Tome III - La Science

Chapitre 5 - Paradigme Moderne et Science Traditionnelle

par Anthony Ghelfo 2015

Introduction


Depuis les Lumières, en Europe, la Raison et la Science se sont imposées comme les seuls outils légitimes pouvant décrire la réalité de notre monde. Deux processus majeurs, lesquels nous discuterons ici, ont plus que favorisé cette mise en place. D'une part, le positivisme d'Auguste Comte, qui apportera l'aspect idéologique et philosophique, par sa théorisation des trois états, que nous avions décrit comme une inversion du processus normal dans notre livre précédent. Et d'autre part, une modification de la méthode scientifique par Karl Popper, qui insiste avant tout sur l'empirisme, c'est-à-dire que chaque fait scientifique doit pouvoir se manifester par une expérience concrète, sensible, sans laquelle elle ne pourrait avoir de valeur sérieuse.

Or, comme nous le développerons dans ce chapitre, cela conduira à une solidification de la pensée, comme l'explique très bien René Guénon521. La science moderne s'inscrit en opposition, voire en destruction de la Science Traditionnelle. Cette dernière utilise des symboles, ainsi la pensée est plus fluide, contrairement aux concepts de plus en plus matériels et creux apportés par les théoriciens des sciences contemporaines, qui viennent sectionner la réalité.522

Pour donner un exemple de limite du paradigme moderne, on évoquera le cas de la théorie du Big Bang, qui disons-le, décrit la naissance de l'univers. Or les descriptions de cette naissance par les scientifiques modernes et leurs observations sensibles, ne peignent que le caractère matériel de son origine. Soit, il y sera évoqué la composition atomique, la forme, le volume, etc. Mais jamais dans cette théorie, il ne sera question de l'origine de la manifestation de l'Amour, de la Justice, de la Paix, et de l'ensemble des concepts métaphysiques. La Création de l'Univers est un acte d'Amour et de Miséricorde de la part de Dieu. Dire que le Big Bang est le commencement de l'Espace et du Temps reste un tabou dans la communauté scientifique, puisque ce sont deux notions métaphysiques qui demeurent pourtant « mesurables ».

On essaiera donc de voir dans ce court chapitre, différentes formes de contradictions que nous propose le paradigme moderne, comme l'irréfutabilité de Karl Popper, le Hasard, et enfin le quantitatif qui a pris le dessus sur le qualitatif, comme l'avait déjà très bien démontré René Guénon au début du XXème siècle.

Théorie Scientifique et Irréfutabilité ?


Karl Popper partait d'un bon sentiment lorsqu'il a construit sa méthode pour démasquer les fausses théories, puisque comme nous l'avons fait, il souhaitait mettre en évidence l'irréfutabilité de la théorie de Darwin, s'appuyant sur des « dogmes » non expérimentales, et par là même, rejeter le vérificationnisme issu du positivisme d’Auguste Comte523. Or nous apporterons une petite précision sur la distinction entre l'irréfutabilité qui ne s’appuie sur aucun raisonnement, aucun corpus philosophique logique, et l'irréfutabilité dogmatique, qui est la vérité non réfutable également. Une dissociation entre la logique Aristotélicienne, qui permettait encore d'accéder à des vérités métaphysiques, et la logique scientifique, qui n'est qu'une méthode d'application. La méthode scientifique a très bien marché durant près d'une dizaine de siècle, depuis sa première formulation par Ibn Al-Haytham. Des lois scientifiques en ont découlé, structurant alors les fondements de nos sciences actuelles.

Au début du XXème siècle, Karl Popper établissait un critère de scientificité, afin de définir ce que doit être une théorie considérée comme scientifique. Pour lui, il faut qu'elle soit réfutable. Mais qu'est-ce que la réfutabilité ?

