Introduction
Les Lumières ont connu éloges sur éloges, ainsi qu'apologies sur apologies, le siècle passé. Un courant philosophique du XVIIIème siècle, ventant le progrès humain, clamant pour objectif la lutte contre les superstitions et les ténèbres de l'ignorance dont serait victime le bas peuple, tout cela au nom de la Raison. Les religions seront alors dans la ligne de mire, et de subtilités en subtilités, par un travail rhétorique, vont finir par être pensées dans l'esprit du citoyen lambda comme de simples croyances irrationnelles.
Ce qui nous intéressera particulièrement, c'est bien évidemment, comment une poignée de ces philosophes ont su, dissoudre les religions, les mettre dans la case superstitions, et clamer un progrès bien plus important que les écrits divins.
« On peut bien sûr se perdre en conjecture sur ce qu'aurait pu devenir ou redevenir l'Eglise si elle avait choisi après le roi la rupture totale avec le monde bourgeois si éloigné d'elle. Mais, face au poids du réel, que pouvait faire cette institution forcément usée et compromise par mille ans de partage du pouvoir royal, face à l'idéologie toute neuve de la Raison et des Lumières qui, elle pouvait tout promettre pour ne l'avoir jamais exercé ? Que pouvait faire, dans un monde de plus en plus matérialiste et technicien, une religion qui n'avait que le ciel pour promesse et l'humilité pour vecteur, quand la nouvelle religion de la fraternité universelle et de l'élection en douce promettait, elle, au nom de la raison même, le paradis sur terre par la démocratie de la liberté et de l'égalité ? »
Toute l'idéologie des Lumières s'est construite sur de la spéculation dialectique stérile, idéologique, et par la manipulation de concept pure, abstrait, attrayants mais trompeur, avec des discours revêtus d'humanisme, tout cela pour l'intérêt d'un seul petit groupe d'hommes. Le jeu des Lumières n'aura en réalité été qu'une illusion, celle d'enlever la rationalité à toute révélation en s'attaquant à la métaphysique. Ils s'en prendront particulièrement au dogme chrétien. S'ils considèrent, le christianisme comme une superstition, alors par tolérance, toute superstition sera acceptée dans la société, y compris les cultes sataniques. Si Dieu n'est qu'une superstition, alors Satan en est une également, voilà l'illusion rhétorique, et les conséquences du grand mal que cachera l'idéologie principale des Lumières.
« Aucune théorie philosophique sur laquelle je suis tombée jusqu'à maintenant est une amélioration radicale des mots de la Genèse : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »
Il faut savoir qu'une certaine élite musulmane française aimerait voir, au XXIème siècle, se développer un islam des Lumières. Notre point de vue est qu'ils recherchent en réalité à désacraliser tous les dogmes de l'islam, comme cela s'est produit avec les chrétiens d'Occident. Nous rappelons, qu'il ne peut et qu'il n'y aura pas d'islam des Lumières, simplement parce que l'islam est déjà dépourvu de toutes superstitions, cela en est même un fondement, et que le mouvement des Lumières n'a pas l'envergure historique nécessaire ni les outils pour effleurer l'islam. C'est un courant qui ne concerne que l'Europe, mais surtout, n'est qu'une pâle copie dans les mots, des aspirations des religions révélées sur la terre.
Nous commencerons notre développement par une petite introduction historique pour replacer l'envers du décor, afin de situer les courants dominants avant l'arrivée des Lumières. Nous verrons comment, cette poignée de philosophes ont relégué le bien-être de l'homme dans un rang secondaire, en justifiant l'égo, et l'intérêt personnel. Ensuite, nous montrerons pourquoi la pensée des Lumières était en réalité bien moins progressiste que la morale divine, et que tout ceci n'est qu'une question de point de vue. Nous reviendrons sur une petite analyse de symboles ésotériques présents sur la Déclarations des Droits de l'Homme et du Citoyen, de 1789, résultante de la Révolution française. Révolution, beaucoup idéalisée, mais ne montrera en réalité peu ou pas de progrès spectaculaire, à la fois sur le plan sociale, économique et politique. Une simple illusion de progrès, cachée par la révolution technologique qui va suivre.
Le Progrès Humaniste ?
Humanisme : Mouvement intellectuel se développant en Europe à la Renaissance et qui, renouant avec la civilisation gréco-latine, manifeste un vif appétit critique de savoir, visant l'épanouissement de l'homme rendu ainsi plus humain par la culture.
On a la fâcheuse tendance à associer directement l'Humanisme aux philosophes des Lumières, oubliant alors que ce fut un courant qui prit naissance en premier lieu durant la Renaissance. La découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, en 1492, est à l'origine de la réflexion humaniste. Les Européens découvraient alors qu'une autre humanité existait, une humanité qui ne connaissait pas le Christ. C'est donc avant tout un courant chrétien catholique, qui lancera l'idée d'une humanité une et indivisible en Occident.
« L’humanisme qui se répandit dans ce siècle de bouleversement planétaire, avait hérité de l’influence de la Scolastique, développée et enseignée dans les universités du Moyen Âge, qui visait à réconcilier la philosophie antique avec la théologie chrétienne. Les humanistes en avaient tiré une morale très critique à l’égard du pouvoir de l’argent. Les biens n’étaient que des moyens de s’épanouir en vue de gagner la vie éternelle. La propriété était un mal nécessaire. Travailler pour accroître ses richesses était un péché, on ne devait travailler que pour satisfaire ses besoins vitaux. La finance était immorale et infâme et le commerce très mal vu : transformer pour revendre, c’était bien, mais acheter pour revendre, c’était mal, la transaction idéale consistant à vendre au juste prix, et à prêter gratuitement. Deux conciles, à Latran en 1315 et à Paris en 1532, avaient condamné le prêt à intérêt. Cette Église-là dérangeait les colons, les marchands, la bourgeoisie montante. »
Seulement une forme d'anti-humanisme va naître en opposition au courant Catholique, à travers la réforme protestante, qui est une véritable scission avec l'Église. Selon le protestantisme, le destin de l'homme serait déjà tout tracé, il n'aurait aucune liberté et ne serait pas perfectible. Ainsi, d'un côté, nous avons ceux qui ont la grâce de Dieu peu importe leurs actes, et de l'autre ceux qui ne l'ont pas. On voit alors se dessiner une forme d'élitisme dans ce courant théologique, qui donne une place centrale à la prédestination.
Prédestination : Doctrine selon laquelle Dieu aurait par avance destiné certaines créatures à la béatitude, par le seul effet de sa grâce, et sans considération de leurs œuvres, vouant les autres à la damnation.
Selon le Protestantisme, seule la foi compte, mais pas les actes. Autrement dit, celui qui est élu par Dieu, c'est-à-dire détient la grâce de Dieu, serait automatiquement sauvé, ira au paradis automatiquement, peu importe les actes qu'il commet sur la Terre. C'est-à-dire que si Hitler, aurait reçu la grâce de Dieu, il serait au paradis, selon cette théologie.
« La grâce n’est pas donnée à tous les hommes et ceux à qui elle est donnée ne l’obtiennent pas d’après le mérite de leurs œuvres, ni d’après celui de leur volonté. C’est par la miséricorde gratuite de Dieu que la grâce est donnée à ceux à qui le seigneur la donne. C’est par un juste jugement de Dieu qu’elle n’est pas donnée à ceux à qui Dieu la refuse. »
Nous aimerions préciser que la prédestination protestante, n'est pas similaire à la prédestination en islam. C'est un sujet qui mérite un long développement et nous consacrerons un article sur ce sujet, cependant tout musulman sait que les actes obligatoires ainsi que le bon comportement sont fortement recommandés, voir même une nécessité pour l'accès au paradis. L'expression qu'il faut retenir en islam est que la prédestination n'est pas un prétexte à la résignation, puisque de toute façon, l'homme, ne connaissant rien ou peu de l'invisible, ne peut aucunement savoir s'il est lui-même guidé par Dieu, et s'il le sera toujours jusqu'au jour de sa mort. Pour clarifier la divergence, en islam les œuvres et les efforts des hommes sont pris en considération par Dieu, à commencer par le repentir .
La vision élitiste protestante sépare l'humanité en deux : les élus, et les autres. Lorsque l'on sait que la division est responsable des maux des hommes sur la terre, lorsque l'on privilégie certains sur d'autres illégitimement, alors les conséquences de cette doctrine ne peuvent être que dangereuse pour la société.
Pour le Catholicisme et pour l'islam, l'homme peut se perfectionner et obtenir la grâce, et le pardon de Dieu, en se rachetant de ses péchés, par le repentir. Ainsi, tous les hommes deviennent frères, égaux et libres devant Dieu. Cette vision du monde, on la retrouve justifiée dans le Catholicisme par la VIème session du Concile de Trente . Et c'est ce même Concile qui est à l'origine de l'humanisme occidental réel.
Les Protestants ne se disent, eux-mêmes, ni libres, ni égaux devant Dieu. Ils sont prédestinés à être ce que Dieu leur a prescrit, donc de ce fait, ils ne sont pas libres. Et s'il y a des élus, alors il n'y a pas d'égalité entre les Hommes devant Dieu. Évidemment les conséquences de ce dogme sont dangereux, car si l'homme pense être prédéterminé, alors, il ne luttera pas contre son mauvais comportement, et contre ses instincts primaires. Il pensera, malgré tous les péchés commis sans avoir lutter pour éviter de les commettre, être sauvé de l'Enfer. Il s'abandonnera à ses plus viles pulsions sans restriction, causant alors les plus grands malheurs et injustices, sans se soucier des conséquences. C'est ce que nous avions appelé conscience morale qui se manifeste ici, c'est-à-dire, la morale subjective, celle que nous nous fabriquons pour nous sentir bien avec nous-même sans prendre en considération le bien-être des autres, et nous avions vu que ceci était une entorse à la véritable morale. Chez toute forme d'élitisme, si l'on pousse cette logique à son extrémité, se présente alors chez les individus concernés un complexe de supériorité pathologique et régressif pour l'humanité .
Pour en revenir au Concile de Trente, immédiatement après son déroulement, La Compagnie de Jésus s'investit du devoir de propager les fondements de ce fameux Concile. Les membres de cet ordre religieux sont appelés les Jésuites. Appartenant au mouvement catholique, leur rôle devient alors clair : si nous sommes tous égaux devant Dieu, le savoir doit être accessible à tout le monde. À ses débuts, la Compagnie s'occupe d'activités missionnaires, pastorales et intellectuelles, dans le but de diffuser la parole du Christ toujours en fonction du cadre du Concile de Trente. Elle se tournera vers la suite dans l'enseignement secondaire, qui deviendra son activité principale, en ouvrant de nombreux collèges en France, mais également dans les quatre coins du monde .
Le Jansénisme, quant à lui, va éclore dans le Catholicisme même, mais reprendra toutes les thèses du Protestantisme. Les jansénistes sont également à l'origine de la désacralisation de la royauté.
