.

« Quiconque suit le droit chemin le suit dans son propre intérêt et quiconque s’égare ne s’égare qu’à son propre détriment. Nul n’aura à assumer les péchés d’autrui. Nous n’avons jamais sévi contre un peuple, avant de lui avoir envoyé un messager. »

Coran, Sourate Al-Isrâ', Le Voyage nocturne, Verset 15

La responsabilité individuelle à suivre le droit chemin est dans lʼintérêt du croyant. Suivre la bonne voie ne bénéficie quʼà celui qui la suit. Faire partie dʼun groupe ne vous sauvera pas de lʼégarement. Nous nʼattendons pas que les autres se comportent bien, pour bien se comporter à notre tour. Nous continuons à bien nous comporter, même si en face de nous les gens se comportent mal. Car nul nʼaura à assumer les péchés commis par les autres, même sʼils sʼidentifient au même groupe. Il est important de comprendre que nous nʼavons pas à subir les conséquences dʼerreurs que nous nʼavons pas produites nous-mêmes. Ce qui, dans notre époque moderne, pose la question de la dette des États et de ceux qui lʼont contracté. Pourquoi aujourdʼhui en France, un enfant qui vient au monde à 30 000 euros de dette sur la tête ? Lʼesclavage aboli en Occident ? En réalité, ce sont les chaînes et les coups de fouet qui ont été abolis. Mais l’asservissement par la dette est toujours présente. Est-ce normal ? Souvenez-vous de ce que disait le deuxième calife Omar ibn Al-Khattâb : « Depuis quand vous attribuez-vous le droit de réduire en esclavage des hommes, alors que leur mère les a engendrés libres ? » Dieu nous engendre libre et cela nʼest un secret pour personne. Et pourtant aujourdʼhui, sous prétexte dʼune dette qui sʼaccumule par des « mauvais » choix politiques, de la part de nos gouverneurs, et dʼun système qui fait de la dette un fardeau qui peut se transmettre de génération en génération (nous payons pour ce que nous nʼavons pas commis, ce qui contrevient aux principes de lʼislam), lʼasservissement des gens se ressent dans leur façon de penser. Nous pouvons affirmer que la précision des propos dʼOmar ibn Al-Khattâb, a non seulement permise dʼabolir lʼesclavage classique, mais nous devrions nous en servir pour abolir lʼesclavage moderne par la dette qui sera le défi de ce XXIe siècle.

Une responsabilité individuelle qui signifie alors que nous ne sommes pas responsables du comportement des autres, que nous nʼavons pas à payer pour les erreurs des autres. Nous ne sommes pas des moutons de Panurge, et dans ce cas, nous nʼavons pas à obéir à un gouverneur si celui-ci se met à faire nʼimporte quoi, et entraver le bon sens.

« Pharaon cherchait à égarer son peuple. Et celui-ci lui a obéi, car c’était un peuple pervers. »

Coran, Sourate Az-Zukhruf, L'Ornement, Verset 54

Voilà un verset du Coran qui contrecarre certaines interprétations de hadith. Le peuple de Pharaon lui a obéi, alors que ce dernier ne cherchait quʼà lʼégarer. Pourquoi cette obéissance ? Parce que ce peuple était pervers. Dieu, ici, reproche au peuple son obéissance, dont la docilité nʼest que la manifestation de sa perversion. Un autre hadith vient tout de même confirmer plus clairement la possibilité de désobéissance au gouverneur. Présent dans le Sahih de Muslim, plus précisément dans le Livre sur le Gouvernement, au chapitre : Lʼobligation dʼobéir aux dirigeants dans les affaires qui ne concernent pas le péché, mais il est interdit de leur obéir dans les affaires du péché :

Dʼaprès lʼautorité dʼAbou Abd al-Rahman, Ali a dit : le Messager dʼAllah () a envoyé une expédition et a nommé un homme à sa tête. Cet homme alluma un feu et dit : « Entrez-y ». Quelques-uns étaient décidées à y entrer, mais dʼautres ont dit : « Nous avons fui le feu. » Lʼaffaire a été rapportée au Messager dʼAllah (). Il dit à ceux qui envisageaient dʼentrer (dans le feu sur ordre de leur commandant) : « Si vous y étiez entrés, vous y seriez restés jusquʼau Jour du Jugement. » Il a recommandé lʼacte du second groupe et a déclaré : « Il nʼy a aucune soumission en matière de désobéissance à Dieu, ni dans le déplaisir. Lʼobéissance est obligatoire seulement dans ce qui est bon (et raisonnable). »

Sahih Muslim

Comme nous lʼavions indiqué dans la deuxième sourate Al-Baqarah au verset 30 (Coran 2:30), Dieu ne contredit pas totalement les anges, lorsque ces derniers Lui demande sʼIl va établir « quelqu’un qui y fera régner le mal et y répandra le sang ». Ce que le Coran confirme implicitement lorsquʼil fait état de rois injustes.

« Connais-tu l’histoire de cet homme à qui Dieu avait donné la royauté et qui, imbu de son pouvoir, engagea une dispute avec Abraham au sujet de son Seigneur ? Abraham avait dit : “C’est mon Dieu qui donne la vie et la mort.” – “Non, rétorqua l’homme, c’est moi qui fais vivre et mourir.” Abraham lui dit alors : “Dieu fait venir le soleil de l’Orient. Fais-le donc, toi, venir de l’Occident !” Et l’impie resta confondu, car Dieu ne guide point les ingrats. »

Coran, Sourate Al-Baqarah, La Vache, Verset 258

« et Pharaon s’adressa à son peuple en ces termes : “Ô mon peuple ! Ne suis-je pas le maître absolu du royaume d’Égypte avec tous ces canaux d’eau qui coulent à mes pieds ? Ne le voyez-vous pas ? Ne suis-je donc pas supérieur à ce vil individu qui sait à peine s’exprimer ?” »

Coran, Sourate Az-Zukhruf, L'Ornement, Versets 51 et 52

« Pour ce qui est de la barque, elle appartenait à de pauvres gens qui travaillaient en mer. J’ai voulu lui donner l’apparence d’être défectueuse, parce que derrière eux il y avait un roi qui s’emparait de toute embarcation et l’usurpait. »

Coran, Sourate Al-Khaf, La Caverne, Verset 79

Mais il y a aussi de bons rois décrits dans le Coran, notamment le roi Saül (Coran 2:246-247), le roi David (Coran 38:20) et le roi Salomon. Un hadith vient appuyer lʼexistence de bons rois :

Le Prophète () a dit : « Il y a sept types de personnes qui seront ombragés sous la protection de Dieu le jour de la résurrection, le jour où il nʼy aura aucune autre ombre que Celle de Dieu : le roi souverain juste, [...] ».

Rapporté par Bukhari, Tirmidhi, Abu Dawud

Si le Coran mentionne des rois, donc des monarchies, il est pourtant possible dʼobserver que le Coran donne la place aussi à la multiplicité des représentants et des détenteurs de pouvoirs.

« Ô croyants ! Obéissez à Dieu, obéissez au Prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent le pouvoir. En cas de litige entre vous, référez-vous-en à Dieu et au Prophète, si votre croyance en Dieu et au Jugement dernier est sincère. C’est là la démarche la plus sage et la meilleure voie à choisir. »

Coran, Sourate An-Nisâ', Les Femmes, Verset 59

Ce premier verset montre que nous devons obéir au commandement religieux, mais aussi, à ceux qui détiennent le commandement parmi les croyants. En dʼautres termes, pour nous, aujourdʼhui, les versets du Coran et les propos du Messager de Dieu sur la Justice, qui nous sont parvenus, priment sur nʼimporte quel gouverneur.

« Seigneur ! Tu m’as donné une parcelle d’autorité et Tu m’as appris à interpréter les songes. Créateur des Cieux et de la Terre, Tu es mon Maître dans ce monde et dans l’autre. Fais que je meure en état de soumission totale à Ta volonté, et permets-moi de rejoindre le camp des vertueux ! »

Coran, SOurate Yûsuf, Joseph, Verset 101

Le deuxième évoque le fait que Dieu a donné une partie de lʼautorité seulement : il sʼagit du ministre Yûsuf (Joseph), désigné pour gérer les finances de l’Égypte.

« Mais il n’est nullement souhaitable que les croyants partent tous en expédition. Il serait bon que, de chaque groupement, un certain nombre d’hommes s’emploient à parfaire leur éducation religieuse, afin d’en faire profiter leurs compagnons après leur retour, et de les amener ainsi à se tenir sur leur garde. »

Coran, Sourate At-Tawba, Le Repentir, Verset 122

Enfin, le dernier verset fait référence à une procédure de délégation. Il est inutile que tout un groupe se déplace pour sʼinformer. Seul un petit nombre de personne est envoyé en mission, néanmoins, ils ont le devoir de revenir informer le groupe.

Ces quelques versets démontrent que le pouvoir peut être partagé ou délégué pour certaine tâche bien précise et des obligations pour ceux qui détiennent lʼautorité. Mais le pouvoir ne reste quʼillusion :

« Dis : “Je ne détiens aucun pouvoir de me faire du bien ou du mal, sinon ce que Dieu veut. Si j’avais accès à l’insondable, j’aurais des biens en abondance et aucun mal ne saurait m’atteindre. Je ne suis qu’un avertisseur et un annonciateur pour les gens qui croient.”»

Coran, Sourate Al-A'râf, Les Murailles, Verset 188

« Réponds-leur : “Je ne détiens aucun pouvoir sur ce qui peut m’arriver en bien ou en mal, en dehors de ce que Dieu veut. » À chaque communauté est fixé un terme que, quand il échoit, elle ne peut, ne serait-ce que d’un instant, ni avancer ni reculer.” »

Coran, Sourate Yûnus, Jonas, Verset 49

Dernière note intéressante au sujet du pouvoir, cela concerne Adam, qui a chuté par la tentation de la promesse dʼun royaume impérissable, dʼune domination infinie.