« La réfutabilité (également désignée à ses débuts par le recours à l'anglicisme falsifiabilité) est un concept important de l'épistémologie. Une affirmation est dite réfutable s'il est possible de consigner une observation ou de mener une expérience qui, si elle était positive, entrerait en contradiction avec cette affirmation. Karl Popper a popularisé le concept. La réfutation résout à la fois le problème de la démarcation et celui de la validité : Une proposition réfutable est réputée être une hypothèse scientifique. Si elle est réfutée elle cesse d'être valide. Il suffirait ainsi d'un seul fossile de lapin ou de poule trouvé dans des couches géologiques datées de l'ère secondaire pour invalider l'idée d'évolution des espèces (ou bien la pertinence de la méthode de datation). En revanche, une proposition non réfutable (irréfutable au sens logique) est catégorisée comme méta-physique (ce qui ne signifie pas qu'elle soit illégitime ; ainsi en est-il des univers parallèles en 2013). Par exemple, l'affirmation « tous les corbeaux sont noirs » pourrait être réfutée en observant un corbeau blanc . Le cygne noir ne fut d'ailleurs connu que tardivement. (Voir Théorie du cygne noir.) Par opposition, « tous les humains sont mortels » est non réfutable, et donc non scientifique, parce qu'il faudrait attendre un temps infini pour conclure négativement (constater l'existence d'un humain immortel) et que l'observateur, un humain, même s'il observait la mort de tous ses semblables, ne pourrait conclure positivement qu'après sa propre mort. Le fait qu'aucun humain observé n'a vécu plus de 130 ans prouve seulement que « tous les humains actuellement morts étaient mortels. »524

Nous allons voir que cette manière de penser est complètement dénuer de sens, et montre que la science moderne a dérivé de ses fondements. La question est de savoir si la métaphysique fait-elle partie encore de son paradigme, ou est-ce un aveu de la part des sciences occidentales de ne pas vouloir décrire le monde dans sa totalité. Lorsque l'on lit le deuxième point, on comprend que la notion de métaphysique est totalement incomprise des paradigmes modernes. L'idée d'univers parallèle ne s’appuie sur rien, aucune donnée ni expérimentale, ni mentale. La métaphysique doit partir de l'expérience et se prolonger par l'esprit. Or, l'idée « d'univers parallèle » émane directement de l'esprit, et utilise la partie la moins sérieuse de celle-ci qu'est l'imagination (voire même le fantasme).

L'exemple qui a été émis en 4ème point nous semble peu choquant, parce que nous vivons dans une époque où le transhumanisme est une idéologie fortement imprégnée. Mais selon nous, dire que « tous les humains sont mortels » n'est pas scientifique, est équivalent à dire « 1+1=2 n'est pas scientifique » en affirmant le même prétexte : « car il faudrait attendre un temps infini pour voir si un objet ajouté d'un autre objet soit égal à autre chose que deux objets ».

( Nous n’avons accordé l’immortalité à aucun être humain avant toi. Est-ce qu’ils croient qu’après ta mort ils seront, eux, immortels ? )525

Qui décide alors ? Pourquoi l'énoncé « Tous les humains sont mortels » n'est pas un dogme fondamentale ? À partir de quand ou de combien de temps le deviendra-t-il ? Tout cela a en réalité été établi pour discréditer les vérités métaphysiques immuables. L'homme est mortel, c'est dans sa nature, et pourtant ce n'est pas considéré comme scientifique. En réalité, lorsqu'on touche à la métaphysique, on touche à l'éthique. S'il est possible de penser l'homme comme étant immortel, alors tout deviendra permis expérimentalement.

Il faut savoir faire trois grandes distinctions : ce qui est dogme naturel (ex : la loi de gravitation, la vitesse de la lumière, etc...) toute constante physique avérée ; ce qui est dogme révélé (ex : les 6 piliers de la foi en islam, ou la trinité chez les chrétiens), issu des écritures révélées, ils ne font intervenir que la foi et n'ont aucune logique, ils ne nous intéressent pas ici ; et enfin, ce qui émane d'un consensus dogmatisé. C'est uniquement sur ce dernier que la méthode de Karl Popper peut s'appliquer. Un consensus dogmatisé, est un fait non vérifié et non démontré, que la « communauté scientifique » a décidé de prendre comme vérité (et donc de dogmatiser), car toute alternative est considérée comme insensé.

On ne pourrait pas appliquer l'irréfutabilité de Popper sur les dogmes naturelles, sinon nous devrions dire qu'il n'y a pas de constantes physiques toujours d'après le même prétexte : « elles l'ont été jusqu'à maintenant, mais il faudrait attendre un temps infini pour voir si elles ne se mettraient pas à varier un jour ». Dans ce cas, aucune science ne serait possible.