Jansénisme : Doctrine chrétienne hérétique sur la grâce et la prédestination, issue de la pensée de Jansénius (exposée dans son ouvrage l'Augustinus en 1640, interprétation de la thèse de Saint Augustin) et selon laquelle, sans tenir compte de la liberté et des mérites de l'homme, la grâce du salut ne serait accordée qu'aux seuls élus dès leur naissance.
Pourquoi, une nouvelle fois cette doctrine est désastreuse, d'un point de vue psychologique et social ? Parce que celui qui pense qu'il est prédestiné à faire ce que Dieu lui dicte, déjà renonce à sa liberté de pouvoir faire des choix. Ensuite, il renonce à la morale, puisque indépendamment de ce qu'il fait, que cela soit bien ou mal, dans son esprit, c'est Dieu qui l'a voulu ainsi, et il ne pourrait en être autrement. Ce genre de doctrine, inspire à l'individu sa non-remise en cause. Il pense que ses agissements ne sont jamais des erreurs, il ne les reconnait pas comme tel, puisque cela devait se dérouler ainsi. Dans ce cas, l'individu ne mentalise pas son monde extérieur, puisqu'il n'a pas besoin de tirer d'enseignement, et par conséquent va négliger sa vision interne, et conduire à l'oubli de soi. Cela ne veut pas dire qu'il n'aura pas de vision interne, mais plutôt qu'elle ne sera pas connectée avec sa vision externe. Pour traduire, leur représentation du monde sera très pauvre et déconnectée du réel. Cela peut entraîner une dysharmonie spirituelle et sociale.
« Le jansénisme est né et a éclos dans un environnement de renonciation au monde et de tristesse qui en fait un mouvement rigoureusement anti-social. »
Cette petite introduction historique, vous permettra de comprendre, où se situaient alors les philosophes des Lumières, par rapport aux courants de leur époque. On remarquera ainsi que ces philosophes qui sont mis en avant comme faisant partie de la tradition humaniste, surtout au XVIIIème et XIXème, ont accompli exactement l'inverse de ce pourquoi le véritable courant humaniste fut créé, et étaient plutôt proches idéologiquement du jansénisme. On le voit dans la manifestation de séparation du peuple et des élus que l'on retrouvera dans les écrits de certains philosophes se revendiquant des Lumières.
Le Projet Encyclopédique des Lumières ?
Le mouvement des Lumières tire son nom de la volonté des philosophes européens du XVIIIe siècle, et en France particulièrement, à combattre les ténèbres de l'ignorance par la diffusion du savoir. L'Encyclopédie, dirigée par Diderot et d'Alembert, est le meilleur symbole de cette volonté de rassembler toutes les connaissances disponibles et de les répandre auprès du public, dans le but de l'éclairer.
Comment l'Église pouvait-elle se dresser contre la diffusion d’un Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ? En réalité, elle ne s'y est jamais opposée dans le principe, bien au contraire, car les Jésuites avaient applaudi la démarche. Mais ce n'est qu'après découverte du contenu, de définitions et de commentaires non-neutres, introduits dans ce grand projet , que se sont révélée l'idéologie et le contre-cléricalisme.
L'Encyclopédie des Lumières est une véritable attaque envers l'Église, l'origine conflictuelle vient donc en premier lieu des Lumières. L'article JÉSUITE est rempli de contre-vérités, d'insinuations et de calomnies. On pourrait soulever d'autres articles pertinemment idéologiques, qu'on peut lire par exemple dans cette première encyclopédie :
PHILOSOPHE : s.m. « [...] Mais on doit avoir une idée plus juste du philosophe, & voici le caractere que nous lui donnons. Les autres hommes sont determinés à agir sans sentir. ni connoître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu'il y en ait. Le philosophe au contraire demêle les causes autant qu'il est en lui, & souvent même les prévient, & se livre à elles avec connoissance: c'est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle - même. Ainsi il évite les objets qui peuvent lui causer des sentimens qui ne conviennent ni au bien - être, ni à l'être raisonnable, & cherche ceux qui peuvent exciter en lui des affections convenables à l'état où il se trouve. La raison est à l'égard du philosophe, ce que la grace est à l'égard du chretien. La grace détermine le chrétien à agir; la raison détermine le philosophe. Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu'ils font soient précédées de la réflexion: ce sont des hommes qui marchent dans les ténebres; au lieu que le philosophe dans ses passions mêmes, n'agit qu'après la réflexion; il marche la nuit, mais il est précedé d'un flambeau. Le philosophe forme ses principes sur une infinité d'observations particulieres. Le peuple adopte le principe sans penser aux observations qui l'ont produit: il croit que la maxime existe pour ainsi dire par elle - même; mais le philosophe prend la maxime dès sa source; il en examine l'origine; il en connoît la propre valeur, & n'en fait que l'usage qui lui convient. »
Dans l'article PHILOSOPHE, on peut y voir se dégager pour la première fois, un mépris du peuple. Cela vous rappellera alors le dogme propre au Jansénisme. Le non-philosophe est décrit comme une bête qui se meut par ses passions. Le philosophe des Lumières se différencie lui du peuple, car il possède la Raison, et le Chrétien, tout au plus, possède la Grâce. Celui qui se considère authentiquement comme un philosophe, soit comme quelqu'un qui recherche la connaissance, ne peut et ne devrait se différencier du peuple, mais plutôt se fondre en lui. Chaque homme, « philosophe » ou non, sait des choses qu'un autre ignore, et toutes connaissances acquises, à commencer par l'école, nous a était transmise par un tiers. Si le philosophe a été éduqué par le peuple, il se doit d'en être reconnaissant envers lui. Cet élitisme des Lumières, est une des raisons pour laquelle, en France, nous n'avons pour l'instant, jamais eu de démocratie directe.
MENDIANT : s. m. (Econom. politiq.) « gueux ou vagabond de profession, qui demande l'aumône par oisiveté & par fainéantise, au lieu de gagner sa vie par le travail. »
On retrouve, dans l'article MENDIANT, de nouveau ce mépris du peuple, et de la pauvreté principalement, dans cette autre définition. Cette attitude est le résultat de la doctrine Janséniste une nouvelle fois. Celui qui est pauvre, c'est parce que Dieu la voulu ainsi, et par conséquent, s'il est pauvre, c'est qu'il est forcément mauvais. Cette vision du riche qui est bon et du pauvre qui est mauvais, est un élitisme carabiné.
Ce point de vue va s'étendre jusqu'à l'éducation du peuple. En ayant le contrôle sur les mots, on détient également un contrôle sur le savoir. Louis-René Caradeuc de La Chalotais, était un magistrat janséniste du siècle des Lumières. Il contribua à l'expulsion des Jésuites en France, occasionnant alors la fermeture de nombreux collèges gratuits. Il publia ensuite Essai d'Éducation Nationale dans lequel il écrivit :
« Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas plus loin que ses occupations. »
Cet élitisme sera renforcé plus tard, après la Révolution, par Nicolas de Condorcet, encore une figure emblématique des Lumières. En 1792, il remet son rapport intitulé L'Organisation Générale de l'Instruction Publique , projet qui permet de mettre en place un système hiérarchique, permettant alors à des instructeurs, garants et protecteurs des Lumières, de classer les élèves, en fonction de leur savoir. C'est également à cette période, que vont se créer, alors en France, les Grandes Écoles, réservés aux meilleurs et aux plus instruits, bien entendu, autant dire directement aux plus riches.
Condorcet est considéré comme le fondateur des systèmes scolaires modernes. Pourtant, son projet est largement critiqué, car contraire aux vertus républicaines et à l'égalité. En effet, son système peut donner lieu à la servitude totale de l'Éducation Nationale envers une forme d'élitisme. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences, les élites n'ont pas les intérêts de la Nation, argument dont refusait déjà de répondre Condorcet.
Il est également le premier a invoqué la Laïcité dans l'instruction publique, dont le but est de neutraliser les opinions publiques en terme de croyances et de politiques. Ce qui sera également reprit bien plus tard, par Jules Ferry, à la fin du XIXème siècle.
Laïcité : Principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse.
Le problème auquel nous assistons depuis cette laïcisation, est le dénie du fait religieux, posé de plus en plus comme un principe. En déniant le fait religieux ont déni également l'antireligieux. Ce qui signifie en vérité, que ce qui est désigné comme appartenant à la Raison, pour l'époque, n'est rien d'autre que la doctrine athée, qui fait également partie d'une croyance antireligieuse, qu'on le sache ou non. L'athée est antireligieux, car il se construit en opposition à Dieu. De ce fait, nous avons aujourd'hui dans nos écoles, de la pure doctrine athée, qui n'est qu'un dogme parmi tant d'autres. Nous faire croire qu'il existerait un dogme et un espace neutre, que l'on appellerait laïcité, a été surement une des plus grandes escroqueries de ce dernier siècle. La Laïcité pensée comme une idéologie neutre recouvre en réalité l'idéologie de la raison, mettant l'homme à la place de Dieu. La laïcité réelle n'est pas incompatible avec la religion, ce n'est qu'une question de juste définition.
Ainsi, depuis les lois de Jules Ferry, en supprimant Dieu de l'enseignement, le renforcement de la vision élitiste se fait vivement ressentir, visant alors à supprimer la fonction moralisatrice de la religion à l'école. Ainsi, toutes les morales deviennent bonnes dans une société, y compris celles en contradiction d'intérêts avec la nation. Mais, supprimer la spiritualité de l'enseignement, c'est également supprimer la vision interne, et n'être initier qu'a la simple Raison, signifiant comme nous l'avons démontré précédemment par le symbole de l'œil unique, à la simple vision externe. Les enfants ne sont alors instruits uniquement sur un aspect du monde extérieur et négligent alors leur monde interne, ce qui entraîne la difficulté de trouver sa personnalité, de remettre en question le savoir acquis, ainsi que l'autorité illégitime. Concernant cette dernière, en vérité, on l'applique également sur les riches en formatant leur esprit pour que leur vision interne soit cohérente avec leur vision externe, en leur faisant vivre alors des réalités bien souvent différentes du peuple, par des processus de ghettoïsation. C'est-à-dire, que la majorité des grandes villes sont conçues de telles manières, que les riches et les pauvres ne se croisent pas, et parfois ignore leur proximité et existence réciproque.
Pour continuer de vous faire partager une réflexion, une connaissance devient idéologique, lorsqu'elle a la prétention de guider les individus. Un dictionnaire ne devrait que transmettre des connaissances et non porter des jugements de valeur.
« Toute société qui n’est pas éclairée par des philosophes est trompée par des charlatans. »
La notion de lumière (An-Nur), guidant les croyants, dans la tradition islamique, est une lumière interne à l'homme. Elle ne s'impose pas, mais elle éclaire l'âme individuellement. Elle est comme la lumière reflétée par la lune et permet à chacun, non pas d'être aveuglé, mais de partager et de clarifier ce qu'il y a dans le cœur des hommes. Dieu éclaire, comme étant la source de lumière, le cœur de certains d'entre nous, d'autres perçoivent cette lumière non-aveuglante, et sont guidés à leur tour. Mais là où cela devient inquiétant, c'est lorsque l'on se met comme source de lumière. Dans ce cas de figure, Dieu ne devient plus la source, on s'interpose devant Lui, et par conséquent nous aveuglons les autres, et nous nous aveuglons nous-même.