« Mais Satan le tenta en lui disant : “Ô Adam ! Veux-tu que je te montre l’arbre de l’immortalité et un royaume impérissable ?” »

Coran, Sourate Tâ-Hâ, Verset 120

Ce qui peut faire penser à lʼidéologie transhumaniste aujourdʼhui. Un projet souhaitant repousser et combattre la mort, la vieillesse et la maladie en vue de créer des hommes augmentés. Se cache derrière cela, le mythe de la création dʼun être immortel, un dieu vivant sur terre totalement utopique. Des recherches œuvrent scientifiquement en ce sens, au-delà de toute éthique et au détriment du sens de la vie.

Après cette grande introduction pour cerner les déclinaisons du pouvoir, nous en arrivons à notre démonstration sur la démocratie présente potentiellement dans le Coran, si bien que, selon notre point de vue, Dieu en aurait fait le meilleur des modèles politiques en opposition à la tyrannie.

« Dis : “Ô mon Dieu, Souverain suprême ! Tu donnes le pouvoir à qui Tu veux et Tu l’enlèves à qui Tu veux ! Tu honores qui Tu veux et Tu abaisses qui Tu veux ! Tu détiens le Bien et Ta puissance n’a point de limite !” »

Coran, Sourate Âl-'Imrân, La Famille d'Imran, Verset 26

Dieu donne le pouvoir, lʼautorité à qui Il veut, même lorsquʼil sʼagit dʼun roi injuste ou un président injuste. Cʼest important de comprendre cela. Mais quʼest-ce qui empêcherait Dieu de donner le pouvoir à un peuple tout entier et non pas seulement à une unique personne ? Puisque nous avons vu que Dieu pouvait donner des fragments dʼautorité avec le Prophète Yûsuf. Enfin, ce verset vient préciser que la Puissance de Dieu « nʼa point de limite ». Alors pourquoi vouloir limiter la distribution de lʼautorité à une seule et unique personne. Sachant que lʼhistoire nous montre, sans aucune forme de doute, quʼil y eut la coexistence de plusieurs souverains en même temps sur la terre, dans lʼhistoire, tout comme cʼest le cas encore aujourdʼhui. Dʼailleurs ibn Khaldûn, rapporte que lʼavis existe concernant la gouvernance de plusieurs imams pour éviter de perdre lʼautorité dans les régions plus éloignées. Cʼest ce que nous appelons aujourdʼhui, les États-nations.

« Quelques légistes croient, cependant, que cette règle ne s’applique qu’à un seul pays ou à deux pays qui se touchent ; mais, quand il y a une telle distance entre les provinces que l’autorité de l’imam établi dans l’une ne pourra pas se faire sentir dans l’autre, ils déclarent qu’il est permis d’installer dans celle-ci un second imam, pour veiller au bien de la communauté. »

Ibn Khaldûn

Pourquoi Dieu ne donnerait-Il pas le pouvoir à chaque homme qui compose un peuple. Pourquoi vouloir limiter Sa Puissance ? En réalité, cela dépend du peuple, et de ce quʼil veut comme régime pour notre société.

Nous venons de démontrer, que potentiellement dʼaprès le verset précédent, lʼislam nʼa pas de problème avec la démocratie. Mais nous nʼavons pas encore vu, pourquoi selon nous, ce serait forcément le meilleur régime. Pour ça, il faut se pencher sur le deuxième verset que nous avons sélectionné :

« Ô mon peuple, ajouta-t-il, aujourd’hui vous détenez le pouvoir, et le pays entier vous est soumis. Mais qui nous défendra si jamais Dieu décide de nous punir ? » – « Ce que je vous propose, reprit Pharaon, est le meilleur parti à prendre, à mon avis ; et la solution que je vous indique est sûrement la bonne. »

Coran, Sourate Ghâfir, Le Pardonneur, Verset 29

Il est nécessaire de restituer ce verset dans le contexte du récit coranique, pour pouvoir comprendre qui sʼexprime ici. En réalité, il y a deux interlocuteurs différents. Le premier est un croyant anonyme (Coran 40:28), qui fait partie de la suite de Pharaon. Le second est pharaon.

Ce que nous voyons dans ce verset, est une opposition de deux points de vue différents.

La première partie du verset est la parole prononcée par le croyant. Si la traduction se trouve être correcte, « yāqawmi » pourrait se traduire par « Ô mon peuple ». Ce peuple est détenteur du pouvoir (l-mulʼku) sur lʼensemble dʼun territoire. Il sʼagit donc bien là dʼune démocratie, où le peuple (demos) a du pouvoir (kratos). Pour terminer, le croyant met en garde de la responsabilité collective incombant aux hommes, à savoir quʼun peuple souverain doit toujours garder à lʼesprit que Dieu reste le Souverain des souverains (Al-Malik). Ce qui revient à ne pas tomber dans les travers comportementaux et autres troubles de conduites, que nous avons énuméré précédemment, à cause desquels les générations anciennes ont encouru la colère de Dieu.

Venons-en maintenant à la deuxième partie du verset. Il sʼagit donc des propos de Pharaon. Mais ici, cʼest lʼinverse de la démocratie qui y est dépeinte. Alors que le croyant décrit un peuple souverain, Pharaon prétend que la solution quʼil possède, est forcément la meilleure. Il souhaite imposer sa vision des choses sur laquelle il ne possède aucune forme de doute sur son bien-fondé. Cʼest ce quʼon appelle une tyrannie ou une dictature. Lorsque son point de vue écrase celui des autres. Ce verset montre alors que la démocratie est le régime strictement opposé à la dictature.

Dans une démocratie digne de ce nom, aussi bien les hommes que les femmes peuvent participer à la décision politique. On trouve dans le Coran que les femmes croyantes peuvent faire serment dʼallégeance.

« Prophète ! Si des croyantes se présentent à toi pour te prêter serment d’allégeance en s’engageant à ne pas donner d’associés à Dieu, à ne pas voler, à ne pas commettre de fornication ni d’infanticide, à ne pas attribuer à leurs maris d’enfants illégitimes et à ne pas te désobéir en ce qui est réputé convenable, alors accepte leur pacte et implore le pardon du Seigneur en leur faveur, car Dieu est Plein d’indulgence et de miséricorde. »

Coran, Sourate Al-Mumtahana, L'Eprouvée, Verset 12

Si on transpose aujourdʼhui, lʼislam donne le droit de vote aux femmes depuis le VIIe siècle. Elle leur donne également le droit à la désobéissance dans ce qui nʼest pas convenable. Puisquʼen effet, si Adam a été dépositaire dʼune science, Dieu nʼa jamais affirmé quʼil sʼagissait du vicaire (Coran 2:30) quʼil mettra sur terre. Puisque lorsquʼon lit la suite du passage de la deuxième sourate, nous sommes en capacité de comprendre que cʼest Adam et son épouse qui ont été établis, dʼabord dans le jardin dʼÉden, puis sur terre. Et lorsque nous lisons le Coran entièrement, nous pouvons y rajouter toute leur descendance. Le terme khalifat concerne donc lʼespèce humaine dans son ensemble.

Dʼailleurs, dans lʼislam Adam et son épouse sont autant responsables, lʼun comme lʼautre, du péché originel quʼils ont commis tous les deux. Péché originel, signifiant ici quʼils ont entravé le tout premier interdit tous les deux, et les deux sont responsables. Par contre, contrairement à la doctrine chrétienne, la descendance ne porte pas la responsabilité de ce péché. Nous lʼavions dit plus haut, quʼen islam, nous ne devrions pas payer pour les erreurs des autres (Coran 17:15).

Muhammad Hamidullah, « Le Prophète de lʼislam, Sa vie, son œuvre », éd. El Falah, p.637.

Ici, cʼest Dieu qui parle. Le « Nous » est un pluriel de noblesse, quʼon trouve dans les langues sémitiques, et quʼon retrouve aussi dans les langues extrêmes orientales. Dans un Coran traduit en Français, quand vous avez un « Nous » avec une majuscule, même en plein milieu dʼune phrase, ce nʼest pas « nous » les musulmans, mais cʼest lʼéquivalent dʼun « Je », et cʼest Dieu qui parle.

Ex : La polémique française sur le hijab de la société Décathlon, en 2019. Pourquoi en parler médiatiquement, si ce nʼest pour diviser les Français et apporter de la polémique. Division des non-musulmans, qui ressentent une islamisation violente de la société, pourtant fictive, mais monter en épingle par des marqueurs identitaires. Et de lʼautre les musulmans, qui ne comprennent pas pourquoi tant de lignes et de paroles déplacées pour un produit commercialisé. La maladresse a été de mettre le terme « hijab » dans le nom du produit. Il aurait été commercialisé avec un autre terme, nous nʼen aurions jamais entendu parler.

Cf. Coran, Sourate Al-An'âm, Les Bestiaux, verset 129

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/06/30/20002-20150630ARTFIG00005-la-dette-publique-progresse-inexorablement.php

Nous ne rentrerons pas dans les détails ici, concernant ce qui relève du péché, car cela reste à définir.

Sahîh Muslim, n°1840.

Sahîh Al-Boukhârî, n°6806.

Ibn Khaldoun, « Les Prolégomènes, première partie », traduits en Français et commentés par W. Mac Guckin De Slane, Université du Québec à Chicoutimi, coll. Les classiques des sciences sociales, 1863, p.372.

Déduction théologiques sur la démocratie ?


Dieu est certainement celui dont les Attributs et les Noms nous apprennent sur la nature démocrate de lʼhumain.