Que cela soit la théorie de l'évolution, ou la théorie du Big Bang, aucune des deux n'est objectivement scientifique, les deux sont irréfutables. Étrangement, en Europe, l'une n'est pas dogmatisée (celle du Big Bang), ainsi l'on accepte facilement les propositions alternatives, contrairement à la théorie de l'évolution darwinienne, entièrement dogmatisée illégitimement. La moindre remise en question de cette théorie vous fait entrer dans la catégorie des créationnistes (et vous disqualifie officiellement). On voit que les choses vont toujours dans un seul sens, tout est mis à disposition pour détruire, dans le domaine des sciences, l'idée de Dieu.

Avant, il n'y avait pas de théorie, elle était l'hypothèse, on la vérifiait, et en conséquence, on la rejetait ou la validait, selon les données expérimentales. Aujourd'hui, la théorie est devenue le fondement de recherche, c'est-à-dire, que c'est une hypothèse générale (souvent une chimère) que l'on prend comme acquise, pourtant irréfutable, autour de laquelle l'on tricote des faits, pour le coup, souvent établis, mais qui s’inscrirait tout aussi bien dans un autre scénario chimérique.

Chaos, hasard et statistiques ?


Même si nous avons une mauvaise opinion du terme dogmatisme, les dogmes existent vraiment, et notre ego ne les aime pas. Par exemple, être soumis sans cesse à la gravitation, qui nous fait tomber sur la terre, c'est ainsi que l'un des plus grand rêve de l'homme a été de s'envoler, soit de défier celle-ci. La mort naturelle ne plaît pas également à notre ego, ainsi l'homme cherche l'immortalité. Or, chaque dogme naturel ne peut être que repoussé, ou contourné, mais jamais détruit. Tout premier principe est dogme, les chiffres, le bien et le mal, les lois et constantes de la physique, toutes les formes de déterminismes, car il en existe certains même dans la nature humaine, on en veut pour preuve les altérations génétiques, qui peuvent déterminer certaines conditions physiologiques.

( Au contraire Nous avons accordé une jouissance [temporaire] à ceux-là comme à leurs ancêtres jusqu'à un âge avancé. Ne voient-ils pas que Nous venons à la terre que Nous réduisons de tous côtés ? Seront-ils alors les vainqueurs ? » )526

Tous ces dogmes construisent ce qu'on pourrait appeler un Ordre naturel, qu'on nomme également Cosmos. Son inverse est le Chaos, contraire de l'ordre, donc désordre, désorganisation, qui existe pourtant dans l'Ordre naturel général. Le Chaos peut être contenu dans le Cosmos, mais le Cosmos ne peut être contenu dans le Chaos. Il existe donc une hiérarchie naturelle.

Une supériorité de l'Ordre sur le Désordre, comme il y a supériorité de Dieu sur Iblis (ou Satan). Alors que Satan, selon la théologie musulmane, possède énormément de pouvoir dans ce monde et sur les hommes, il reste limité, comme toute autre créature et création, par ce que Dieu le lui laisse faire.

Le meilleur exemple est celui de l'écologie, si vous respectez la nature, vous respectez donc l'ordre divin, et vous vivrez alors dans un environnement en toute sécurité. En revanche, si vous l'altérer (pollution, déforestation, manipulation du climat, non-respect des écosystèmes), alors vous mettez non pas seulement votre vie en danger, mais celle de toute l'espèce humaine, car vous déréglerez les mécanismes de la planète qui permettent la vie, dans un chaos généralisé. En s'éloignant des dogmes naturels, nous pervertissons la planète d'une certaine façon, et il n'y a que l'homme dans cet univers pour faire ça.

( (22) Les pires des bêtes auprès d'Allah, sont, [en vérité], les sourds-muets qui ne raisonnent pas. (23) Et si Allah avait reconnu en eux quelque bien, Il aurait fait qu'ils entendent. Mais, même s'Il les faisait entendre, ils tourneraient [sûrement] le dos en s'éloignant. )527

Tout comme on verra plus tard, la supériorité de la justice sur l'injustice, comme l'avait très bien démontré Platon, qui dessine bien cette hiérarchie naturelle.