- Transmettre :
- (1) Faire passer à quelqu'un une qualité, un caractère, des connaissances.
(2) Communiquer, faire connaître.- Guider :
- (1) Conduire quelqu'un en lui montrant le chemin.
(2) Diriger, faire aller dans une direction déterminée.
Lucifer, qui signifie Porteur de Lumière, est associé dans la tradition biblique à Satan. Il porte la lumière, autrement dit, il en est la source. Le peuple serait incapable de penser par lui-même, selon la philosophie des Lumières. Il serait du rôle du philosophe de guider le peuple, comme un phare guide les navires au large du littoral. Celui qui pense qu'il sait mieux que le peuple, et doit le guider, se comporte alors comme Lucifer. Car le phare aveugle comme le Soleil, ainsi que tout ce qui est source de lumière, dissimulant alors ce qui se cache derrière. Mettre l'homme en source de lumière, c'est vouloir le mettre à la place du soleil, et vouloir que le monde tourne autour de lui. L'obscurantisme, est celui qui cache ce qu'il y a derrière la lumière.
Ce n'est pas à toi de les guider (vers la bonne voie), mais c'est Allah qui guide qui Il veut. Et tout ce que vous dépensez de vos biens sera à votre avantage, et vous ne dépensez que pour la recherche de la Face “Wajh” d'Allah. Et tout ce que vous dépensez de vos biens dans les bonnes œuvres vous sera récompensé pleinement. Et vous ne serez pas lésés.
لَّيْسَ عَلَيْكَ هُدَاهُمْ وَلَٰكِنَّ اللَّهَ يَهْدِي مَن يَشَاءُ ۗ وَمَا تُنفِقُوا مِنْ خَيْرٍ فَلِأَنفُسِكُمْ ۚ وَمَا تُنفِقُونَ إِلَّا ابْتِغَاءَ وَجْهِ اللَّهِ ۚ وَمَا تُنفِقُوا مِنْ خَيْرٍ يُوَفَّ إِلَيْكُمْ وَأَنتُمْ لَا تُظْلَمُونَ
Tu (Muhammad) ne diriges pas celui que tu aimes : mais c'est Allah qui guide qui Il veut. Il connaît mieux cependant les bien-guidés.
إِنَّكَ لَا تَهْدِي مَنْ أَحْبَبْتَ وَلَٰكِنَّ اللَّهَ يَهْدِي مَن يَشَاءُ ۚ وَهُوَ أَعْلَمُ بِالْمُهْتَدِينَ
Nous entendons aujourd'hui des jeunes musulmans dirent que nos savants seraient nos lumières. Ceci est une grave erreur, en islam il n'y a pas de savant infaillible, ni de Clergé, ce serait une insulte envers le prophète. Seul Dieu est notre lumière, et nul n'a le droit de se considérer comme un guide. Le savant ne doit que mettre en avant les arguments et émettre son avis, mais ne doit jamais dire qu'il s'agit d'une vérité, et bien préciser qu'il s'agit de son point de vue. Seul un consensus pourrait faire autorité, mais la communauté de l'islam d'aujourd'hui n'est pas assez organisée, ni assez impartiale, pour pouvoir mettre en œuvre ce système. On verra dans un autre chapitre, que le prophète de l'islam s'est toujours considéré comme un enseignant, son but a toujours été de transmettre et non de guider, comme cela revient à de nombreuses reprises dans le Coran.
Pour en revenir à l'histoire de France, l'Église commença à perdre la bataille sur le plan de la dialectique. L'Encyclopédie connaissant un grand succès, le pouvoir royal, lourdement infiltré par le Jansénisme à la veille de la Révolution, finit par succomber à cette nouvelle idéologie de la Raison. La religion ne devient alors qu'une simple croyance, égale à toute autre superstition.
Les Lumières avaient donc compris que le savoir qui devait être transmis pour contrer l'Église devait forcément être de nature idéologique. L'Encyclopédie leur a permis de semer la confusion dans le langage commun. Seule une idéologie pouvait contrer une autre idéologie. Ces dernières s'opposèrent donc par le choix de la source : Dieu pour l'Église, les catholiques et les croyants ; la Raison pour les Lumières, ce qui revient à choisir l'homme. Mettre l'homme comme source de lumière, c'est mettre l'homme à la place du Soleil, et par conséquent, c'est revenir en arrière, soit à l'égocentrisme humain que les religions ont toujours combattu. Ce qui expliquera pourquoi l'intérêt personnel remplacera l’intérêt commun dans cette période trouble, par la manifestation d'une nouvelle morale qui demeurera justifiée par les écrits des Lumières, mais également par sa mise en application sur le plan politique et l'instauration du libéralisme économique.
De la Morale Collective à la Morale Individuelle, un Changement Idéologique et Politique Majeur ?
Une fois que nous avons vu comment les Lumières ont su manipuler le savoir par le contrôle de l'essence des mots, en conséquence de cela, il leur sera facile de détruire et d'inverser les mœurs de la morale chrétienne au sein de la société, et finiront par édifier un gouvernement à la hauteur de cette nouvelle idéologie décadente.
Mœurs : Ensemble de comportements propres à un groupe humain ou à un individu et considérés dans leurs rapports avec une morale collective ; absol., règles de vie, modèles de conduite plus ou moins imposés par une société à ses membres.
On pourrait dire que tout commence à partir d'une simple fable, de Bernard Mandeville. La Fable des Abeilles , publié en 1714, développe la thèse selon laquelle l'égoïsme aurait une utilité sociale. Elle avance que toutes les lois sociales résultent de la volonté égoïste des faibles de se soutenir mutuellement en se protégeant des plus forts.
Le philosophe Jean-Jacques Rousseau fait une critique pertinente de cette fable, dans la première partie de son Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, parut en 1754. Il n'hésite pas à reprendre Mandeville, en soulignant que ce dernier avait bien identifié le vice et la bêtise de l'homme, du fait de la nécessité d'une instauration morale en société, mais ce qu'il n'a pas su percevoir, c'est que cette morale découle justement de la pitié dans son état naturelle, autrement dit, qu'il y a dans l'homme forcément de la bonté, qui se manifeste dans cette humanité et cette générosité désintéressées face à l'oppression des plus faibles.
En vérité, cette fable n'est pas anodine, elle établit quelque chose de nouveau. Elle discrimine la morale liée à la politique, et fait l'apologie de l'égoïsme sociale, véritable provocation envers l'Église. Elle introduit injustement la nécessité du vice dans une société. Toute la bataille des Lumières tournera autour de cet égocentrisme de l'homme, car c'est à partir de cet axe que vont se dessiner deux visions différentes de l'être humain.
La chose fondamentale qu'il faut comprendre, est la différence entre ceux qui pensent que la morale est une affaire privée, et ceux qui jugent qu'elle est publique.
Pour un religieux, elle est forcément de nature publique, puisqu'elle s'applique à l'autre, elle sert à harmoniser les rapports entre les hommes et les groupes d'hommes en société, mais aussi avec toutes les créatures de Dieu, qui peuvent parfois s'étendre plus loin que la simple nature du vivant. Dans ce cas, il y a une seule morale pour un groupe d'hommes, c'est ce qu'on a appelé la fitra en islam, une inspiration innée, commune à chaque être humain.
Celui qui la considère comme privée, évoque en réalité sa conscience morale, entièrement subjective, concernant la recherche du bonheur personnelle, quitte à aller au détriment des autres. À travers ce point de vue, il y a autant de morales qu'il y a d'hommes, c'est ce qu'on retrouve sous la notion de nafs en islam, c'est-à-dire l'âme individuelle et l'égo, sous influence de son environnement.
Ce combat idéologique peut être ramené à celui de Rousseau et de Voltaire, sous la France des Lumières au XVIIIème siècle, deux ennemis éternels se disputant alors deux visions de l'homme diamétralement opposée. Le premier, comme en témoigne son commentaire sur la Fable des Abeilles, cherche à mettre en relief la bonté de l'homme et à connaître les conditions dans lesquelles le vice se manifesterait. Autrement dit, la bonté est intérieure à l'homme, et le mal à l'extérieur.
« Les vices n’appartiennent pas tant à l’homme qu’à l’homme mal gouverné. »
Quant au second, il semble prêt à dire tout et l'inverse de ce qu'il prétend défendre. Il a une vision purement élitiste, se réclame des Lumières, en reprenant les visions jansénistes.
« Le mensonge n'est un vice que quand il fait du mal; c'est une très grande vertu, quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps mais hardiment et toujours. »
Il déclare une guerre à la Vérité, à l'Église et à l'homme morale. Voltaire est la représentation pure de ce qu'ont été véritablement les Lumières du XVIIIème siècle, dont malheureusement on en dit du bien, bien souvent à tort et par ignorance .
Combien de citations ont été attribuées injustement à Voltaire ? « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » ; « Pour savoir qui vous dirige vraiment il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer ». Tout cela en vue d'enjoliver son image, et faire croire qu'il s'agissait d'un homme courageux. Or tout tend à démontrer que ce fut loin d'être le cas . Sans compter sur ses œuvres qui ont dû être expurgées dans le but de paraître moins choquante aux yeux du public.
Rousseau est surement le philosophe qui se détache le plus des Lumières, par sa vision optimiste du monde et de l'homme, mais également moins-élitiste. Il établira en 1762, un ouvrage de philosophie politique intitulé Du Contrat Social ou Principes du droit politique. Cet œuvre est incontournable dans l'affirmation du principe de la souveraineté du peuple.
« La première et la plus importante conséquence des principes ci-devant établis, est que la volonté générale peut seule diriger les forces de l'État selon la fin de son institution, qui est le bien commun; car, si l'opposition des intérêts particuliers a rendu nécessaire l'établissement des sociétés, c'est l'accord de ces mêmes intérêts qui l'a rendu possible. C'est ce qu'il y a de commun dans ces différents intérêts qui forme le lien social; et s'il n'y avait pas quelque point dans lequel tous les intérêts s'accordent, nulle société ne saurait exister. Or, c'est uniquement sur cet intérêt commun que la société doit être gouvernée. [...] Je dis donc que la souveraineté, n'étant que l'exercice de la volonté générale, ne peut jamais s'aliéner, et que le souverain, qui n'est qu'un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non pas la volonté.[...] Ce n'est point à dire que les ordres des chefs ne puissent passer pour des volontés générales, tant que le souverain, libre de s'y opposer, ne le fait pas. En pareil cas, du silence universel on doit présumer le consentement du peuple. Ceci s'expliquera plus au long. [...] Par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible ; car la volonté est générale (a), ou elle ne l'est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d'une partie. Dans le premier cas, cette volonté déclarée est un acte de souveraineté et fait loi ; dans le second, ce n'est qu'une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c'est un décret tout au plus. [...] Il s'ensuit de ce qui précède que la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l'utilité publique : mais il ne s'ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c'est alors seulement qu'il paraît vouloir ce qui est mal. »
Pour résumer ce passage :
- Les intérêts différents d'un peuple, dans une société se doivent d'avoir une composante commune à un intérêt commun, dans le but d'avoir un État cohérent. C'est-à-dire qu'il doit y avoir un accord entre les différents intérêts particuliers. Pour Rousseau, c'est ce qui forme le lien social.