« Ne faites pas du Nom de Dieu, dans vos serments, un prétexte pour vous dispenser de faire le bien, d’être pieux ou d’établir la bonne entente entre les gens, alors que Dieu entend tout et sait tout. »

Coran, Sourate Al-Baqarah, La Vache, Verset 224

Cela commence par lʼécoute. Dieu entend tout. Dieu, dans le Coran, cite même les paroles de Pharaon et dʼIblis. Car ils font partie de la vérité. Le mal est une partie de la vérité, il ne faut pas la nier. Ainsi, dans le Coran, quand Iblis sʼexprime, il dit sa vérité, sa stratégie, soit essayer de séduire les hommes pour les entraîner avec lui en enfer. Et cette information nous est utile, car elle permet de nous défendre. Dans une démocratie, il est important quʼil y ait du dialogue, du débat, de la discussion avec tout le monde. Écouter tout le monde, et non pas seulement ceux qui pensent comme nous, ou qui pensent dans le même faisceau idéologique. Cela sera plus à même de nous éviter les biais de confirmation. Cʼest par le dialogue et la controverse avec celui qui pense différemment, que nous apprenons et que nous nous corrigeons, pour être ainsi dans la voie la plus modérée qui soit. Comment pouvons-nous prétendre incarner un discours modéré en refusant tout dialogue avec celui qui conçoit les choses différemment ? Exclure toute divergence, est la meilleure façon de rester dans un statisme intellectuel.

Deuxième point, Dieu nous a donné le libre-arbitre, cʼest-à-dire quʼil nous laisse le choix dʼemprunter la voie que nous voulons. Tout en décrivant les deux voies possibles : le bon sens et le mauvais sens, soit ce que nous avions défini comme la Charia qui est la grande voie pacifiée, soit toute autre voie en dehors de la première, qui ne sera quʼégarement et futilité. Le libre-arbitre est très important dans une démocratie, pouvoir avoir les croyances et porter les décisions que lʼon veut, tant que celles-ci ne viennent pas oppresser celle des autres.

Dieu nous lʼavons beaucoup dit, est Al-Malik. On a tendance à le traduire par Le Roi des rois, mais on peut aussi le traduire par : Le Souverain des souverains (Celui qui possède et domine la Création).

Selon la logique qui consiste à dire que, si Dieu est le Tout Miséricordieux, lʼhomme doit à son tour chercher à être miséricordieux ; si Dieu est Omniscient, lʼhomme doit chercher la science, sʼinstruire, etc. De la même façon, si Dieu est Le Souverain des souverains, alors chaque musulman doit chercher à être souverain.

Dʼabord individuellement, et cela passe par lʼéducation qui, si elle est bien conduite, devrait entraîner lʼémancipation. Lʼémancipation de lʼesprit en premier lieu pour pouvoir penser les émancipations matérielles par la suite. Ensuite collectivement. Le Coran appelle sans cesse à sʼémanciper, à se libérer des fausses croyances. La souveraineté consiste à la capacité dʼêtre libre de décider par soi-même, sans médiation. Et cette émancipation ne peut passer que par la voie établie par Dieu, comme le dit le verset suivant :

« Cependant, vous ne saurez le vouloir qu’autant que Dieu le veuille. Dieu est Omniscient et Sage. »

Coran, Sourate Al-Insân, L'Homme, Verset 30

La volonté humaine ne peut évidemment pas surpasser la Volonté de Dieu. Lʼhomme ne peut évidemment pas rivaliser avec Dieu, ni contrecarré le Destin. La volonté de lʼhomme est cadrée par Celle de Dieu, en conséquence, notre libre-arbitre sʼinscrit dans les règles établies par la Loi divine.

Il y a des non-musulmans qui sont dans cette grande voie quʼest la Charia, par leur bon comportement. Le problème de ceux qui lʼignorent, cʼest quʼils peuvent très vite en sortir. Alors quʼun musulman, normalement, est stable dans cette voie, ce qui lui permet de cheminer plus vite.

Écrire la constitution : la vrai nécessité ?


Nous venons ainsi de démontrer que la démocratie était possible, selon les sources islamiques. Et quʼil sʼagissait, selon notre démonstration, du meilleur modèle de société vers lequel nous devrions tendre.

Nous avions dit que le nom officiel du régime français actuel était la démocratie. Mais dans la pratique, cʼest une tout autre histoire qui en ressort. Cʼest pourquoi nous devons parler maintenant de constitution. Si on veut une démocratie dans un pays, quel quʼil soit, il faut bien lʼécrire quelque part. Ce texte, faisant autorité et dans lequel nous déclarons la nature du régime politique du pays, est la constitution.

Selon Muhammad Hamidullah, théologien et grand érudit musulman, le Prophète de lʼislam aurait été le premier dans lʼhumanité à avoir mis par écrit une constitution.

« Quoi quʼil en soit, Muhammad consulta ses fidèles ainsi que ses voisins non-Musulmans ; et tous réunis dans la maison dʼAnas (Bukhâri 96/16, N°18), décidèrent de se constituer en une cité-état. La loi constitutionnelle fut rédigée dans un acte, dont le texte nous a heureusement été conservé intégralement. Si cʼest la constitution du premier Etat musulman, cʼest également la première constitution-écrite dʼun Etat dans le monde entier. »

Muhammad Hamidullah

Plusieurs précisions à rajouter au-delà de la justification apportée dans son ouvrage. Tout dʼabord, on sait que le Prophète ne savait ni lire ni écrire. Ce nʼest donc évidemment pas une constitution qui serait écrite de la main du Prophète. Il est seulement à lʼinitiative du pacte.

Donc le Prophète et les premiers Compagnons, les muhajirun, ceux qui ont migré avec le Prophète de la Mecque jusquʼà Médine, ont vécu un processus constituant. Pendant plus dʼun an, ils ont essayé de penser un texte, un accord, un pacte avec les différentes tribus de Médine, afin de faire société. Cʼest ce que Rousseau appelle aussi le Contrat Social.

Il y a un homme en France aujourdʼhui, qui restera dans lʼhistoire, pour avoir dit la chose suivante : « Ce nʼest pas aux hommes du pouvoir dʼécrire les règles du pouvoir ». Cette personne du nom dʼÉtienne Chouard, professeur de droit et dʼéconomie à Marseille, nous alerte sur ceux qui doivent être à lʼinitiative de lʼécriture de la constitution. Ce ne doit être en aucun cas des hommes de pouvoir ou des professionnels de la politique, car il y aurait ici un conflit dʼintérêts évident. Tout en sachant que la loi constituante au-delà de donner les règles de la représentation et de fonctionnement du régime, cʼest aussi le texte qui est censé nous protéger des abus de pouvoir, et dans lequel nous devrions programmer la puissance du peuple, si nous voulons une véritable démocratie.

Après une longue réflexion, nous nous sommes rendu compte que le Prophète, au moment de son émigration vers Médine avec ses compagnons, nʼavait pas le pouvoir. Ce nʼétait pas un homme de pouvoir. Dʼailleurs, nous lʼavions précisé plus haut, en rappelant quʼil nʼavait pas cédé à la corruption mecquoise, et notamment par sa proclamation à ne pas se détourner de sa mission prophétique.

Le Prophète et les Compagnons ont écrit des règles de la nouvelle cité de Médine, alors quʼils nʼétaient pas des hommes de pouvoirs. À ce moment, le Prophète était un citoyen comme les autres.

Si cʼest dans la constitution que lʼon inscrit généralement le régime politique, et les grandes règles de fonctionnement du pouvoir, il ne suffit pas pourtant dʼécrire dans celle-ci que la France serait une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » pour lʼêtre réellement. Ce serait trop facile. Il faut aussi que les articles qui viennent après soient en accord avec cette prétention démocratique. Or, si on se penche sur notre constitution actuelle, comme le fait remarquer Étienne Chouard, le peuple est toujours mis à lʼécart des décisions. Il nʼa aucun pouvoir, et cʼest pourquoi la France nʼest pas une démocratie, malgré sa prétention constitutionnelle.

Donnons quelques exemples simples :

« La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. »
Article 35 de la Constitution

Le peuple français peut être entraîné dans des guerres quʼil ne souhaite pas, allant contre ses intérêts, pris en otage par les intérêts du Parlement.

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui lʼexerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Article 3 de la Constitution

Ou comment lʼart de la rhétorique permet de donner lʼillusion de la souveraineté du peuple. Cet article 3 dit précisément, sans équivoque, que le peuple nʼexerce pas sa souveraineté, mais que ce sont les représentants qui le font. On nous objectera alors quʼil a la voie du référendum. Mais pas si vite ! Regardons les modalités du référendum dans lʼarticle 11 :

« Un référendum portant un objet mentionné du premier alinéa peut être organisé à lʼinitiative dʼun cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. »
Article 11 de la Constitution

En dʼautres termes, une proposition de loi par référendum ne peut jamais, dans notre République française actuelle, être à lʼinitiative du peuple. Un référendum ne peut être quʼà lʼinitiative du Parlement.

On comprend maintenant dʼoù vient lʼimpuissance politique des peuples. L’inhibition programmée du pouvoir de décision du peuple est inscrite dans la constitution. Dʼoù la nécessité de définir des institutions, des règles, des principes et les modalités de ce règlement, qui respectent un minimum le régime choisi en entête de la Constitution. Or, savons-nous vraiment aujourdʼhui ce quʼest une démocratie ? Est-ce que lʼélection par le suffrage universel est un critère démocratique ? Avant dʼy répondre, continuons sur la Constitution.

À lʼépoque du Prophète, la Charte de Médine avait pour objectif de limiter les forces tribalistes des différentes tribus présentes. Cela permit de créer une société fraternelle, où les hommes de croyances et dʼorigines diverses, sʼétaient accordés sur des principes communs.

En droit français, selon la pyramide de Kelsen qui décrit la norme de la hiérarchie juridique, se trouve au sommet de celle-ci le bloc de constitutionnalité. La Constitution est au sommet du droit, comme cʼest le cas dans de nombreux systèmes et théories de hiérarchisation juridique. Ce quʼon appelle ainsi généralement « pacte », « traité », « charte », « constitution », ce sont généralement les textes les plus hauts en autorité juridique. Et il en va de même dans lʼislam.