La Science, qu'elle soit moderne ou traditionnelle, cherche à démontrer, démasquer, mettre au grand jour ces dogmes naturelles. La science moderne est beaucoup plus limitée comme nous l'avons exposée dans notre introduction. En cherchant à organiser toutes ses connaissances, par le kalam ou le logos, que nous considérons à présent comme similaires, les dogmes se révèlent. Ce qui n'est pas organisé, n'est pas science.

Dieu est le dogme au-dessus de tout autre, d'ailleurs tous les autres principes en dépendent, alors que Dieu ne dépend d'aucun autre, et se suffit à Lui-même. Ce dogme a été reconnu depuis toujours, comme un fondement dans la science, d'ailleurs ce sont les principes métaphysiques qui ont constitué les sciences à l'origine. Ce n'est qu'au début du XVIIIème siècle, que l'on a considéré, pour des raisons idéologiques, que cette notion de Dieu n'avait plus lieu d'être. Et c'est à cette même période, que l'on a vu naître pour la première fois dans l'histoire de la science, des théories sous forme de scénario (évolutionnisme). Or la nature a horreur du vide, et s'il n'y a plus de Dieu, il faut le remplacer par autre chose : le Hasard.

« "Hasard" est le nom que Dieu prend quand il ne veut pas qu'on le reconnaisse. » — Albert Einstein

Le hasard est un véritable dieu bouche-trou. Il vient vous expliquer que, l'homme et l'univers, ces deux entités pourtant très organisées et complexes, sont les conséquences du simple hasard, possible grâce à un temps suffisamment long. Les savants musulmans ne pourraient prendre aux sérieux ce genre d'affirmation.

Il serait ridicule de penser, par exemple, que les chirurgiens ont la vie de leur patient entre leurs mains. Ce n'est pas l'homme qui fait que son intervention va réussir, ce sont les conditions et les variables infinies présentent à ce moment, dont seul Dieu est le Parfait Connaisseur.

( C'est Lui qui vous donne la vie puis vous donne la mort, puis vous fait revivre. Vraiment l'homme est très ingrat. )528

Lorsque l'opération chirurgicale réussit, alors on accorde tout le mérite au chirurgien, par contre, lorsque l'opération échoue, on lui dit que ce n'est pas de sa faute s'il a manqué l'opération. Donc dans le premier cas de figure, on donne tout le mérite de la réussite au chirurgien, alors que dans un second temps, on rejette la faute sur les mauvaises conditions, c'est à dire, qu'il ne pouvait rien faire et attribut cet échec au HASARD des choses. Pour les musulmans, qui comprennent leur religion, c'est comme rejeter la faute sur Allah (Dieu). En réalité, dans les deux situations, il y a destin et non pas hasard.

( Quand un malheur touche l'homme, il Nous invoque. Quand ensuite Nous lui accordons une faveur de Notre part, il dit : « Je ne la dois qu'à [ma] science ». C'est une épreuve, plutôt ; mais la plupart d'entre eux ne savent pas. )529

C'est ce qu'on appelle en psychologie sociale, un biais d’auto-complaisance, qui est la tendance des individus à expliquer leurs succès par des explications internes et leurs échecs par des explications externes, soit au hasard de la situation (Miller et Ross, 1975)530. Un exemple dans le sport que l'on retrouve souvent, par exemple, dans le football : « j'ai marqué un but (succès), parce que j'ai frappé dans la balle comme je l'ai souhaité (interne) » ; en revanche, « j'ai raté ma passe (échec), à cause d'un faux rebond de la balle sur le terrain (externe). »

C'est un processus psychologique « inconscient » qui permettrait, soi disant, de garder une meilleure estime de soi-même. C'est vrai pour les athées, et les agnostiques, mais pas pour les croyants, qui comprennent que c'est Dieu qui a permis de regrouper toutes les conditions nécessaires à notre réussite, alors que notre échec est dû justement à nos manquements. Pour celui qui cherche la modestie, il y a un inversement de ce processus, sans pour autant qu'il puisse exister de perte d'estime de soi. C'est ce à quoi nous incite le verset coranique ci-dessus.