- La souveraineté est nécessairement inaliénable, et indivisible, elle représente la volonté générale du peuple en un seul corps collectif, ou du moins de la majorité. Du silence du peuple, on en déduit le consentement.
- La finalité de l'État doit être le bien commun. Si la souveraineté est respectée, alors la volonté du peuple et les décisions de l'État tendront vers le bien commun. Dans le cas contraire, soit le peuple a été trompé, soit la souveraineté est mal assurée.
Cet ouvrage que l'on nous présente comme un texte fondamental, n'a pourtant pas été une référence pour les Lumières, et surement pas la direction empruntée.
« L'esprit d'une nation réside toujours dans le petit nombre qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. »
Il n'est pas caché au monde, que les Lumières voulaient établir un despotisme éclairé . Celui-ci consistait à mettre la Raison au centre et au-dessus de tout, et devait être souveraine. Ce qui revient en réalité à mettre le philosophe au pouvoir, car nous rappelons, que selon l'Encyclopédie des Lumières, seul le philosophe détient la raison. Autrement dit, le pouvoir ne devrait être détenu que par une poignée d'élus.
Despotisme éclairé : Doctrine de gouvernement élaborée par les philosophes rationalistes − en particulier français − du xviiie siècle et qui préconise de concilier le pouvoir absolu avec la volonté de faire progresser l'État et ses membres.
La Révolution française n'a jamais abouti à la démocratie, car cela n'a jamais été l'intention des Lumières. Elle a donné naissance à un gouvernement représentatif. Aujourd'hui, on l'appelle démocratie représentative, mais il s'agit d'un oxymore, car dans ce type de système politique, la souveraineté appartient aux élus, et non au peuple.
« Les citoyens qui désignent des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; donc ils n'ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir leur appartient sur la personne de leur mandataire, mais c'est tout. S'ils dictaient des volontés ce ne serait plus un état représentatif, ce serait un état démocratique. »
On retrouve aujourd'hui ce despotisme éclairé dans la construction de l'Union européenne, hormis qu'il ne s'agit pas ici de philosophe, mais d'élus illégitimes. L'Union européenne est née de l'idée qu'il pourrait exister une identité européenne, excepté que cette identité est entièrement fantasmée et spéculative. Une idée très présente durant le siècle des Lumières, puisque l'uniformisation de l'Europe commence à devenir un projet réalisable, hormis que l'identité européenne est forcément un antihumanisme.
« La construction européenne est une révolution, même si les révolutionnaires ne sont pas des conspirateurs blêmes et maigres, mais des employés, des fonctionnaires, des banquiers et des professeurs"(…)"L'Europe s'est formée en pleine légitimité institutionnelle. Mais elle ne procède pas d'un mouvement démocratique"(…)"Entre les deux pôles du consensus populaire et du leadership de quelques gouvernants, l'Europe s'est faite en suivant une méthode que l'on pourrait définir du terme de despotisme éclairé. »
Avec l'Union européenne, nous sommes en train de perdre toute souveraineté ces dernières années, même celle de nos élus nationaux, jusqu'au président de la République, qui est censé être au sommet de la nation. De nombreux pouvoirs sont transférés vers la construction supranationale, et les décisions des élus se font principalement en fonction de la politique de l'Union européenne, et non en fonction des peuples. Politiques décidées par des despotes éclairés et aveuglés, élitistes et illégitimes au sein de la majorité des peuples d'Europe, en témoigne la non prise en considération des résultats des référendums.
Sans compter que cette perte de souveraineté par l'Union européenne entraine avec elle une uniformisation des peuples, dont Rousseau faisait déjà la critique.
« Il n’y a plus aujourd’hui de Français, d’Allemand, d’Espagnols, d’Anglois même, quoi qu’on en dise; il n’y a que des Européens. Tous ont les mêmes goûts, les mêmes passions, les mêmes mœurs, parce qu’aucun n’a reçu de formes nationales par une institution particulière. Tous, dans les mêmes circonstances, feront les mêmes choses: tous se diront dés intéressés, & seront fripons; tous parleront du bien public, & ne penseront qu’à eux-mêmes; tous vanteront la médiocrité, & voudront être des Crésus. Ils n’ont d’ambition que pour le luxe, ils n’ont de passion que celle de l’or: sûrs d’avoir avec lui tout ce qui les tente, tous se vendront au premier qui voudra les payer. Que leur importe à quel maître ils obéissent, de quel État ils suivent les lois? Pourvu qu’ils trouvent de l’argent à voler & des femmes à corrompre, ils sont partout dans leur pays. »
L'uniformité entraine la perte d'identité au réel, et entraine à son tour une facilitation pour les élites de manipuler les masses. D'ailleurs, la première phrase du passage cité de Rousseau ci-dessus est souvent évoquée hors de son contexte, pour faire croire que Rousseau était pour une Europe uniformisée (soit une union européenne).
Nous avons traité de la souveraineté, qu'en est-il maintenant au sujet du bien commun.Marion Sigaut, nous fait redécouvrir, sur l'exemple précis du commerce du pain, comment le bien commun ne fut plus la priorité lorsque les Lumières accédèrent au gouvernement.
Avant qu'ils n'arrivent au pouvoir, durant la monarchie, la préoccupation et la fonction principale de l'autorité, à travers la police des subsistances, était de faire en sorte de réguler les prix du commerce de manière à ce que le pain soit accessible aux plus démunis du royaume. Les prix étaient décidés directement par le Roi, afin d'éviter les spéculations.
Turgot, représentant de la politique des Lumières, se retrouve au pouvoir en 1774, nommé ministre par le jeune roi Louis XVI, dépassé par les évènements. Les Lumières se réjouissent de pouvoir faire passer leurs idées, à travers Turgot, qui proclame que le prix du pain ne sera décidément plus fixé par le royaume, mais par le marché. C'est la naissance du capitalisme français.
Capitalisme : (1) Système économique caractérisé par la concentration de gros capitaux en vue de promouvoir la production et les échanges commerciaux.
(2) Système économique et social qui se caractérise par la propriété privée des moyens de production et d'échange et par la recherche du profit.
Le bien commun du peuple n'est plus la priorité, mais le marché et le profit le deviennent. Marion Sigaut, nous partage ses recherches dans ce domaine :
« L’une des premières mesures que prit Turgot fut de lever toutes les entraves au commerce et à la libre-circulation des grains. « Plus le commerce est libre, animé, étendu, plus le peuple est promptement, efficacement et abondamment pourvu » écrivit-il dans le préambule de l’arrêt qui fut signé le 13 septembre 1774. « Les prix sont d’autant plus uniformes, ils s’éloignent d’autant moins du prix moyen et habituel sur lequel les salaires se règlent nécessairement » ajouta-t-il, sans indiquer en quel honneur la « nécessité » a la moindre influence sur les salaires. L’aimable prince de Croÿ nota : « Ce fut, quoique sourdement et sans révolution, le plus grand coup porté à la religion, peut-être, depuis Clovis.» Voltaire, lui, exulta : « Je viens de lire le chef-d’œuvre de M. Turgot. Il me semble que voilà de nouveaux cieux et une nouvelle terre » écrivit-il à d’Alembert. Sus à l’obscurantisme et écrasons l’infâme ! Alors que des siècles de protection royale avaient interdit tout enrichissement sur le pain du peuple, le nouveau décret imposait la loi du Marché ce qui, pratiquement, consistait à laisser filer les prix et à permettre aux marchands de se servir avant le peuple. Dès les premiers frémissements sur les marchés (ces places des villes et des villages où la population venait s’approvisionner), le peuple alerta les autorités locales qui en référèrent au sommet. « Il n’y a pas lieu de tenir compte des murmures du peuple. Il faut qu’il comprenne, au contraire, que son opposition, ses mouvements et ses violences ne serviront qu’à faire prendre les mesures les plus efficaces pour le contenir » répondit Turgot. A Paris, au lendemain du décret, il avait fait vider tous les greniers, privant la capitale, à l’entrée des mauvais jours, du seul moyen de faire face à la disette, et de faire pression à la baisse en cas de hausse des prix. Ceux-ci, bêtement, continuèrent de monter. Au printemps, le pain était deux fois plus cher que ce que les trois quarts du peuple pouvaient le payer. Et les greniers étaient vides. La faim apparut. Avec elle la colère. Sur les marchés, le peuple prétendait payer son pain le même prix qu’avant. Un prix taxé, fixé, honnête. Un prix qui permettait à tout le monde de vivre. On sortit les bâtons dont on menaça les meuniers qui refusaient de céder la marchandise à ce prix-là. [...] La Guerre des Farines, authentique répétition générale de la Révolution, gagnait de ville en village. Personne ne criait contre le roi, on voulait du pain à prix honnête, c’est tout. Là où le blé fut saisi, on laissait sa part au producteur et on n’oubliait pas d’en laisser par terre pour les glaneurs. Économie morale, populaire, solidaire, qui voulait le bien commun et s’opposait à la logique marchande. La tradition, et tout un arsenal juridique multiséculaire que Turgot venait d’abolir, voulait que le marché soit le lieu où se vendait le grain, priorité absolue étant donnée aux habitants. Seul le surplus, une fois la population servie, pouvait être « exporté ». Durant ces deux mois incertains, les taxateurs imposèrent cette loi antique et royale en interceptant les convois de grains qu’ils voyaient partir. Rien ne fut volé, tout fut payé, et payé « au bon prix », celui qui permettait aux plus pauvres de se nourrir avec leur salaire, sans voler, sans mendier, sans tendre la main. Hors de lui, Turgot fit le choix de l’infamie. Comme on lui demandait comment un ouvrier pourrait nourrir ses enfants si son salaire ne lui suffisait plus, il répondit que ces derniers n’avaient qu’à se nourrir eux-mêmes : Turgot fut le promoteur du travail des enfants. Le même jour, le 1er mai 1775, il mobilisait l’armée pour la protection des convois de grains, et deux jours plus tard il proclamait la loi martiale : quiconque s’opposerait à la liberté des prix était désormais passible de la peine de mort. »
Ainsi, avec une simple mesure, la libre circulation des subsistances, les besoins de l'homme ne sont plus la priorité, qui entraine aussitôt une augmentation des prix, et l'insuffisance du salaire d'une partie du peuple, par rapport au nouveau coût de la vie. En quoi la hausse du prix des subsistances, et la mise au travail des femmes et des enfants, dans le but de pouvoir survivre, furent révélatrices d'un progrès social, si avant cela, le salaire de l'homme suffisait à subvenir au besoin de sa famille.