Les traités ratifiés avec les polythéistes de la Mecque faisaient autorité sur la pratique religieuse. En effet, pour exemple, lorsque six ans après lʼhégire, 1400 musulmans quittèrent Médine pour la Mecque dans lʼidée de faire un petit pèlerinage. Les Qurayshites mecquois apprenant la nouvelle, se préparèrent pour faire obstacle aux musulmans. Par un travail de négociation, le Prophète parvint à leur faire baisser les armes. Sʼen suivra le fameux traité de Houdaybya qui permit de suspendre la guerre entre les musulmans et les Mecquois pour une période de dix ans. Et parmi les clauses du traité, les Mecquois avaient exigé du Prophète () et de ses compagnons, quʼils retournent à Médine sans faire de pèlerinage cette année-là, mais quʼils pourront revenir lʼannée suivante. En dʼautres termes, le traité avait lʼautorité sur la pratique du pèlerinage.

Dʼailleurs, certains savants musulmans justifient lʼabolition de lʼesclavage en islam par une entente universelle, bien que les visées de son abolition dans le Coran ne font aucun doute.

Dans le Coran, on comprend quʼil est du devoir des musulmans de respecter les pactes conclus.

« Comment pourrait-il y avoir un pacte liant Dieu et Son Prophète aux idolâtres, excepté celui que vous aviez conclu avec certains d’entre eux auprès de la Mosquée sacrée ? Soyez donc loyaux avec ceux-ci tant qu’ils le seront avec vous. Dieu aime ceux qui sont de bonne foi. »

Coran, Sourate At-Tawba, Le Repentir, Verset 7

En France, les musulmans ont un pacte social qui sʼappelle la Constitution française. Tant quʼil fera consensus, ce texte nous oblige a être loyal et à respecter les règles de la République. Être loyal à ce pacte citoyen, cʼest être conforme au principe du Coran. Cʼest dans ce sens quʼobéir à Dieu, cʼest aussi obéir aux lois fondamentales de son pays. Si on ne respecte pas le pacte, on commet une injustice. Une injustice peut devenir une oppression.

Et selon le hadith Qudsi :

« En vérité, Jʼai rendu lʼoppression illégale pour Moi et illégale pour Mes serviteurs aussi, alors ne commettez pas dʼoppression. »

Rapporté par Muslim

Lorsquʼil y a des polémiques médiatiques sur le voile ou le hijab en France, contrevenant soit disant aux valeurs de la République, en réalité, les musulmans nʼont aucun reproche à se faire. Ce sont les discours dʼen face qui ne respectent pas le pacte républicain et le principe de laïcité, et cela sʼinscrit très souvent dans une grande stratégie consistant à agiter le foulard rouge de lʼislamisme, afin de mieux faire passer des lois liberticides auprès de lʼopinion publique. La réalité de la France, concernant lʼinfluence de lʼislamisme politique est très proche du néant. En réalité, la plupart des jeunes qui tombent dedans y ressortent très rapidement. Car en réalité, lʼislamisme ne promet rien. Il ne veut pas le pouvoir en France, du moins pas pour lʼinstant. Ce qui les intéresse, pour le moment, cʼest lʼargent des fidèles, et fonctionnent avec des marqueurs identitaires qui sont plus proches de lʼarabité que de lʼislamité.

Mieux encore sur les pactes, le Prophète est à lʼorigine de cinq pactes avec les chrétiens : les moines du Mont Sinaï, les chrétiens de Najran, les chrétiens de Perses et les chrétiens assyriens. Ajouté dʼune déclaration universelle à lʼendroit de tous les chrétiens du monde, et ce, jusquʼau Jour Dernier, cʼest-à-dire jusquʼà la fin des Temps. Les musulmans sont liés fraternellement aux chrétiens jusquʼà la fin des temps, et il est impossible dʼabolir ces pactes inscrits dans lʼhistoire des hommes.

Selon Abû Bakr, le Messager de Dieu a dit : « Quiconque tue un Muʼahad sans justification, Allah lui interdira le paradis. »

Rapporté par Abu Dâwud et an-Nasa'i

Un Muʼahad est une personne avec qui les musulmans ont pactisé, ou qui vit sous la protection des musulmans. Par déduction, il devient interdit pour un musulman de tuer un chrétien en dehors de toute justice jusquʼà la fin des temps et nʼimporte où sur la planète. Dans un pays comme la France, cʼest islamiquement impossible de justifier le meurtre dʼun chrétien. Mais cʼest tout autant le cas pour un Français quel quʼil soit, peu importe sa croyance, car les musulmans sont liés à chacun dʼentre eux par la Constitution.

Muhammad Hamidullah, « Le Prophète de lʼislam, Sa vie, son œuvre », éd. El Falah, p.150-151, §337.

Article premier de la constitution de la Ve République.

Peut être soumis au référendum selon le premier alinéa de lʼarticle 11 : « tout projet de loi portant sur lʼorganisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociales ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification dʼun traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. »

Sahîh Muslim, n°2577.

https://covenantsoftheprophet.org/les-pactes-du-prophete/

Sunan an-Nasa’i, n°4747.
Sunan Abu Dâwud, n°2760.

Écrire nous-mêmes les lois ?


Si vous avez bien suivi tout ce que nous venons de dire, il y a ici un principe fondamental enseigné par le Prophète : il sʼagit du principe démocratique qui consiste à intégrer le peuple dans le processus dʼécriture et de décisions des lois.

« Dans la démocratie, les citoyens font eux-mêmes les lois, et nomment directement les officiers publics. Dans notre plan [le gouvernement représentatif], les citoyens font, plus ou moins immédiatement, le choix de leurs députés à lʼAssemblée législative ; la législation cesse donc dʼêtre démocratique et devient représentative. »

Abbé Siéyes

« Cʼest une loi fondamentale de la démocratie que le peuple fasse les lois. »

Montesquieu

« Dans la démocratie, et surtout dans ce genre de démocratie qu’on croit aujourd’hui digne de ce nom à plus juste titre que toutes les autres, en d’autres termes, dans la démocratie où la volonté du peuple est au-dessus de tout, même des lois, il serait bon, dans l’intérêt des délibérations, d’adopter le système des oligarchies pour les tribunaux. »

Aristote

Il faut bien comprendre que nous parlons ici de lois politiques, étant dʼun niveau inférieur à la Loi divine tel que nous lʼavions défini dans le troisième chapitre. En reprenant cette hiérarchisation des lois que nous avions établie, la volonté de lʼhomme se situe au-dessus de toute loi politique, autant au-dessus du fiqh légal musulman, que de la pyramide de Kelsen en droit français, et même au-dessus du bloc constitutionnel. Mais bien évidemment, la volonté de lʼhomme ne peut pas contrecarrer la Loi divine. La volonté humaine se situe au même niveau que la Charia, la grande Voie. Et cʼest à ce niveau, que lʼhomme doit orienter sa volonté, harmonieusement à la Charia, de sorte à respecter la Constitution quand cela est juste, et même la remettre en cause, pour la modifier si elle est injuste.

Une constitution, même écrite par le peuple peut avec le temps devenir injuste. Et cʼest dʼailleurs ce vers quoi, nous espérons que débouche le mouvement des gilets jaunes : vers un processus constituant. Une nouvelle constitution qui répond aux vraies attentes démocratiques et humaines, du peuple français. Voyant que toutes les configurations sociales et politiques sont présentes pour revivre un événement très proche de ce quʼa pu vivre le Prophète Muhammad et ses Compagnons. Toutes les conditions sont réunies, mais rien ne nous garantit la victoire, car la cause de Dieu nʼest pas évidente pour chaque gilet jaune.

Les constitutions deviennent obsolètes, car elles ont été écrites un temps dans lʼhistoire propice à une certaine réalité du monde, et répondaient à un besoin particulier. Aujourdʼhui, notre monde nʼest plus celui dʼil y a un siècle. La mondialisation a modifié les échanges et la communication. Si bien que les tentatives de dominations intelligentes savent sʼadapter et inventent de nouvelles façons de détourner et sʼaccaparer le pouvoir. Ce sont ces nouvelles méthodes quʼil faut identifier et contrôler : comme la finance (porteuse de lʼidéologie ultra-libérale capitaliste) et les médias (relayant la propagande idéologique capitaliste dominante). Ce sont ces nouveaux pouvoirs auxquels les générations précédentes ne pouvaient répondre, que la nouvelle constitution devra limiter. Car nous nʼavons pas à payer pour les manquements ou les erreurs des générations précédentes, mais il faut aussi prendre le temps en considération, et considérer désormais notre constitution comme désuète.

Écrire soi-même les lois, cʼest commencer à sʼémanciper, et ne plus quémander des droits à nos « maîtres ». Dicter et ne plus se laisser dicter. Ne plus attendre que lʼautre face à votre place. Cʼest devenir un adulte politique. Souvenez-vous, nous avions dit quʼil ne fallait pas attendre que les autres se comportent bien pour le faire. Idem en politique, on nʼattend pas que les autres écrivent des lois pour résoudre les problèmes : nous devons les établir nous-mêmes.

Cʼest dans ce sens que lʼon peut aussi comprendre le cinquième verset de la Fatiha, sourate que le musulman répète au moins 17 fois par jour.

« Cʼest Toi que nous Adorons ! Cʼest Toi [Seul] dont nous implorons le secours. »

Coran, Sourate Al-Fatiha, L'Ouverture, Verset 5

Doit-on attendre le secours de représentants politiques ? Est-ce que nous avons attendu lʼaccréditation dʼune quelconque autorité pour écrire ce livre, ou commencer notre projet précédent ? Il suffit de croire en ce que lʼon fait, dʼapprendre à développer et défendre ses idées, au fil du temps vous obtiendrait de la rigueur et vous gommerez ce qui ne fonctionne pas. Il en va de même pour une loi politique, si celle-ci est utile au bien commun, les arguments se renforceront au point de ne plus être réfutable.