Le hasard a aussi permis de faire entrer le principe d'incertitude et donc des probabilités dans le domaine des sciences modernes. Et là se pose un énorme problème venant du fait de son rejet de la métaphysique, et donc des premiers principes comme le temps et l'espace. Le positivisme empirique nous a fait croire que pour toute situation donnée, les mêmes causes avaient les mêmes effets, et qu'ainsi, l'on pouvait en tirer des principes immuables si par répétition on obtenait les mêmes résultats. Or, ceci n'est pas vrai du fait qu'il n'y a aucune manière de reproduire exactement, identiquement la même expérience, puisque le temps et le lieu changent nécessairement.

Prenons l'exemple de la planche de Galton531. S'il était possible de faire les mêmes expériences de manière identique, il faudrait pouvoir lâcher deux billes, au même moment, en un même point (au même endroit) sur la planche. Ce qui est impossible physiquement, les billes seront nécessairement l'une à côté de l'autre, ou alors, obligées de faire chacune leur tour, mais dans ce dernier cas, le temps ne serait alors pas similaire. Et c'est à partir de là que l'on va créer des illusions théoriques, comme la loi normale que l'on va présenter comme un phénomène naturel, d’événements aléatoires.

La loi normale, correspond à cette courbe que l'on peut dessiner passant par chaque point du sommet de chaque colonne de billes. Ainsi, si le déroulement de l'expérience se passe correctement, nous devrions avoir une abondance de billes au milieu, et plus on s'éloigne du milieu moins il y a de billes532. On obtiendrait théoriquement quelque chose de ce genre-là :

Il paraîtrait, par exemple, que la répartition des scores du QI (Quotient Intellectuel) dans la population serait de cet ordre-là. On a en réalité, dans la machine de Galton, une représentation métaphorique, de notre modèle de société qui consiste à justifier l’uniformisation autour de la normalité. Or, cette idée part du principe que nous débutons tous à égalité, ce qui déjà n'est pas vrai.

Sur la planche de Galton, si l'on déplace le départ de la bille sur la gauche, ou sur la droite, du fait que la planche possède des bords, (par analogie, comme l'intelligence humaine a ses propres limites, et comme l'univers est régi par des principes physiques qui le soutiennent et le limitent), alors nous obtiendrions un tout autre résultat. Donc, toujours par analogie, si nous voudrions que dans la population, 68 % de celle-ci est un quotient intellectuel supérieur à la normal, au lieu qu'ils aient un QI médiocre, il suffit simplement de déplacer le curseur de départ. Nous vous laissons réfléchir sur ce que peut représenter ce curseur, qui simule un départ des hommes à égalité, et de ce fait nous uniformise.

La loi normale n'a rien de scientifique, d'ailleurs si l'on veut faire de la science simple, pour expliquer le résultat de la planche de Galton : une bille que l'on lâche d'un point A, suivra une trajectoire rectiligne si elle n'est attirée que par une seule force, se dirigera vers le point B le plus court dans sa trajectoire, si elle n'est pas retenue par un obstacle, soit qu'une force opposée s'applique. Si vous lâchez toutes les billes au milieu, effectivement, il y a de « grandes chances » qu'elles finissent majoritairement au centre, puisque c'est la distance théorique sans obstacle la plus courte et la plus simple. Mais si vous les lâchez à gauche, elles finiront à gauche et non au centre, toujours selon la même logique. L'autre vérité est que si l'on était capable de reproduire l'expérience à l'identique, la trajectoire de chaque bille, devrait être similaire, et terminer sa course au même endroit.

C'est ce même problème qui va faire naître également la mécanique quantique qui n'a strictement aucun sens pratique, seulement théorique, comme l'expérience du chat de Schrödinger. Une expérience qui nous explique qu'un chat peut être à la fois mort et vivant. C'est une vue de l'esprit, nous dit-on. Mais la réalité n'en est pas une. Ce genre de chose nous fait penser à cette idéologie de l'état policier et liberticide qui consiste à arrêter les gens avant qu'ils ne commettent un crime. Parce que les probabilités sont grandes qu'ils passent à l'acte, la répression devrait-elle alors s'appliquer ? Voilà vers quoi nous conduisent les probabilités.

Si demain, il y a une chance sur cent qu'il pleuve, et que pourtant, le lendemain, il se met à pleuvoir ; à quoi aura servi la statistique, dites-nous ?