« L’échec de Turgot fut très relatif, puisque tout son système fut appliqué à la lettre quatorze ans plus tard, et qu’il a fait depuis le tour du monde. Il avait mis en pratique les préceptes développés par Quesnay et Le Mercier de la Rivière, tous deux véritablement à l’origine des théories physiocratiques. Il importe de savoir que le premier avait autant d’autorité à parler d’économie qu’il en eut à pratiquer la médecine. On sait qu’il soignait la marquise par des tisanes, et la seule expérience « scientifique » qu’il tenta fut de mettre à sécher un morceau de viande et de constater qu’elle avait perdu cinq sixièmes de son poids. Quant à Le Mercier, il inventa son système en observant la société esclavagiste dont il avait la charge, puisqu’il était intendant de la Martinique. Un charlatan et un négrier avaient théorisé la manière de renverser l’ordre ancien. Un intellectuel dogmatique et coupé des réalités sociales entreprit de la mettre en pratique. Un roi trop jeune et mal préparé à régner tenta l’expérience. Quand il comprit, le mal était fait et les idées nouvelles, propagées par les encyclopédistes, passaient pour des vérités révélées qu’une Église à genoux ne pouvait plus combattre. La suite est l’histoire d’un autre monde. Celui dans lequel nous vivons. »
Plus on connait la véritable politique mise en œuvre par les Lumières, plus il est difficile d'y trouver de l'humanisme.
Un enseignement important de ce constat, est que la morale est liée à la politique, par conséquent une politique dé-spiritualisée, équivaut à une dépravation des mœurs au sein de la société.
« Il est certain que les peuples sont, à la longue, ce que le gouvernement les fait être. »
Ce qui rejoint l'idée également qu'il n'y a pas de véritables différenciations entre le peuple et les élites, lorsque ces dernières sont corrompues, la société dysfonctionne, et dans le peuple se reflète l'absence morale de celui qui le gouverne. Nous savons que le pouvoir a toujours eu des effets négatifs sur l'homme, d'ailleurs de nos jours, les dirigeants politiques sont si vite corrompus et trahissent si vite leurs promesses que cela en devient inquiétant.
Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. La course aux richesses vous distrait, jusqu'à ce que vous visitiez les tombes. Mais non ! Vous saurez bientôt ! (Encore une fois) ! Vous saurez bientôt ! Sûrement! Si vous saviez de science certaine. Vous verrez, certes, la Fournaise. Puis, vous la verrez certes, avec l'œil de certitude. Puis, assurément, vous serez interrogés, ce jour-là, sur les délices.
بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَٰنِ الرَّحِيمِ أَلْهَاكُمُ التَّكَاثُرُ
حَتَّىٰ زُرْتُمُ الْمَقَابِرَ
كَلَّا سَوْفَ تَعْلَمُونَ
ثُمَّ كَلَّا سَوْفَ تَعْلَمُونَ
كَلَّا لَوْ تَعْلَمُونَ عِلْمَ الْيَقِينِ
لَتَرَوُنَّ الْجَحِيمَ
ثُمَّ لَتَرَوُنَّهَا عَيْنَ الْيَقِينِ
ثُمَّ لَتُسْأَلُنَّ يَوْمَئِذٍ عَنِ النَّعِيمِ
Les Lumières ont contribué à la mise en place d'un élitisme institutionnel, tout d'abord au niveau économique, en promouvant le libre-échange capitaliste, et permettant aux marchands de s'enrichir au détriment du peuple . Puis en apportant un système de gouvernance représentative, transférant la souveraineté du peuple à quelques élus. Enfin, cet enrichissement, appellera un enrichissement bien plus grand par l'asservissement et le commerce des hommes, notamment à travers l'esclavage.
Égocentrisme, Ethnocentrisme et Racisme des Lumières ?
L'inégalité entre les hommes est un sujet passionnant qui va préoccuper nos Lumières. Encore faut-il que l'on définisse clairement ce qu'est conceptuellement l'égalité et ce qu'est l'homme, deux concepts tronqués, dont se défendront bien d'éclaircir les Lumières.
Ethnocentrisme : Comportement social et attitude inconsciemment motivée qui conduisent à privilégier et à surestimer le groupe racial, géographique ou national auquel on appartient, aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les autres peuples.
Rousseau conclura dans son Discours sur l'Origine et les Fondements des Inégalités parmi les Hommes, qu'elle commença le jour où l'homme s'appropria son propre terrain.
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire « Ceci est à moi », et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. »
Philosophe génial, certes, mais comme l'ensemble de ses contemporains, très évasifs sur la question de l'esclavage établit sur l'homme noir, dans les colonies françaises.
Les Lumières ont été fustigés par les historiens de la contre histoire officielle, pour leur propos raciste. Voltaire n'y échappe pas, celui qu'on nous présente comme le pourfendeur de l'esclavagisme . Dans le Traité sur la Tolérance, Essais sur les Mœurs et les Nations, et Traité de Métaphysique, il est clair que Voltaire développe des idées racialistes.
« Enfin je vois des hommes qui me paraissent supérieurs à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce. »
« Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses… des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce. »
Les défenseurs de Voltaire se plaisent à évoquer l'ironie pour ses propos racistes à l'intérieur de ses textes philosophiques, et nous présente Candide, une fable, qui serait une preuve de ses positions antiesclavagiste !
Mais on retrouve ce racialisme chez la plupart des philosophes des Lumières dans toute l'Europe. Le cadre de réflexion des Lumières est très ethnocentrique, c'est-à-dire qu'ils ont pensé le monde en fonction de leur norme civilisationnel. Ce qui est contraire à l'humanisme. L'humanisme est une véritable décentration de la place de l'homme occidentale dans l'humanité, alors que l'antihumanisme des Lumières, n'est qu'un repositionnement de l'image de l'homme blanc.
« Je suspecte les Nègres et en général les autres espèces humaines d’être naturellement inférieurs à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nation civilisée d’une autre couleur que la couleur blanche, ni d’individu illustre par ses actions ou par sa capacité de réflexion. Il n’y a chez eux ni engins manufacturés, ni art, ni science. [...] Sans faire mention de nos colonies, il y a des Nègres esclaves dispersés à travers l’Europe, on n’a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence. »
La plupart des naturalistes à l'époque des lumières, ont classé et même hiérarchisé les hommes en fonction de leur apparence et leur lieu géographique. Les pensées naturalistes les plus influentes sur la pensée des Lumières sont celles de Linné et de Buffon.
Le naturaliste suédois Carl von Linné distingue en 1758, quatre races différenciées au sommet de l’ordre des « anthropomorpha » (les futurs primates) : Européens, Américains (nous dirions aujourd'hui Amérindiens), Asiatiques et Africains.
Le naturaliste français Buffon reprend les idées de Maupertuis selon lesquelles le blanc serait la couleur originelle de l’homme, et ses colorations sombres auraient été le produit d’une dégénérescence partielle due à l’éloignement de la zone climatique tempérée.
L'article HUMAINE ESPECE dans l'Encyclopédie, rédigé par Diderot, démontre clairement l'anti-universalisme de la pensée des Lumières, et l'influence des naturalistes cités.
HUMAINE ESPECE : [...] « L'odeur de ces Negres du Sénégal est moins forte que celle des autres Negres.[...] Quoi qu'en général les Nègres aient peu d'esprit, ils ne manquent pas de sentiment. Ils sont sensibles aux bons et aux mauvais traitements. Nous les avons réduits, je ne dis pas à la condition d'esclaves, mais à celles de bêtes de sommes; et nous sommes raisonnables ! Et nous sommes chrétiens ! [...] Le blanc paroît donc être la couleur primitive de la nature, que le climat, la nourriture & les mœurs alterent, & font passer par le jaune & le brun, & conduisent au noir. »
Pour faire un peu de sciences, la découverte des Amérindiens posa un autre problème aux occidentaux, celle de la filiation avec Adam et Eve. Puisqu'en effet, à cette époque, il n'avait aucune idée de la dérive des continents, mais surtout, les représentations d'Adam et Eve peignant un couple blanc européen, induisaient l'esprit occidental en erreur. Adam étant considéré comme le premier des prophètes, en islam, l'interdiction de la représentation imagée des prophètes, s'explique par cette conséquence, qui conduit à l'anti-universalisme.
Cela fit naître de nouvelle théorie, comme le polygénisme, l'idée selon laquelle Adam et Eve n'auraient pas été le seul couple originel, mais qu'il y en aurait eu plusieurs autres, à l'origine de chaque race. Le polygénisme est la pierre angulaire de toutes les théories racistes. D'ailleurs, certaines de ces théories, disent qu'Adam et Eve correspondent à la race juive, et que tous les autres descendent d'autres couples de Gentils, ce qui correspond à une vision judéocentriste. Tout ceci est l'opposé du monogénisme qui stipule que toutes les variétés des hommes sont les descendants d'un seul et même couple originel.
Et c'est Lui qui vous a créés à partir d’une personne unique (Adam). Et il y a une demeure et un lieu de dépôt (pour vous.) Nous avons exposé les preuves pour ceux qui comprennent !
وَهُوَ الَّذِي أَنشَأَكُم مِّن نَّفْسٍ وَاحِدَةٍ فَمُسْتَقَرٌّ وَمُسْتَوْدَعٌ ۗ قَدْ فَصَّلْنَا الْآيَاتِ لِقَوْمٍ يَفْقَهُونَ
Les défenseurs des Lumières nous diront qu'il faut faire l'effort de comprendre le contexte de l'époque, ainsi le racialisme serait plus compréhensible, et qu'on ne pourrait demander aux Lumières de partager des valeurs éthiques qui ne seraient que récentes. Or, la réalité, et qu'il y avait bien des raisons de s'insurger devant ces propos, car Bartolomé de Las Casas, prêtre et historien espagnol, s'était déjà fait le défenseur des Amérindiens, au XVIème siècle, et fut le premier en Europe à mentionner l'humanité de ces derniers, ainsi que leur capacité à recevoir la grâce de Dieu. Argument repris par le pape Paul III dans une de ces lettres de 1537, appelé Veritas ipsa, et enfin qui conduira à la controverse de Valladolid.