Ne pas attendre lʼaccréditation dʼune autorité ne signifie pas que nous nʼaurions plus besoin de représentants, car le grand nombre de notre population nous y oblige. Mais si les représentants font mal leur travail, cʼest que les règles de la représentation ont été mal écrites. En temps normal, les représentants sont là pour administrer et se mettre au service de la ville, de la cité (polis).

D’après ‘Abdullah ibn Mas’ûd : le Messager dʼAllah () nous a dit: « Vous verrez après moi du favoritisme (de la part des autres) et dʼautres sujets que tu désapprouverais. » Ils ont demandé : « Que nous ordonne-tu de faire, Ô Messager dʼAllah () ? (Dans de telles circonstances) » Il a dit : « Donnez-leur leurs droits (aux dirigeants) et demandez votre droit à Allah. »

Rapporté par Bukhari

Abbé Sieyès, « Quelques idées de constitution applicables à la ville de Paris », Beaudouin, juillet 1789, Versailles, p.3.

Montesquieu, « De lʼesprit des lois », 1748, Livre II, chapitre II.

Aristote, « La Politique », Livre VI, Chapitre XI, §8.

Cf. Annexe : « La dissidence française et le mouvement des gilets jaunes ».

Les journalistes travaillant pour les grands médias, trouvent parfois ces propos complotistes, parce quʼils se sentent libres de tout propos, et ne ressentent pas de contrainte vis-à-dis de leur hiérarchie éditoriale. En réalité, cela sʼexplique tout simplement par leur profil psychologique. Un grand média nʼengagera jamais un journaliste qui a un trop fort esprit critique, ou qui se situerait idéologiquement à lʼopposé de la ligne éditoriale. Cʼest dʼailleurs pourquoi, même chez les médias alternatifs et indépendants, il demeure des médias de gauche que lʼon peut distinguer des médias de droite. Les journalistes sont, non seulement recrutés, mais eux-mêmes sʼorientent naturellement, vers des médias qui sont proches de leur sensibilité. Le problème des grands médias mainstream, cʼest quʼils vivent encore sous le mythe de la neutralité de lʼinformation. Alors quʼune seule et même information peut être habillée dʼun discours péjoratif ou valorisant, selon les mots choisis au sein dʼun article de presse.

Sahîh Al-Boukhârî, n°7052

Des élus au service du bien commun ?


Nous ne voulons pas, ou plus, de représentants « Maître ». Nous souhaitons désormais des représentants « Serviteurs », qui mettent en œuvre des politiques et des lois que nous décidons. Si nous voulons cela, cʼest dans la Constitution que cela doit sʼécrire sous forme dʼun axe de réflexion. Il faut donc penser des lois, des institutions, qui permettent le contrôle des représentants, pour les sanctionner si jamais ils ne répondent pas aux décisions du peuple. Si le peuple clame haut et fort quʼil veut un référendum à lʼinitiative du ou des citoyens, le président actuel peut toujours faire la sourde oreille, parce quʼil sait quʼil nʼa aucune crainte à ne pas écouter le peuple. Pire encore, il continuera dʼêtre payé à vie pour avoir exercé le poste de président de la République, même sʼil a trahi son peuple.

Cʼest bien ce point précis qui manque dans le système du gouvernement français actuel sous la Ve République. Nos élus nʼont aucun compte à rendre, et cʼest pour ces raisons quʼils deviennent corruptibles, quʼils se font facilement acheter ou influencer par les lobbies et ceux qui ont le temps et les moyens de faire pression sur eux. Par ce mécanisme, ni le peuple ni le bien commun, ne sont impliqués dans les décisions politiques qui ne servent que les grandes multi-nationales, les banques et les lobbies communautaires bien structurés. Et toujours par ces mêmes manquements dissuasifs, les élus se protègent telle une caste et programme juridiquement lʼimpuissance politique du peuple.

Le plus grand des signes de cette corruption, est le salaire actuel du président, des ministres et autres élus. En tant normal, tous ces gens devraient être au salaire minimum, ou salaire médian, sʼils veulent bien gouverner et être véritablement à lʼimage du peuple. Cela a une conséquence sur le reste de la gouvernance. On observe que ce sont des gens ici de mêmes milieux qui accèdent au pouvoir, soit la difficulté pour les gens dʼen bas dʼaccéder à un poste de responsabilité important. Mais nous observons également un manque de renouvellement des têtes. Il nʼest pas normal quʼil y ait en 2019, des carriéristes de la politique, cela nʼa pas de sens si lʼon cherche véritablement le bien commun.

La représentation dans une démocratie digne de ce nom ne peut pas être synonyme dʼenrichissement sur le plan financier, surtout à notre époque où lʼon sait que les gens qui travaillent le plus, et qui font les travaux les plus utiles à la société, sont bien trop souvent ceux qui gagnent le moins. Dʼailleurs, à lʼépoque de la démocratie athénienne, une des particularités de ce régime, était de donner le pouvoir aux pauvres, et dʼy éloigner les riches. Et cette logique de modestie financière, nous la retrouvons dans lʼislam.

Si on commence par Muhammad (), malgré son statut de prophète et messager de Dieu, il ne lui est jamais venu à lʼesprit de construire une immense demeure, ni un palace. Il nʼy a jamais eu volonté de faire preuve dʼostentation. Bien au contraire, à Médine, il avait de simples petits appartements, accolés à la mosquée, à laquelle il avait participé manuellement à sa construction.

Nous savons, au vu de nombreux témoignages clairs et évidents, que le Prophète a toujours vécu sobrement, avec simplicité. À sa mort, on retrouva seulement quelques affaires dans sa maison : un peigne, du parfum, un verre, un miroir, un cousin, un flacon de kohl, un plateau, un bol et un tapis.

Selon le hadith célèbre, les prophètes nʼont jamais laissé dʼargent, ni de richesse matérielle derrière eux, mais ils ont légué le savoir.

Abû Darda (quʼAllah lʼagrée) a dit : Jʼai certes entendu le Prophète (que la prière dʼAllah et Son salut soient sur lui) dire : « Celui qui emprunte un chemin par lequel il recherche une science Allah lui fait prendre par cela un chemin vers le paradis. Certes les anges tendent leurs ailes par agrément pour celui qui recherche la science. Certes tous ceux qui sont dans les cieux et la terre, même les poissons dans lʼeau, demandent pardon pour le savant. Le mérite du savant par rapport à lʼadorateur est comme le mérite de la lune la nuit où elle est pleine par rapport aux autres étoiles. Et certes les savants sont les héritiers des prophètes, et les prophètes nʼont pas laissé comme héritage des dinars ou des dirhams mais ils ont laissé comme héritage la science, celui qui la prend aura certes pris la part complète. »

Sunan Abu Dawud

Nous retrouvons cette humilité chez les deux premiers califes. Le premier, Abû Bakr, a délaissé son commerce une fois calife, parce quʼil ne pouvait plus sʼen occuper. Ce qui montre quʼil a mis la priorité sur la gouvernance de la cité, plutôt que son enrichissement matériel personnel.

Et puis, elle se retrouve décuplée chez le deuxième calife. Omar ibn Al-Khattâb a toujours essayé dʼêtre au plus près de son peuple. Il a éduqué son fils durement le privant de beaucoup de bienfaits, pour lui enseigner que tout ne lui était pas dû sous prétexte quʼil était le fils dʼOmar, le commandeur des Croyants. Mais lʼépisode le plus retenu, est celui bien évidemment où Omar cesse et refuse de manger de la viande et de boire du lait, parce que son peuple nʼy avait pas accès, en raison dʼune période de disette dû à la sécheresse. Il ne se nourrissait plus que de pain et dʼhuile.

Dʼautres événements très marquants, le concernant, rejoignent lʼidée que les élus doivent rendre des comptes. Il disait à un gouverneur :

« Je ne tʼai pas désigné uniquement pour préserver la vie et lʼhonneur des musulmans. Je tʼai principalement nommé pour présider assidûment leurs prières en commun, partager entre eux ce qui leur revient de droit et trancher équitablement dans leurs litiges. » Puis il lui énumérait les interdits : « - Ne prends jamais de monture aux formes parfaites.
- Ne porte pas de vêtements fins.
- Ne prends jamais des repas de luxe.
- Ne congédie jamais ceux qui ont besoin de toi. »

Omar ibn Al-Khâttab

Le but de ces interdits, était de rappeler aux dirigeants quʼils nʼétaient pas supérieurs aux autres, mais surtout, de les rendre accessibles au peuple.

Un jour, Omar fut informé que lʼun des gouverneurs quʼil avait nommé dans une province, sʼétait construit une maison de luxe par ostentation. Il envoya un émissaire pour le ramener jusquʼà lui. Le calife Omar le réprimanda par une punition pleine dʼenseignements : il lui demanda de sʼhabiller en berger, en délaissant ses vêtements, et de mener des chameaux en pâture. Lʼobjectif était de le ramener à la réalité, le remettre à sa place en humiliant son ego.

Sʼil y a une chose intéressante à tirer des débuts de lʼislam sur la gouvernance, cʼest que contrairement aux présupposés sur la question, elle est très peu hiérarchisée. Il existe une sorte dʼhorizontalité, où les élus ne sont pas supérieurs à leurs citoyens.

Cette absence de hiérarchisation peut être déduite du Coran, puisque les hommes que Dieu élève sont les pieux et les gens de science, et non pas les gouverneurs, dont la mission nʼest que de détenir la souveraineté. La hiérarchie politique nʼest pas une norme islamique, et dʼailleurs, elle peut devenir délégitime à partir du moment où elle sʼéloigne de la science. Et lʼenrichissement matériel dans un poste de responsabilité politique est un signe dʼéloignement de la science islamique.