« Le hasard n’est que la mesure de notre ignorance. Les phénomènes fortuits sont, par définition, ceux dont nous ignorons les lois. » — Henri Poincaré533

Les statistiques et les sondages sont des manières de manipuler l'opinions des gens, afin de les normaliser, autrement dit les uniformiser. La loi normale n'a rien d’une vérité immuable, mais elle a été dogmatisée par les scientifiques. Elle ne représente que la structure et l'idéologie de notre société. Cela fonctionne sur notre hypocrisie, notre tendance à être facilement influençable et manipulable, et avant tout sur notre ignorance.

C'est la première expérience de psychologie sociale que nous avons passé lors de notre première année d'étude. On demande à un groupe d'évaluer une situation donnée sur une échelle de -3 à 3. Puis vous discuter avec les membres de votre groupe sur ce sujet pour donner et échanger vos arguments. Enfin, l'on demande de nouveau à chacun de réévaluer son opinion. Quel change ou non, ce que l'on constate la plupart du temps, et sans que cela soit forcément une mauvaise chose, est la convergence des opinions (parfois, les opinions qui sont plus extrêmes dès le début peuvent en revanche s'accentuer). On observe donc une loi normale qui se constitue par l'influence des échanges d'opinions. Et bien il se passe le même phénomène si l'on vous montre les résultats d'un sondage, vous aurez tendance à vous conformer à la majorité, et à vous uniformiser malgré vous.

À l'heure où nous écrivons cet article, il s'est passé un événement terrible en France, durant lequel plusieurs personnes ont trouvé la mort. Un acte commis par des criminels au nom de l'islam, que nous condamnons fermement. Pour lier ce sujet avec notre article et la loi normale, on peut observer les différentes réactions face à cette tragédie. Le premier jour après l'attentat en question, on a commencé à afficher partout le slogan « Je suis Charlie » en référence au journal auquel une partie des victimes ont appartenu. C'était la majorité première, réagissant sous l'émotion. Puis, d'autres ont commencé à dire qu' « Il n'était pas Charlie », en avançant des arguments, notamment démontrant l'erreur des premiers à mettre de côté une partie des victimes. Ainsi, petit à petit, une partie des premiers ont rejoint les seconds. Mais les premiers resterons toujours la majorité, parce qu'elles s'alignent sur le même curseur : la télévision et les médias officiels, dans lesquels le slogan « Je suis Charlie » est affiché 24h/24, et fait la une de toutes les couvertures. Tous tomberont alors comme une vulgaire bille, au milieu du tableau.

Si nous changeons de curseurs, et nous en avons tous le pouvoir, à condition d'en être conscient, notre esprit peut accéder à d'autres horizons bien plus sain et créatif, mettant notre potentiel d'intelligence en éveil. Dans ce cas précis, internet et les réseaux sociaux sont des curseurs différents et tout aussi fiables lorsque l'on sait s'en servir. À partir du moment où le peuple est soumis à un seul curseur, il perd sa liberté et se standardise. L'exemple le plus flagrant est celui de l'éducation nationale :

« L'enseignement obligatoire, dont se glorifient tous les pays lorsqu'ils peuvent l'imposer à leur jeunesse, n'est qu'une méthode parmi d'autres pour réprimer la liberté. C'est l'oblitération arbitraire des dons de l'être humain et l'orientation autoritaire de ses choix. Il y a là un acte de tyrannie nuisible à la liberté, car il prive l'homme de sa liberté de choix, de sa créativité et de son talent. Obliger les gens à s'instruire suivant un programme donné, et leur imposer certaines matières est un acte dictatorial. L'éducation obligatoire et standardisée constitue en fait une entreprise d'abrutissement des masses. Tous les Etats qui déterminent officiellement les matières et les connaissances à enseigner et qui organisent ainsi l'éducation, exercent une contrainte sur les citoyens. Toutes les méthodes d'éducation en vigueur dans le monde devraient être abolies par une révolution culturelle mondiale visant à émanciper l'esprit humain de l'enseignement du fanatisme et de l'orientation autoritaire des goûts, du jugement et de l'intelligence de l'être humain. » — Mouammar Kadhafi534

Cette manipulation de la masse est liée à notre démocratie libérale de marché. Ce n'est pas pour rien si nous sommes dans l'ère du capitalisme, celle qui consiste à faire du profit, au détriment de l'humain qui n'est qu'un chiffre.