« La Vérité elle-même, qui ne peut ni tromper ni se tromper, a dit clairement lorsqu'elle destinait les prédicateurs de la foi au ministère de la parole: « Allez enseigner toutes les nations ». Elle a dit toutes, sans exception, puisque tous les hommes sont capables de recevoir l'enseignement de la foi. Ce que voyant, le jaloux adversaire du genre humain, toujours hostile aux œuvres humaines afin de les détruire, a découvert une nouvelle manière d'empêcher que la parole de Dieu soit annoncée, pour leur salut, aux nations. Il a poussé certains de ses suppôts, avides de satisfaire leur cupidité, à déclarer publiquement que les habitants des Indes occidentales et méridionales, et d'autres peuples encore qui sont parvenus à notre connaissance ces temps-ci, devaient être utilisés pour notre service, comme des bêtes brutes, sous prétexte qu'ils ne connaissent pas la foi catholique. Ils les réduisent en esclavage en leur imposant des corvées telles qu'ils oseraient à peine en infliger à leurs propres animaux domestiques. Or Nous, qui, malgré notre indignité, tenons la place du Seigneur sur terre, et qui désirons, de toutes nos forces, amener à Son bercail les brebis de Son troupeau qui nous sont confiées et qui sont encore hors de Son bercail, considérant que ces Indiens, en tant que véritables êtres humains, ne sont pas seulement aptes à la foi chrétienne, mais encore, d'après ce que Nous avons appris, accourent avec hâte vers cette foi, et désirant leur apporter tous les secours nécessaires, Nous décidons et déclarons, par les présentes lettres, en vertu de Notre Autorité apostolique, que lesdits Indiens et tous les autres peuples qui parviendraient dans l'avenir à la connaissance des chrétiens, même s'ils vivent hors de la foi ou sont originaires d'autres contrées, peuvent librement et licitement user, posséder et jouir de la liberté et de la propriété de leurs biens, et ne doivent pas être réduits en esclavage. Toute mesure prise en contradiction avec ces principes est abrogée et invalidée De plus, Nous déclarons et décidons que les Indiens et les autres peuples qui viendraient à être découverts dans le monde doivent être invités à ladite foi du Christ par la prédication de la parole de Dieu et par l'exemple d'une vie vertueuse. Toutes choses passées ou futures contraires à ces dispositions sont à considérer comme nulles et non avenues. Donné à Rome, le 2 juin de l'année 1537, troisième de Notre Pontificat. »
Cette lettre dénonçait déjà clairement l'asservissement et l'esclavage, comme étant des traitements inhumains. Cette lettre, datée de la première partie du XVIème siècle pourrait en surprendre plus d'un. Puisqu'elle évoque surtout l'égalité entre tous les hommes indépendamment de leur couleur.
L'humanité des hommes noirs fut longtemps déniée par les philosophes des Lumières, qui n'étaient donc pas encore rentrés dans la Vérité. Mais on comprendra vite, par les arguments d'avidités et d'égoïsmes, comment ils se justifiaient à travers leur morale élitiste, et pourquoi il en demeurait ainsi .
D'autres éléments, comme le témoignage d'Omar Ibn Said, un érudit musulman dans la région de l'actuel Sénégal, qui va finir sa vie en tant qu'esclave aux Etats-Unis, démontre que le racialisme n'avait pas lieu d'être. Il est la preuve qu'il y avait d'autres civilisations en Afrique noir durant l'esclavagisme, et qu'il ne s'agissait pas de simples « sauvages », Omar Ibn Said savait lire et écrire .
Concernant le Code Noir, rédigé au XVIIème siècle et publié par un édit de Louis XIV en 1685, a été appliqué durant le Siècle des Lumières, et même un demi-siècle après la Révolution Française. Il fut un ensemble de textes juridiques, rendant légitime et régulant l'esclavage. L'esclave est considéré comme une chose, sans caractéristique humaine, et concerne principalement, pour ne pas dire complètement, l'homme noir. Louis Sala-Molins, professeur émérite de philosophie politique à Paris-I, auteur du l'ouvrage Le Code Noir ou le Calvaire de Canaan, estime que le Code noir est « le texte juridique le plus monstrueux qu'aient produit les Temps modernes » .
« XLIV. Déclarons les Esclaves être meubles, et comme tels entrer en la Communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, et se partager également entre les cohéritiers sans préciput, ni droit d’aînesse ; n’être sujets au douaire Coutumier, au Retrait Féodal et Lignager, aux Droits Féodaux et Seigneuriaux, aux formalités des Décrets, ni au retranchement des quatre Quints, en cas de disposition à cause de mort, ou testamentaire. »
Malgré certaines déclarations douteuses anti-esclavagistes des Lumières, c'est-à-dire, non dépourvues d'intérêt, il reste assez étrange qu'il y ait si peu, voire pas du tout de dénonciation du Code Noir.
« On ne peut se mettre dans l'idée que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. (...) Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. »
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. »
Il faudra attendre donc 1848, pour l'abolition de l'esclavage en France, mais l'homme noir n'est encore qu'un sous-homme, il passe de l'état de chose à l'état d'outil humain, tout au plus devient domestique. L'égalité légale en droit entre l'homme noir et l'homme blanc n'est, en vérité, que très récente en Occident, elle date seulement du siècle passé, bien qu'on en ait encore du mal à le croire. Puisqu'en effet, au niveau des sciences naturalistes, la hiérarchisation et le classement des races, ne fut remis en cause qu'à la fin du XIXème siècle, et difficilement.
Il suffit de voir la page Wikipédia de l'abolition de l'Esclavage, pour constater encore l'ethnocentrisme et le racisme de notre civilisation. Tout d'abord, l'Occident semble être la seule civilisation, à avoir justifié l'esclavage au travers de la couleur de peau. Ensuite, on remarquera que la civilisation islamique n'est pas mentionnée dans l'émancipation des esclaves, car l'abolition de l'esclavage consiste précisément à interdire légalement l'esclavage, ce que firent le Coran et le prophète, et ce qui se matérialisera concrètement politiquement avec Omar ibn al-Khattâb, durant le second califat.
« Le messager d’Allah (ﷺ) n’acceptait pas qu’on méprise quelqu’un ou qu’on insulte un homme, qu’il soit présent ou absent. Un jour les compagnons se réunirent dans l’une de leurs assemblées en l’absence du messager d’Allah (ﷺ). S’y trouvait Khalid ibn Walid, Abdou Rahman ibn Awf, Bilal ibn Rabâh, Abû Dzar Al-Guifâri qui sont tous de grands et nobles compagnons. Il n’y avait dans cette assemblée qu’un seul Noir, Bilal l’Abyssin. Abû Dzar était véhément et agressif de par sa nature. Les gens discutèrent d’un sujet banal, Abû Dzar fit une intervention et fut contredit par Bilal. Même toi fils de négresse, reprit Abû Dzar, tu oses me contredire ? Bilal troublé, fâché et attristé se leva et dit : Je jure par Allah que je porterai cette affaire auprès du messager d’Allah (ﷺ). Il se retira et se rendit chez le messager d’Allah (ﷺ) à qui il relata le propos tenu par Abû Dzar. Le visage du messager d’Allah (ﷺ) changea. Abû Dzar, informé, se retira et se rendit précipitamment à la mosquée. Lorsqu’il entra il salua le Prophète (ﷺ) en ces termes : Que la paix soit sur vous ô messager d’Allah (ﷺ). J’ignore, ajouta-t-il, s’il a répondu ou non à la salutation de par l’intensité de la colère [qu’il avait en lui]. Le messager d’Allah (ﷺ) dit : Ô Abû Dzar tu l’insultes en évoquant sa mère ? Tu es un homme chez qui il y a un reste de sentiment antéislamique. Abû Dzar fondit en larme puis s’agenouilla et dit : Ô messager d’Allah (ﷺ), implore le pardon d’Allah pour moi. Il sortit de la mosquée en pleurant et Bilal le croisa. Lorsqu’Abû Dzar vit ce dernier, il plaça sa tête sur le chemin, enfonça sa joue dans la poussière et lui dit : Ô Bilal, je jure par Allah que je ne sortirais pas ma tête de cette poussière jusqu'à ce que tu la piétines, car tu es noble et moi je suis méprisable. Bilal à son tour se mit à pleurer puis se rapprocha d’Abû Dzar et de sa bouche, embrassa sa joue et dit : « Le front qui se prosterne devant Allah ne doit pas être piétiné au contraire il doit être embrassé ». Qui est donc cet homme pour qui le messager d’Allah (ﷺ) se mis en colère, au point qu’Abû Dzar douta de savoir si le prophète (ﷺ) avait répondu à sa salutation ou pas ? »
L'idée, d'inscrire dans la loi que tout homme à les mêmes droits, et que nous soyons obligés d'y préciser à l'intérieur de celle-ci, indépendamment de la race, indépendamment de la religion, démontre que la notion d'humanité en occident n'est pas encore acceptée définitivement d'un point de vue universaliste, et ces formulations trahissent les pensées et les constructions idéologiques de notre histoire.
En vérité, les Lumières n'ont contribué qu'à propager une vision pessimiste de l'homme, qu'on retrouvera par ailleurs plus tard avec le Darwinisme, et avec le Freudisme élitiste, en s’intéressant uniquement à ce que l'homme possède de plus vil en lui. C'est pertinemment pour les mêmes raisons que ces personnages ont été mis sur le devant de la scène, ils s'attaquent aux conceptions de la religion, bien qu'ils n'aient peu de compétences dans ce domaine.
Égocentrisme : Déformation du moi, involontaire et inconsciente, consistant à n'envisager le point de vue ou l'intérêt des autres qu'à partir du sien propre.
Pensant alors que l'homme noir était l'homme primitif, moins évolué, l'idée d'en être les descendants, ou même leur frère en humanité, selon la religion, les dégoutaient au plus haut point, jusqu'à se construire psychiquement un dégoût pour eux même. Les idées polygénistes se retrouvent dans leur pensée, racialiste, hiérarchique, l'idée également que nous sommes descendant de singes, toutes ces choses sont des constructions psychiques spéculatives du rejet de l'homme noir comme frère en humanité de l'homme blanc.
La « Vénus Hottentote » dont le corps a été exposé dans les musées français pendant près de deux siècles, traduit cette manière dont les élites européennes considérées ce qu'ils appelaient les races inférieurs.
Pour promouvoir le Darwinisme, on exposa au zoo du Bronx de New York, Ota Benga, un jeune pygmée congolais, considéré par les scientifiques comme la transition entre l'homme et le singe .
Pour certains, comme l'historien français Léon Poliakoff, cela va encore plus loin, puisque cet élitisme racialiste des philosophes des Lumières, serait à l'origine de la pensée nazi en Europe.
N'oublions pas l'épisode du colonialisme, qui est le fruit du développement de la pensée des Lumières dans sa continuité.
« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... »
Nous avons tous était confronté à ce texte durant notre cursus scolaire, et l'école Républicaine (Laïque), s'est efforcée de nous faire comprendre, que ce genre de discours était normal dans son contexte historique !
La même année, s'organisera la conférence de Berlin, qui a été la collaboration européenne pour le partage et la division de l’Afrique. Il faut bien comprendre que tout ceci n'a été institué que par une poignée d'hommes, à majorité franc-maçonne, et que les peuples d'Europe sont pris en otage, impuissants face à ces décisions.
« Mais qu’est-ce donc que Voltaire ? Voltaire, disons-le avec joie et avec tristesse, c’est l’esprit français. Entendons-nous, c’est l’esprit français jusqu’à la Révolution exclusivement. A partir de la Révolution, la France grandissant, l’esprit français grandit, et tend à devenir l’esprit européen. Il est moins local et plus fraternel, moins gaulois et plus humain. Il représente de plus en plus Paris, la ville cœur du monde. »
« Au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. »
Contrairement à ce que pouvait penser Victor Hugo, Voltaire n'est pas l'esprit français. Dans les déclarations de Victor Hugo, défenseur de Jules Ferry, on retrouve tout l'ethnocentrisme, l'élitisme, le racialisme et les références aux Lumières . Ceci n'est la conséquence que de l'arrogance, et d'un sentiment de supériorité, qui à cette époque, commence déjà à être reproché d'ailleurs au nationalisme !
« Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. »
On a colonisé au nom de la civilisation des Lumières, pensée comme supérieure par ces représentants. Aujourd'hui, nos élites, qu'elles s'en réclament, généralement de gauche dans le fond, mais peu de distinctions fondamentales avec la droite dans la forme, ont encore des marqueurs de cet ethnocentrisme dans leur discours, qui ne sont en réalité qu'un suprématisme refoulé.
Un bon nombre d'éléments sont occultés dans l'histoire officielle occidentale, ce qui montre encore la gêne de la question, de la légitimité du noir comme égale de l'homme blanc. Par exemple toutes les inventions de l'homme noir ne sont jamais mises sur le devant de la scène.
Lewis Howard Latimer inventeur afro-américain, a breveté le filament de carbone qui était utilisé auparavant pour les lampes à incandescence. L'ampoule inventée par Thomas Edison n'aurait jamais pu voir le jour sans le filament de carbone de Lewis Howard Latimer.
Les découvertes en archéologie ont démontré que les premiers Homo sapiens ont vécu sur le continent africain, ce qui revient à dire, si l'on situe dans le cadre évolutionniste, que l’intelligence est née d'un homme noir. Ce qui revient également à dire que nous sommes tous des descendants de l'Afrique.
La découverte des Os d'Ishango dans l'ancien Congo belge, datés d'environ 20 000 ans, pourraient représenter le plus ancien témoignage de la pratique de l'arithmétique dans l'histoire de l'humanité. On les a considérés d'abord comme des bâtons de comptage, mais certains scientifiques pensent qu'il s'agirait d'une méthode bien plus avancée que cela.
Certains de ces exemples exposent le fait que l'on pouvait déjà démontrer qu'il n'y avait pas, qu'il n'y a pas, et qu'il n'y aura jamais, ni de civilisations, ni de races supérieures ; et que tout ceci n'est dû qu'à des constructions théoriques spéculatives, initiés par les naturalistes du XVIIIème, qui fait que la population occidentale, a aujourd'hui du mal à raisonner en dehors de catégories bien définies.
On fera remarquer également que l'ethnocentrisme est l'inverse de l'universalisme, ce qui peut en dire long sur la pensée des Lumières, et ses contradictions.
Le processus normal vers plus d'humanité consiste à aller vers une décentration de l'homme pour avoir une vision plus objective, réelle et complète du monde. Encore une fois, et nous y reviendrons surement, il n'y a qu'en faisant fonctionner et évoluer sa perception interne du monde, que la décentration psychique est possible. Or, les Lumières ont renversé cet ordre, car, bien qu'aujourd'hui l'homme noir est considéré comme un être humain fort heureusement, mais fort tardivement en Occident, et jamais de façon totalement désintéressé, si l'on regarde sur d'autres plans que celui de la fraternité, certaine vision du monde ont malheureusement bien reculé.
Déclaration des Droits de l'Homme et l'Illusion du Progrès ?
Si l'on continue notre histoire des Lumières, nos philosophes éclairants auraient été à l'origine de la Révolution Française, à partir de 1789 ; évènement connu mondialement, dont la prise de la Bastille par le soit disant peuple à l'unanimité, entrainant le renversement de la monarchie absolue, marquant alors la fin de l'Ancien Régime.
Elle fera naître la Déclarations des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) établissant alors des droits naturels pour l'homme.
Revenons sur l'Ancien Régime, il était composé de trois Ordres : la Noblesse, le Clergé et le Tiers-États.
- La Noblesse correspond à l'ordre des guerriers, c'est-à-dire, ceux qui combattent (bellatores), mais surtout défendent les deux autres ordres en leur apportant sécurité.
- Le Clergé représente les prêtres, ceux qui prient (oratores), qui sont chargés du culte, de l'état civil, de l'instruction publique, mais également de toutes les fonctions d'assistance sociale et médicale.
- Enfin, le Tiers-État, correspond au reste du peuple qui travaille (laboratores), mais surtout ceux qui assurent la gestion des ressources et nourrissent les deux autres ordres.
« Un système à la fois sacré et pratique, fait de hiérarchie et de réciprocité où le guerrier sécurise le prêtre et le travailleur ; le travailleur nourrit les deux en échange de sa sécurité ; tandis que le prêtre, [...] est spécifiquement en charge du trésor spirituel. Ce qui implique, outre les rites et la théologie codifiant la révélation, la conservation du savoir, les soins aux malades, la charge des faibles et des indigents, soit — et c'est là que se situe le retour du don — l'éducation, la médecine et la charité. »— Alain SoralLa société d'ordres de l'Ancien Régime était un modèle d'organisation tripartite, dont la distinction sociale était avant tout fondée sur la dignité et l'honneur, et non sur l'argent comme de nos jours. Ce qui permet l'interdépendance, la cohésion, la recherche du bien commun, et des inégalités très restreintes.
La révolution ne sera que la mise en application des illusions cognitives préparées par les philosophes des Lumières, en vue de détruire cette structure sociale.
Première illusion : l'abolition des privilèges du 4 août 1789.
Il faut savoir que les privilèges correspondent aux lois particulières des différents ordres, et contrairement aux idées reçues, le Tiers-État avait aussi ses privilèges. Le privilège n'est rien d'autre qu'un droit permettant la justice, afin de compenser les désavantages naturels. Les privilèges étaient valorisés durant le Moyen-Age, et il faudra attendre les Lumières, pour qu'ils y introduisent une connotation négative à travers l'encyclopédie, notamment, grâce à une propagande intensive, dans le but de faire croire que la Noblesse, et surtout le Clergé, était les seuls ordres privilégiés.
PRIVILEGE, s. m. (Gramm.) avantage accordé à un homme sur un autre. Les seuls privileges légitimes, ce sont ceux que la nature accorde. Tous les autres peuvent être regardés comme injustices faites à tous les hommes en faveur d'un seul. La naissance a ses privileges. Il n'y a aucune dignité qui n'ait les siennes; tout a le privilege de son espece & de sa nature.Privilège : [Sous l'Ancien Régime] Droits, avantages matériels ou honorifiques, concédés à certaines personnes en raison de leur naissance, de leurs fonctions, de leur appartenance à certains corps (magistrature, clergé, corporations), ainsi qu'à certaines institutions, certaines villes ou provinces.Si l'on supprime les privilèges, et que l'on nous garantit — comme le fait si bien, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen — que nous naissons libres et égaux, — devant la loi — alors on obtient l'image de gauche, qui correspond à de l'injustice par de l'égalité en droit, simplement parce que nous ne naissons pas libres et égaux devant la nature. En revanche, si l'on garantit des privilèges à ceux qui sont désavantagés naturellement, dans une situation donnée, on construit une inégalité réciproque au désavantage, soit un privilège, afin d'obtenir le résultat d'une justice (image de droite). La justice est avant tout l'égalité comme finalité et non comme moyen.
« Il n'y a pas de pire injustice que de traiter également des choses inégales. »— AristoteLa répartition équitable des biens est une illusion de l'égalité, sur laquelle ont joué les acteurs de la Révolution, puisqu'en effet, dans l'image de gauche, on ne peut que constater, sans regarder la dimension humaine, que la répartition des biens est équitable, alors que dans celle de droite, semblerait injuste. Lorsqu'on enlève la dimension morale et humaine du droit, on ne prend pas en considération les états initiaux naturels et les conséquences. Ainsi, le principe d'égalité est respecté par le bien acquis (l'avoir), mais pas en tant que justice pour l'homme (l'être).
Un droit est un privilège. L'abolition des privilèges correspond à la fin d'une justice égalitaire, et revient à la mise en application de la loi du plus fort.
Deuxième illusion : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) et l'Égalité.Première remarque importante, il y a une distinction entre les droits de l'homme et ceux du citoyen. On peut déjà s'interroger sur cette distinction. Sans compter les colonies et le code noir toujours appliqué, cela évoque une vision réductionniste de l'homme. Karl Marx, va jusqu'à dire qu'il est question de l'homme égoïste de la société bourgeoise . Le Bourgeois se perçoit comme l'homme se détachant de l'homme, selon lui.
Puisqu'en effet, où était cette société bourgeoise durant l'Ancien Régime ? Elle était dans le Tiers-États, soit une partie du peuple. Elle sera à l'origine de la Révolution, et parlera au nom du peuple, dont la légitimité représentative reste controversée. La Bourgeoisie montante correspondait à cette partie du Tiers-État, qui avait des revenus assez élevés, s'éloignant des métiers manuels de la paysannerie, et s'implantant dans les milieux plus urbains de la gestion de l'économie, du commerce et de la finance. Cette Bourgeoisie voulait son propre ordre, et l'obtiendra officieusement après la Révolution, par la dissolution de la Noblesse et du Clergé.
Droit : Fondement des règles régissant les rapports des hommes en société, et impliquant une répartition équitable des biens, des prérogatives et des libertés.Naître libre et égaux en droit, tel établit par le premier article de la DDHC, pourrait nous laisser présupposer que ce ne fut point le cas sous l'Ancien Régime.
Mais pour revenir, sur un point de vue plus spirituel, si l'on regarde la définition du mot Droit, on remarque qu'elle est équivalente à celle de Morale. Dans cette période historique trouble, tout ce qui va être inversé, va l'être au niveau moral et métaphysique. Autrement dit, les philosophes des Lumières ont pour cible l'ordre du Christianisme, et de la monarchie, mais surtout l'idéologie naturelle, présente dans toutes les religions révélées.
Puisqu'à partir de la DDHC, ce ne seront plus les règles de la morale qui régiront les rapports humains en société, mais celle du droit établi, d'une part par les hommes, et d'autre part, par le pouvoir en place, qui pour la première fois depuis l'arrivée du Christianisme, s'inscrit dans l'idéologie inverse de la religion révélée. Le déni de la bonté naturelle de l'homme, déni de l'amour naturel, l'homme créé des liens superficiels entièrement basés sur ses intérêts premiers, et non sur ses affinités naturelles .
Non seulement la morale est attaquée, mais dorénavant, c'est le pouvoir qui pourra définir ce que contient la nouvelle morale, indépendamment de la religion révélée. Et pour ce faire, ils dévieront les définitions d'égalité, de liberté et de fraternité, qui selon les articles de la DDHC, ne peuvent être déterminées que par la loi. La loi n'est plus immuable.
« Article 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »On peut citer la devise Française, Liberté, Égalité et Fraternité, qui prit naissance à cette période historique. Trois concepts premiers métaphysiques, magnifiques en apparence, mais il est facile de faire dire aux choses ce que l'on souhaite. Le mot Égalité ne devient qu'un socle dans lequel toute une idéologie peut se dissimuler, comme nous avons pu le voir avec l'abolition des privilèges.
Rappelons que c'est également au XVIIIème siècle qu'une partie de la Franc-Maçonnerie, c'est enraciné en France. Elle est à l'origine du projet encyclopédique et on remarquera alors que cette devise : Liberté, Égalité et Fraternité, sera clamée par la confrérie maçonnique, à laquelle elle s'attache encore aujourd'hui .