« Dieu a favorisé certains d’entre vous plus que d’autres, dans la répartition de Ses dons. Or, ceux qui ont été favorisés ne sont nullement disposés à se démettre du surplus de leurs richesses au profit de leurs esclaves, au point que maîtres et esclaves y deviendraient tous égaux. Renieraient-ils donc les bienfaits de Dieu ? Dieu vous donne des épouses issues de vous-mêmes, et de vos épouses Il vous donne des enfants et des petits-enfants. Et Il vous pourvoit d’excellents aliments. Vont-ils donc croire à ce qui est faux et renier les bienfaits du Seigneur ? Adoreront-ils, en dehors de Dieu, ce qui ne peut leur procurer aucun bien ni des Cieux ni de la Terre et qui, de plus, ne détient aucun pouvoir ? Ne prêtez donc pas d’égaux à Dieu, car Dieu sait, tandis que vous ne savez rien ! Dieu propose en parabole un serviteur réduit à l’esclavage et dénué de tout pouvoir, et un homme libre à qui Nous avons accordé d’amples ressources dont il use en secret et en public. Ces deux hommes sont-ils égaux ? Non, louange à Dieu ! Mais la plupart des hommes manquent de jugement. Dieu propose aussi en parabole deux hommes. L’un d’eux est muet, impotent et totalement à la charge de son maître ; partout où celui-ci l’envoie, il ne lui rapporte rien de bon. Cet homme serait-il l’égal d’un autre qui prescrit la justice et qui suit le droit chemin ? C’est à Dieu qu’appartient le mystère des Cieux et de la Terre. Et la fin du monde se produira en un clin d’œil, ou plus rapidement encore, car la puissance de Dieu n’a pas de limite. »

Coran, Sourate An-Nahl, Les Abeilles, Versets 71 à 77

Ce passage coranique explique que Dieu a réparti ses richesses de façon inégale. Si les hommes sont égaux, leurs biens ne sont pas répartis équitablement. Mais si cʼest Dieu qui donne, cela nous interroge dʼabord sur la notion de « mérite » lorsquʼil sʼagit dʼargent. Quelquʼun qui refuse de payer lʼimpôt sous prétexte quʼil a beaucoup travaillé pour lʼobtenir et quʼil le mérite, nʼest pas vrai et ne le sera jamais. La notion de destin entre en jeu, et cʼest pourquoi le trop dʼargent est une épreuve pour les riches. Ce que nous indique ce verset 71, cʼest que ceux qui ont été favorisés en biens matériels par Dieu, sont les moins disposés à donner le surplus de richesse quʼil possède. Cʼest dʼailleurs la raison pour laquelle lʼimpôt existe. Lʼimpôt est censé prendre le surplus à ceux qui possèdent, pour redistribuer lʼargent dans lʼéconomie réelle du pays. Refusez cette redistribution, cʼest ne pas reconnaître les bienfaits dont Dieu nous fait disposer dans la vie. Encore faut-il avoir conscience que tout ce quʼon possède vient de Dieu. Pour ceux qui possèdent peu, ce nʼest pas forcément facile à comprendre, alors nʼimaginons pas la difficulté de lʼépreuve ceux qui possèdent trop. Lʼargent leur donne lʼillusion dʼune sécurité, alors que le destin, une nouvelle fois entre en jeu. Lʼargent ne les sauvera pas de la mort.

Cʼest pourquoi, les califes bien-guidés étaient des hommes dʼexception, car sans institutions qui les contraignaient, ils ont su redistribuer les richesses de façon juste. Ils ont su sʼimposer une contrainte par lʼimmense foi quʼils avaient en Dieu, montrant toute leur taqwa (piété, crainte révérencielle). La seule sanction quʼils craignaient était celle de lʼau-delà, celle de la désobéissance au Seigneur de lʼUnivers.

Autre particularité, il était nécessaire de nommer des gens compétents pour la tâche quʼils avaient à effectuer.

La première compétence légitime du Prophète était évidemment, en tant que Messager de Dieu, sa mission de réforme sur le peuple arabe, via la Révélation. Comme tous les prophètes qui sont venus à un peuple pour lʼavertir et le réformer.

Le premier calife Abû Bakr connaissait la généalogie des Arabes. Une discipline fondamentale à cette époque et à cet endroit de la terre. Cette science lui permit également de connaître les conditions militaires de chacune de ces généalogies, ce qui aurait eu un impact lors de son élection. Omar ibn Al-Khattâb, lui, désignait des gouverneurs qui avaient du savoir en droits et en politique. Mais il les sélectionnait aussi pour leur qualité personnelle, notamment leur honnêteté. Omar se sentait responsable lorsquʼun des représentants quʼil avait nommé commettait des erreurs.

Ce qui montre toute la vigilance quʼavaient les califes dans la gouvernance et la désignation des élus. Dʼailleurs, nous avions montré plus haut, ahadith à lʼappui, que le Prophète mettait en garde de désigner celui qui convoitait le pouvoir. Dans la même lignée, Omar demanda aux compagnons qui étaient les plus susceptibles de lui succéder (Ali ibn Abî Talib, Uthman ibn ʼAffan, Saʼd ibn Waqqas) de ne pas imposer leur clan ou leur proche parent pour gouverner le peuple. Cet appel à la vigilance, à être des citoyens éveillés, gardant un œil sur le pouvoir, on le retrouve dans le discours dʼinvestiture dʼAbû Bakr.

« Ô gens ! On mʼa désigné pour vous gouverner sans que je sois pour autant le meilleur dʼentre vous. […] Obéissez-moi tant que jʼobéis à Dieu et à son Messager ; si je leur désobéis, vous ne me devez aucune obéissance. »

Abû Bakr

Cette déclaration est une preuve supplémentaire, quʼy compris en islam, la volonté des hommes est au-dessus des lois politiques, et du gouverneur. Imaginez le discours inverse : si notre volonté serait en dessous, nous serions obligés dʼaccepter tout et nʼimporte quoi, y compris les lois les plus injustes dʼun Pharaon qui chercherait à nous égarer (Coran 43:54).

On retrouve dans la déclaration dʼAbû Bakr, la possibilité pour les citoyens de pouvoir lui désobéir. Si nous pouvons le faire, cʼest parce quʼAbû Bakr avait pleinement conscience que son autorité nʼétait pas supérieure à celle de ces concitoyens, si ce nʼest par sa proximité avec le Prophète.

Les conditions de désobéissance à Abû Bakr étaient sa propre désobéissance à Dieu et à Son Messager. Mais pour savoir si le calife est dans lʼobéissance bien-guidée, dans la voie droite, cela nous demande dʼavoir la science nécessaire pour pouvoir remettre en question ses décisions et désobéir sans transgresser en islam. Cela nʼest pas donné à nʼimporte qui. Mais ce qui veut dire aussi quʼAbû Bakr était un homme tellement sage, quʼil envisageait lʼéventualité quʼil pourrait désobéir à Dieu, par manque de science, ou par corruption.

On trouve dans le sixième article de la Déclaration des Droits de lʼHomme dit : « La loi est lʼexpression de la volonté générale ». Formule qui aurait été inspirée à partir de lʼouvrage Du contrat social écrit de Jean Jacques Rousseau.

La volonté générale au-dessus de la loi permet la désobéissance, mais la volonté seule nʼest rien. Désobéir uniquement par rébellion ou pour des motifs injustifiés nʼest pas acte de justice, et ne rend pas service au bien commun.

Pour compléter les propos de Rousseau, selon les préceptes islamiques, nous dirions que la loi est la volonté générale éclairée et vigilante du peuple.

« La désobéissance civile est le droit imprescriptible de tout citoyen »

Gandhi

La désobéissance civile, pacifique et raisonnée, fait partie de ces moyens de pression sur le pouvoir, qui se croirait tout permis, et devrait faire lʼobjet dʼun article présent dans toutes les constitutions du monde.

Le Messager de Dieu () a dit : « Si Dieu désignait quelquʼun à la tête dʼun peuple et quʼil mourait alors quʼil était toujours traître envers son peuple, Dieu lui interdirait dʼentrer au Paradis. »

Rapporté par Muslim

Pour éviter de trahir un peuple, il faut lʼécouter et le servir. Cela constitue une autre preuve de la volonté du peuple au-dessus de celui qui représente la loi politique. Omar ibn Al-Khattâb était à lʼécoute de son peuple, si bien que cʼest à leur vigilance également quʼil faisait appel, pour sanctionner les représentants quʼil avait choisis, si ces derniers ne remplissaient pas leurs obligations correctement. Dʼailleurs, lui-même avait la crainte de ne pas accomplir ses devoirs envers son peuple. Lʼannée de sa mort, il souhaita faire le tour de toutes les provinces sous son autorité, afin de pourvoir à la situation de son peuple :

« Si Dieu me permet de vivre encore plus, je me déplacerai durant toute une année à travers les différentes régions du califat, car je sais que je ne pourvois pas à tous les besoins du peuple, que mes représentants ne me mettent pas au courant de ces besoins et que le peuple, par conséquent, ne prie guère pour moi. Je passerai deux mois en Syrie, deux autres dans la péninsule Arabique, deux en Égypte, deux au Bahreïn, deux à Kûfa et deux à Basra. Par Dieu se sera une année bénéfique ! »

Omar ibn Al-Khâttab

Si la menace de lʼenfer fonctionne chez un dirigeant croyant et sincère, il ne faudrait pas compter que sur l’émergence de belles âmes pour nous gouverner. Comme disait le philosophe Alain : « Le trait le plus visible dans lʼhomme juste est de ne point vouloir du tout gouverner les autres, et de se gouverner seulement lui-même », mais nous rajouterions que celui qui, par la sagesse, a appris à se gouverner lui-même, celui-là est capable de gouverner les autres. Gouverner, non pas au sens politique, mais du moins, dans le sens dʼorienter.