Bien pire que tout cela, dans le préambule de la DDHC, y est fait mention que ces droits, pourtant œuvre des hommes, seraient naturels, inaliénables, sacrés, et que si malheur de la société il y a, cela ne serait qu'une absence du respect de ces droits. Il évoque également clairement un Être suprême, sur lequel on reviendra.PREAMBULE : Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être Suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen .La DDHC est clairement un nouveau dogme, extrêmement clivant, puisque non-naturels en réalité, mais artificiel.
Troisième illusion : Dissolution du clergé donc fin des hostilités contre le christianisme.
En réalité, c'est bien entendu la fin de l'anticléricalisme, mais c'est le début d'un combat offensif, agressif, actif et efficace, envers les valeurs chrétiennes au sein de la société, par le nouveau pouvoir laïque. Combat qui continuera pendant deux siècles jusqu'à nos jours, dans le but de renverser les valeurs de la civilisation chrétienne. Inutile de préciser que parmi les Lumières les plus influentes, comme Condorcet, Voltaire, Turgot, Diderot, y régnait une haine du Christianisme que l'on retrouve à travers leurs écrits. « Le colosse », « l'infâme », « le monstre », sont des termes péjoratifs que l'on retrouve à de nombreuses reprises chez les Lumières, désignant l'Église, et démontrant leur volonté de destruction.
Revenons sur l'ineptie de formuler certains droits et certaines lois, démontrant le déni de la bonté naturelle des hommes. Il s'agit d'élitisme pur. Le droit de vote pour les noirs, le droit de vote pour les femmes, les droits pour le peuple sans distinction, doivent être formulés à l'intérieur de textes législatifs, et qui viendront bien après la DDHC. Ce qui laisse bien entrevoir la pauvreté de la conception de l'humain au sein des Lumières, et que derrière ces textes se cachent une certaine élite, qui donne l'illusion du pouvoir au peuple, en laissant croire au progressisme de la multiplication des lois ou des réformes. Sans cette minorité d'élites déviantes, les droits naturels n'auraient pas besoin d'être formulés.
Selon Régine Pernoud, historienne médiéviste, auteur de La femme au temps des cathédrales, la femme avait le droit de vote au Moyen-Age en France . Il aurait été supprimé à la fin du XVème siècle. Il faudra attendre 1936, le siècle dernier seulement pour que l'idée de donner le suffrage universel aux femmes soit évoquée, mais ce fut également le cas pour les droits civiques des hommes noirs.
Quatrième illusion : La Révolution signe la fin de la Monarchie, donc la fin du pouvoir religieux.
Tout le monde comprend qu'il y a évidemment un tournant religieux en Occident à cette époque, et un déclin du Christianisme face à l'idéologie de la Raison. Cependant, on est encore loin de mettre fin aux superstitions et aux croyances de l'homme, et c'est bien l'inverse qui se manifestera. S'il y a bien une chose qui s'est révélée ces deux derniers siècles, c'est la croyance grandissante en des choses irrationnelles. L'homme est fait pour croire, et s'il ne croit pas en Dieu, il risque de croire en quelque chose de plus irrationnelle que jamais. Croire en la Raison ne fait pas de vous un être rationnel, loin de là, cela serait trop simple, encore faut-il savoir ce qu'est la raison. La raison n'est pas la simple pensée. Un religieux peut croire en l'existence de la raison (sans la diviniser) en même temps que celle de Dieu, comme nous avons pu déjà le démontrer, et comme l'intitulé de notre ouvrage le prouve.
N'oublions pas que le noyau dur des Lumières françaises avait quitté ce monde avant la Révolution, il fallait donc une certaine élite pour poursuivre cette œuvre ; rien n'arrive par hasard. Cette idéologie de la Raison émane clairement de la Franc-maçonnerie, nous aurons l'occasion de revenir sur cette organisation particulière qui a également joué un rôle plus qu'important dans la Révolution. Pour le comprendre, il faut lire John Robison, lui-même Franc-Maçon, décida de s'en séparer, la dénonçant comme dangereuse pour le bien commun. Il publia en 1797, Preuves des conspirations contre toutes les religions et tous les gouvernements de l'Europe, ourdie dans les réunions secrètes des francs-maçons, d'Illuminati et de société de lecture. D'autres témoignages et écrits viennent se recouper, comme ceux de l'abbé Augustin Barruel, qui publia Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobinisme, recouvrant les mêmes thèses à la même époque. Maurice Talmeyr au début du XXème siècle, fera une synthèse dans son ouvrage La Franc-Maçonnerie et la Révolution Française . Enfin pour une œuvre plus documentée sur l'influence de la Franc-Maçonnerie jusqu'à l'apparition de la laïcité en France, La Conjuration Anti-Chrétienne, du théologien Henri Delassus.
La Franc-maçonnerie était composée autrefois de véritables Maçons, qui possédaient des secrets architecturaux, et qui bâtissaient à l'origine des Église, des Cathédrales, et d'autres édifices importants. À partir du XVIIème siècle, naissaient alors les premières loges d'obédience, en Écosse tout particulièrement, et le projet maçonnique devint spéculatif, autrement dit beaucoup plus abstrait. Leur but qui est toujours le même aujourd'hui, est de refaire le monde, non plus en terme de construction architectural, mais en terme de Métaphysique, de Morale. Leur principal but est d'établir un nouvel ordre, projet bien ambitieux, similaire, au récit biblique de la tour de Babylone, dans le but d'égaler Dieu. Les Francs-maçons croyants parlent souvent du Grand Architecte, qui est un dieu totalement spéculatif, et surtout Luciférien.
Une preuve de l'influence maçonnique, est toute la symbolique ésotérique que l'on retrouve sur la DDHC. La toile de la DDHC, peinte par Le Barbier, repose dans Le Musée Carnavalet, qui la décrit ainsi :
« Le texte s'inscrit sur deux registres, dont la forme évoque celles des Tables de la Loi rapportées par Moïse du mont Sinaï. Il est accompagné de figures allégoriques personnifiant la France et la Renommée, et de symboles comme le faisceau (unité), le bonnet "phrygien" (liberté), le serpent se mordant la queue (éternité), la guirlande de laurier (gloire), les chaînes brisées (victoire sur le despotisme) ; l'ensemble étant placé sous l'œil du Dieu créateur, rayonnant d'un triangle à la fois biblique et maçonnique. »Illustration 25 - Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 1789.Une inspiration Judéo-Maçonnique ; des symboles pas très catholiques, comme le serpent ; des illusions, comme la chaîne brisée, mais toujours liée en réalité — on remarque la tentative de peindre une continuité entre les différents fragments de la chaîne comme pour duper notre vigilance ; le bonnet phrygiens au bout de la lance. On retrouve l'œil organique symbolisant le dieu de la croyance luciférienne et non de la Vérité. Mais on peut y voir également le triangle, aveuglant, qui n'est au final rien d'autre que la représentation de la Raison, soumise à la vision externe, à l'observation positiviste et matérialiste. Le laurier et le faisceau de l'unité sont des symboles entièrement maçonniques également.
Un autre signe de l'influence de la maçonnerie sur la Révolution Française, officiellement diriger contre la religion chrétienne et les superstitions, mais qui réintroduira au sein du nouveau régime, notamment par Robespierre, le culte de la Raison et de l'Être Suprême, qu'on retrouve également dans le préambule de la DDHC. Ce qui revient à une forme d’idolâtrie, au sein de la société française, se référant au matérialisme de l'Egypte antique .
Cinquième illusion : Le monde moderne vers plus de progrès.
Vers plus de progrès technologique certes, puisque la révolution industrielle en découlera, mais au détriment du progrès social qui s'est vu détérioré. On a déjà évoqué le fait que la vie était devenue plus chère en conséquence des décisions économiques prises par Turgot, entrainant la mise au travail des femmes et des enfants. On ne peut pas dire de la France d'aujourd'hui, au niveau des droits sociaux, qu'elle soit le résultat naturel de la construction Républicaine et démocratique. La plupart des droits sociaux ont été acquis par différentes luttes ouvrières et paysannes, qui démontrent que l'égalité n'est pas une vertu naturelle des droits de l'homme, et qu'elle doit être contrainte par des forces extérieures pour pouvoir respecter la justice égalitaire. C'est l'accomplissement du devoir qui garantit les droits, or aujourd'hui les devoirs citoyens ne sont pas obligatoires, de ce fait, les droits ne peuvent être respectés, si la majorité des citoyens n'accomplissent pas leur devoir.
On peut s'interroger également sur l'escroquerie du modèle démocratique qui émane de la révolution française, une démocratie représentative, dont les règles ne permettent pas la véritable représentation, mais qui de toute façon, supprime la véritable souveraineté du peuple, qui n'a aucun pouvoir sur la rédaction des lois.
« Les citoyens qui désignent des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; donc ils n'ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir leur appartient sur la personne de leur mandataire, mais c'est tout. S'ils dictaient des volontés ce ne serait plus un état représentatif, ce serait un état démocratique. »— Emmanuel-Joseph SieyèsNous aurons l'occasion de développer dans un autre livre , que la seule chose légitime pour pouvoir bien vivre en démocratie, est une bonne rédaction de la Constitution d'un Etat, car elle seule protège véritablement des abus et fixe l'orientation générale du fonctionnement et de l'organisation de la société.
Au final, l'époque des Lumières n'aura eu d'éclairant que le nom. Cela nous laisse dans une de nos cases du cerveau une idée de sympathie, de couleur chaude, un soleil de lumière, donc de clarté. Le progrès qui en découlera ne sera pas social, mais technologique, ce qui est en réalité moins important. Le progrès social est plus lié au bien-être qu'au progrès technologique, qui n'a pas été entrepris pour améliorer la vie de l'homme, comme on aimerait nous le laisser croire, mais dans le but de maitriser la nature et la matière, ce qu'on pourrait mettre en lien avec les dogmes de l'alchimie, sur la recherche de la vie éternelle, etc. Ce qui revient au XXIème siècle à se confondre avec les courants transhumanistes qui restent également des spéculations dogmatiques, dont l'idéal est la suppression des maladies, des souffrances et de la mort, qui leur paraient être des conditions de la vie humaine inutiles. On a déjà évoqué l'ineptie et l'arrogance de ce modèle de penser, quand la mort naturelle peut être pour le croyant une véritable délivrance.
Le déclin du Christianisme entrainera avec lui un déclin de la sacralité de ses dogmes. L'islam n'a pas encore totalement subi cela grâce à ses dogmes préservés et encore solides, mais cela commence à se répandre dans l'esprit de musulmans du monde entier, d'un laïcisme dilué à l'intérieur de courants musulmans aussi bien dans l'islam moderne que dans le pseudo-salafisme d'une manière plus perverse.
Vouloir introduire de la raison dans la religion n'a rien de néfaste, au contraire, elle renforce la foi et l'alimente. Pour certains intellectuels occidentaux, Averroès est perçu comme le fondateur d'un islam des Lumières. Or, Averroès se distingue clairement de tout cela, puisque, bien qu'il ait effectivement mis la raison au même niveau que la foi, point de vue que nous partageons, il n'a en rien désacralisé les dogmes religieux, comme ont pu le faire les Lumières. Là se situe véritablement la distinction fondamentale, qui est la clé de l'avenir de l'islam en Occident, mais partout ailleurs également.