Si un pays était comparable à un bateau, les élus représenteraient le gouvernail, soit la pièce du bateau qui oriente la navigation. Mais quand la démocratie sʼexprime, il ne tient que de la volonté du peuple, pour que le bateau avance dans la direction donnée par le gouvernail. Un peuple vigilant sʼinquiète donc du gouvernail, et de lʼhorizon vers lequel est orienté le bateau.

Le professeur Hassan Iquioussen, un des meilleurs imams et prédicateurs musulman en France, ne cesse dans ses prêches et ses conférences, dʼappeler les musulmans à sʼorganiser et à faire pression sur les députés, en leur envoyant des courriers, pour faire passer des lois en faveurs des musulmans. Or, ce que nous disons dans ce chapitre, cʼest que dans un régime où la Constitution serait bien écrite, de manière démocratique, nous nʼaurions même pas besoin de faire pression, car le bien commun se légiférerait naturellement. Il y aurait naturellement aussi moins dʼislamophobie, car moins de frustrations.

Étienne Chouard, « Notre cause commune, Instituer nous-mêmes la puissance politique qui nous manque », p.45.

Sunan Abu Dâwud, n°3641

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés - Les successeurs du Prophète () », traduit par Karim Foudili, Éditions Tawhid, Paris, 2009, p.108-109.

Abd ar-Razzâq As-Sanhoûrî, « Les principes du gouvernement en islam : le Califat et son évolution », p.65-68.

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés - Les successeurs du Prophète () », traduit par Karim Foudili, Éditions Tawhid, Paris, 2009, p.106.

Gandhi, « Tous les hommes sont frères », p.235.

Sahîh Muslim, n°142

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés - Les successeurs du Prophète () », traduit par Karim Foudili, Éditions Tawhid, Paris, 2009, p.110.

Khâlid Muhammad Khâlid, « Les 5 Califes bien guidés - Les successeurs du Prophète () », traduit par Karim Foudili, Éditions Tawhid, Paris, 2009, , p.106.
« Le peuple ne prie guère pour moi », certainement ce dont Omar avait le plus crainte, se rappelant le hadith du Prophète, (cf. Sahîh Muslim, n°1855), et nous pouvons le relier à l’événement connu, de cette femme et de son enfant, quʼil rencontra. Cette femme ne su calmer son enfant, faisant une critique sur la politique dʼOmar concernant les allocations, sans savoir que cʼétait le Commandeur des Croyants quʼelle avait en face dʼelle. Le lendemain, Omar fit la prière de lʼaube en sanglot, et modifia sa politique, en donnant une part du trésor public à chaque enfant naissant, et non plus à partir de son sevrage. (Ibid., p.105-106)

Le tirage au sort dans le Coran ?


La menace de lʼenfer pour celui qui trahit son peuple, nʼest pas suffisante pour un dirigeant non-croyant. Le tyran, pour reprendre lʼimage du bateau, est celui qui, non seulement oriente le gouvernail comme il lʼentend, mais fait avancer le bateau par tous les moyens à sa disposition, y compris sans le consentement du peuple. Et il opprimera ceux qui lui mettront des bâtons dans les roues. Nous sommes proches de cette situation en France. Les citoyens nʼont aucun levier sur le gouvernail, et le bateau avance malgré eux par une ouverture totale de frontières sans plus aucun contrôle (flux de capitaux, dʼhommes et de marchandises) qui permet de faire avancer le bateau dans une direction dʼasservissement planétaire.

Il faut alors trouver autre chose, pour arriver à limiter le pouvoir des représentants, afin quʼils tournent le gouvernail dans notre sens, celui du peuple. Et cʼest à partir de maintenant que vous allez devoir oublier, pendant un cours instant, tout ce que vous savez sur la démocratie, afin de repartir sur des bases saines.

Et ça commence par le principe de lʼélection. Cette procédure nʼest pas démocratique, mécaniquement et historiquement, elle ne lʼa jamais été. Donc, le suffrage universel ne peut être synonyme de démocratie contrairement à ce que lʼon a pu nous apprendre dans les programmes scolaires de la République.

« Les élections sont aristocratiques et non démocratiques : elles introduisent un élément de choix délibéré, de sélection des meilleurs citoyens, les aristoï, au lieu du gouvernement par le peuple tout entier. »

Aristote

Le système de lʼélection, comme le suffrage universel, est le propre de lʼaristocratie. Car lorsque nous élisons une personne, on ne gouverne pas, on délègue notre souveraineté, notre pouvoir de gouverner.

« La Souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentant, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le Peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. »
« L’idée des Représentants est moderne : elle nous vient du Gouvernement féodal, de cet inique et absurde Gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée, et où le nom d’homme est en déshonneur. Dans les anciennes Républiques et même dans les monarchies, jamais le Peuple n’eut des représentants ; on ne connaissait pas ce mot-là. Il est très singulier qu’à Rome où les Tribuns étaient si sacrés on n’ait pas même imaginé qu’ils pussent usurper les fonctions du peuple, et qu’au milieu d’une si grande multitude, ils n’aient jamais tenté de passer de leur chef un seul Plébiscite. Qu’on juge cependant de l’embarras que causait quelquefois la foule, par ce qui arriva du temps des Gracques, où une partie des Citoyens donnait son suffrage de dessus les toits. »

Jean-Jacques Rousseau

Il ne faut pourtant pas confondre lʼélection de représentants, avec lʼaction de voter lors dʼun référendum. Puisque lors dʼun référendum, le peuple décide pour instaurer ou abroger une loi, soit il a un impact et peut modifier lʼorientation du gouvernail. Il exerce sa souveraineté directement. Alors que le système électif, nous lʼavons dit, repose sur une délégation de pouvoir. Cʼest pourquoi dans le chapitre précédent, même si nous avons défendu le vote, nous lʼavons fait sous réserve de certaines conditions et prédispositions, avec une incitation à être acteur dans sa souveraineté, et non pas seulement aller à lʼurne pour se débarrasser et se déposséder de son pouvoir de décider.

Or, ce que nous cherchons, cʼest bien que le peuple tout entier gouverne. Tout le monde sait que le premier modèle de démocratie dans lʼhistoire, est celui de la Grèce antique, soit la démocratie athénienne qui pose les grands principes. Or, il y a une procédure qui a quasiment disparu dans nos prétendues démocraties modernes, et qui est pourtant une pierre angulaire du pouvoir du peuple, cʼest le tirage au sort.

Le tirage au sort, par définition donne le pouvoir au peuple :

« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie ; le suffrage par choix est de celle de lʼaristocratie. »

Montesquieu

Par le système de tirage au sort, il y a une rotation des effectifs avec un vrai renouvellement, mais surtout, il y a une vraie égalité de principe dans lʼaccès au pouvoir politique. Cʼest-à-dire que tout prétendant a autant de chance dʼêtre élu. Ici, nous ne parlons pas forcément de tirer au sort un président de la République, quoi que théoriquement cela nʼest pas impossible, car à Athènes, tous les jours, un nouveau chef était tiré au sort. Mais pour être plus réaliste sur les données dʼaujourdʼhui, il serait efficace de mettre en place une procédure de tirage au sort pour sélectionner des citoyens en vue dʼeffectuer des contrôles sur le travail des élus afin de sʼassurer quʼils travaillent correctement. Ou cela pourrait être aussi des citoyens tirés au sort, uniquement dans le but dʼaccomplir une tâche politique bien précise, comme la rédaction dʼune loi qui aurait été préalablement votée et décidée par le peuple via un référendum. Un élu nʼest pas plus compétent quʼun non élu dans le jugement de la volonté générale, dʼoù la légitimité du tirage au sort.

Le mécanisme de tirage au sort possède dʼautres avantages. Notamment, il permet dʼaffaiblir les pouvoirs de domination. Il vient annihiler et compromettre tous les facteurs externes qui favorisent lʼaccès au pouvoir comme les médias, la finance, la réputation, le lobbying, le copinage, la corruption, les trafics dʼinfluence. La confiance dans le destin reprend une place importante dans lʼexercice du pouvoir.

« Le sort met fin aux disputes, Et fait le partage entre les puissants. »

Bible, Proverbes, 18:18

Fini le Crif, les LGBT et toutes minorités agissantes communautaristes dans lʼingérence politique française ! Cʼest un amoindrissement considérable de toutes ces forces souveraines entre les mains dʼune petite fraction de la nation, comme le disait Simone Weil. Le bien commun est désormais possible par lʼapplication du bon sens populaire qui parviendra aux leviers des décisions via le tirage au sort, procédure à instaurer dans la constitution, là où sʼécrivent les règles du pouvoir.

Mais quʼen est-il du point de vue musulman, concernant la question du tirage au sort ? Pour le justifier, il va falloir tout dʼabord bien écarter lʼidée que le tirage au sort serait similaire à lʼacte divinatoire, comme la bélomancie. Ce sont deux procédures bien différentes. Le sort de la divination était utilisé pour prendre des décisions dʼorientation à la place des hommes. Cela revenait à faire une prédiction à partir dʼune information réelle, mais en donnant une interprétation de ces données qui ne repose sur aucune science.

Si nous faisons une recherche dans le Coran, nous ne trouverons pas la notion de tirage au sort à proprement dite. Mais en revanche, des pratiques qui y sont apparentées. Seulement deux versets sont concernés.

« Ce sont là des récits qui relèvent du mystère et que Nous te révélons ici, car tu n’étais pas parmi eux lorsqu’ils tiraient au sort [litt. « jetèrent leur calame »] l’honneur de prendre Marie en charge, et encore moins lorsqu’ils se disputaient à son sujet. »

Coran, Sourate Âl-Imrân, La Famille d'Imran, Verset 44

On retrouve ce récit dans la Bible, à Luc Chapitre 1, au Verset 8. Ici, des prêtres ont tiré au sort pour désigner celui qui se chargerait de lʼéducation de Marie. Lʼenseignement que nous avons pu tirer de ce verset, est que le tirage au sort permet de départager plusieurs prétendants pour une tâche plus ou moins importante. Le fait que le verset précise « quʼils se disputaient », montre que les prétendants étaient volontaires. Cʼest dʼailleurs lʼidée générale quʼon retrouve principalement dans la sunna du Prophète.

Le Messager dʼAllah () a déclaré: « Si les gens connaissaient les vertus de lʼAdhân (lʼappel à la prière) et du premier rang, et sʼils ne trouvaient dʼautre moyen pour se départager que le tirage au sort, ils auraient recours à cette méthode. »

Rapporté par l'imam Mâlik, Bukhari, Muslim et Tirmidhi

Il est clair désormais que la Tradition prophétique ne condamne pas le tirage au sort, si bien quʼil est utilisé aujourdʼhui dans les mosquées, pour organiser les prétendants à lʼAdhân. Et dʼailleurs, le Prophète va lʼutiliser pour dʼautres situations. Par exemple, chaque fois quʼil avait lʼintention de partir en voyage, il utilisait le tirage au sort pour désigner laquelle de ces femmes devait lʼaccompagner. Peu importe le cas dʼusage, on se retrouve avec les mêmes configurations.

Abû Hûrayra a raconté : « Deux hommes se disputèrent au sujet dʼune transaction et aucun dʼentre eux nʼavait de preuve. Le Messager dʼAllah leur a commandé de tirer au sort pour savoir lequel dʼentre eux devrait prêter serment, que cela leur plaise ou non. »

Rapporté par ibn Mâjah

Rapporté par Abû Hûrayra : « Le Prophète () a demandé à certaines personnes de prêter serment et ils se sont empressés de le faire. Le Prophète () a ordonné que soient tirés au sort parmi eux ceux qui prêteraient serment en premier. »

Rapporté par Bukhari

Tous ces exemples se rejoignent plus ou moins dans leur configuration. Il y a une difficulté à départager deux ou plusieurs partis, soit par manque de preuves ou parce quʼils sont dans un droit égal pour accéder à ce quʼil souhaite. Et pour éviter de léser des partis tout aussi légitimes les uns que les autres, nous recourons donc au tirage au sort.

Pour bien saisir le cas dʼutilisation, nous allons vous partager une de nos expériences lorsque nous étions à lʼuniversité. Il y avait deux groupes qui devaient faire leur exposé oral en anglais : notre groupe et un autre groupe. Il sʼest très vite posé la question de qui passerait le premier pour faire son exposé. Dans notre groupe, la majorité voulait passer en premier, et lʼautre groupe voulait lui aussi passer en premier. Quelle est la légitimité de lʼun sur lʼautre ? Aucune. Il nʼy a pas un groupe qui était plus légitime que lʼautre pour passer en premier. Si lʼun ne laisse pas passer lʼautre, et que lʼun sʼimpose à lʼautre, nous serions dans une situation dʼinjustice. La solution a très vite été trouvée : nous avons départagé les deux groupes au tirage au sort, avec une simple pièce de monnaie : pile ou face. Et le sort a tranché. Et le groupe perdant a accepté son sort.

Mais le tirage au sort, selon nous, représente plus quʼun simple départage lorsquʼil est appliqué dans une situation similaire aux exemples précédents. Lʼexercer revient en quelques sortes à faire confiance à Dieu et au destin.

Il est à rappeler que si le tirage au sort existe, mais dans la pensée musulmane, il nʼest pas lié au hasard. Dʼailleurs, le hasard nʼexiste pas.

« […] ce qui est hasard pour l’ignorant n’est plus hasard pour le savant. Le hasard n’est que la mesure de notre ignorance. Les phénomènes fortuits sont, par définition, ceux dont nous ignorons les lois. »

Henri Poincaré

Cʼest cette idée que lʼon retrouve dans lʼhistoire de Jonas, aussi bien dans le Coran que dans la Bible :

« On tira au sort et il [Jonas] fut parmi les rejetés à la mer »

Coran, Sourate As-Sâffât, Les Rangs, Verset 141

« Et il se rendirent lʼun à lʼautre: Venez, et tirons au sort, pour savoir qui nous attire ce malheur. Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas. »

Bible, Jonas, 1:7

Selon ibn Kathîr, exégète reconnu dans la tradition musulmane, le tirage au sort aurait eu lieu à trois reprises, et à ces trois reprises le sort serait tombé sur Jonas. Nous admettons ne pas savoir dʼoù tire-t-il cette information.

Lʼenseignement que nous tirons ici, rejoint cette idée que le hasard nʼexiste pas. Le tirage au sort peut être considéré comme une sorte dʼélection divine, qui consiste à remettre sa confiance entière à Dieu.

Mais ne nous y perdons pas. Le tirage au sort ne doit pas être utilisé, comme nous lʼavons dit plus haut, comme un outil dʼorientation. Il nʼest pas fait pour apporter des réponses, mais pour trancher équitablement dans une situation indéterminée. Le tirage au sort nʼest pas lʼexpression de la volonté divine, mais lʼexpression des hommes à faire confiance en Dieu.

Nous rappelons alors que dans de nombreuses autres situations connues, le tirage au sort est interdit en islam. Notamment pour les jeux dʼargent, et tout autre jeux qui engage des mises ou des biens. Ces « jeux » sont prohibés selon islam, en raison de leur caractère addictif, qui peut avoir de sérieux impact négatif dans la vie réel du « joueur ». Lorsquʼon évoque le tirage au sort, beaucoup font directement le lien directement avec la loterie et les jeux de hasard (maysir).

« Ô vous qui croyez ! Les boissons alcoolisées, les jeux de hasard, les bétyles et les flèches divinatoires ne sont autre chose qu’une souillure diabolique. Fuyez-les ! Vous n’en serez que plus heureux ! Le démon n’a d’autre but que de semer, par le vin et le jeu de hasard, la haine et la discorde parmi vous, et de vous éloigner du souvenir de Dieu et de la salât. Allez-vous enfin renoncer à ces pratiques ? »

Coran, Sourate Al-Mâ'ida, La Table, Verset 90)

On trouve dans la littérature musulmane beaucoup dʼinterdit sur ce sujet. Il est notamment très étonnant de trouver que les jeux dʼéchecs ont été prohibés par certains, et considérés comme un jeu de hasard, alors quʼil sʼagit en réalité dʼun jeu de stratégie, où le hasard nʼa pas sa place, et qui est bénéfique pour faire travailler la mémoire, et augmenter sa capacité à planifier et prévoir. Lorsquʼon parle de jeux de hasard, ce nʼest quʼabus de langage, car très souvent, cela se réfère plutôt aux jeux dʼarnaques, loin dʼêtre hasardeux. Or, selon nous, ce nʼest pas le jeu de hasard en tant que tel qui est illicite, mais cʼest celui qui engage des biens ou de lʼargent : les paris, le loto, la Française des jeux. Mais un simple jeu de société, basé sur le hasard sans conséquence dans la vie, sans risque dʼendettement, ni enrichissement, nʼest pas illicite en soi. Jouer au poker avec de faux jetons, donc de fausses mises, nʼa rien dʼillicite, comme le fait de jouer au Monopoly, jeu de société contenant de faux billets, nʼest quʼun divertissement comme un autre, à partir du moment où les conséquences ne dépassent pas le cadre du jeu. Toutes ces limites sont importantes pour prévenir des mauvaises interprétations résultant de tirage au sort, à lʼimage de la pratique des Arabes et autres peuples utilisant des flèches de divination.

Pour en revenir à notre histoire de Démocratie, mettre plus de tirage au sort dans des procédures dʼélection de représentant, cʼest en quelques sortes plus de part de la providence dans nos prises de décisions politiques, et automatiquement plus de justice.

Dans une vraie démocratie, le bateau France naviguerait vers lʼinconnu, vers une justice politique inconnaissable à ce jour, et cette aventure serait beaucoup plus palpitante que ne lʼest le monde globalisé, ultra-surveillé et préventif, que lʼon nous promet, traduisant une certaine angoisse liberticide du lendemain dans la psychologie de celui qui lʼembrasse.

Aristote, « La Politique », Livre IV, 1300b4-5, relevé par Moses Finley.
https://journals.openedition.org/anabases/4614

Rousseau, « Du Contrat Social », p.130-131.
Rousseau disait ainsi que la souveraineté ne pouvait être représenté. Or dans notre constitution française actuelle, la souveraineté du peuple est exercé par les représentants. Ce qui montre que nous avions raison, lorsque dans notre Tome II, Redécouvrir Dieu par la Philosophie, au chapitre des Lumières, nous concluions que la France nʼavait pas suivi le chemin philosophique dʼun Rousseau, plus proche de la démocratie, mais bel et bien dʼun Voltaire.

Montesquieu, « De l’esprit des lois », Université du Québec à Chicoutimi, coll. Les classiques des sciences sociales, 1748, p.37.

Mogens H. Hansen, « La Démocratie athénienne, à lʼépoque de Démosthène », p.112, 233, 275 ;

Anne Kling, « Le Crif, un Lobby au Cœur de la République », Mithra, 2010.

Bélomancie : « La Bélomancie, aussi bolomancie, est la divination par les flèches. Les Chaldéens, les Grecs, les Arabes ainsi que les Scythes lʼont pratiquée. Son nom vient du mot grec « belos » (dard). » Wikipédia [ https://fr.wikipedia.org/wiki/Bélomancie ]

Sahîh Al-Boukhârî, n°615
Sahîh Muslim, n°437
Muwatta Malik, n°3/3
Jami’ at-Tirmidhî, n°225

Sahîh Al-Boukhârî, n°2593

Sunan Ibn Mâjah, n°2346

Sahîh Al-Boukhârî, n° 2674

Henri Poincarré, « Science et méthode », Ernest Flammarion, Édition définitive, Paris, p.68.

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Islam, Vote et Démocratie | Chapitre 5 - Réflexion islamique sur la démocratie

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