Il y aurait encore tout un tas de chose à dire sur les statistiques, notamment le fait qu'avec exactement les mêmes chiffres, selon la méthodologie que l'on va utiliser pour les analyser, il est possible d'en sortir des conclusions tout à fait différentes, voir contraires. Il y a aussi cette histoire de facteur temps qui favoriserait les phénomènes auxquels on s'attend, comme dans la théorie évolutive darwinienne. Et sans parler des corrélations, que l'on confond avec la causalité, par abus de conclusions535. On pourrait aussi développer l’idée de la dépendance des jeux qui se fondent sur les statistiques, souvent trompeur, jouant sur l’irrationalité des hommes.

Si demain, il devait y avoir le chaos en France, il ne faut pas oublier que ce serait uniquement parce que l'homme, qui est la seule créature suggestible à Satan sur la terre, s'est éloigné des dogmes naturels, des premiers principes de notre univers, dont l'Amour, la Justice, la Tolérance et la Paix font partie.

Le Règne de la Quantité ?


Ce titre fait évidemment référence à l'un des ouvrages clés de René Guénon, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps. Ouvrage assez difficile, que nous allons tenter, non pas de résumer ici, mais d'illustrer la thèse principale avec des exemples biens connus de tous, plus en lien avec notre modernité, et comprendre ainsi en quoi, la quantité venant remplacer la qualité dans certains domaines, s'oppose à la science traditionnelle.

Nous sommes dans l'ère du capitalisme, et la majorité des pays occidentaux dans des démocraties de marché. Tout est quantifiable aujourd'hui, le niveau de développement d'un pays (IDH536), revenu des ménages, opinions des hommes à travers les sondages. L'accumulation de biens en occident est synonyme de bonté ou de respectabilité. Nous sommes passés par l'ère de l'industrialisation, par la production de série, la reproduction massive à l'identique d'éléments, sans même se soucier de la qualité, qui nous a conduit à la société de consommation. (Loin de l'art artisanal, qui lui, cherche la qualité à travers la composition d’œuvres uniques. C'était ça l'esprit traditionnel, une production d'objet unique avec une identité, une signature commune. Aujourd'hui, nous avons une production d'objet identique, avec, à la place de l'identité, la marque de la société, souvent munie d'un vulgaire logo.)

En économie, le « Quantitative Easing », « Assouplissement quantitatif » en français, consiste à faire tourner la planche à billet, ce que la BCE, Banque Centrale Européenne, est contrainte de réaliser à l’heure où nous écrivons cet article. Nous sommes capables de tout chiffrer, si bien que nous vivons dans l'âge du numérique, où même une image, une musique, un document peut s'écrire sous forme de programme chiffré. On a besoin du chiffre pour faire tourner le petit monde que nous avons construit, et nous en serons de plus en plus dépendant, ce qui est triste disons-le. Tout cela en vue d'instaurer dans l'esprit des hommes la hiérarchie quantitative d'Iblis (voir la fin de l'article).

Toutes ces terminologies montrent qu'en Occident, et de plus en plus à travers le monde s'alignant sur son modèle, nous sommes dans le règne du nombre et de la quantité. Que l'on s'entende bien, ce n'est pas le système de chiffre en soi qui est mis en question, mais sa mauvaise utilisation par les hommes, et son importation dans des domaines où il ne devrait pas figurer. Par exemple, la corruption est une manière d'acheter le libre-arbitre de quelqu'un. Pour que corruption il y ait, il faut une libération d'énergie suffisante (en quantité) pour compromettre le libre-arbitre d'une personne. Et il est d'autant plus facile de le compromettre si cette personne pense son libre arbitre comme une qualité quantifiable et achetable. C'est ce processus consistant à transformer une qualité en quantité que nous dénonçons.

Or la quantité comme nous le rappel si bien René Guénon, est la forme la plus terrestre d'un état. La forme la plus extérieure manifestée, soit la matière pour le dire de façon plus réductrice. Alors que la qualité fait partie de l'essence d'un objet. Les essences catégorisent d'une certaine façon, elles ne sont qu'information, et non matière, la qualité est d'une toute autre nature que la quantité, bien qu'elles soient corollaires l'une de l'autre dans certains aspects.

Nous sommes également dans l'ère du matérialisme, idéologie très liée au nombre, en raison de l'argument précédant. Cette notion appartient à la forme la plus opposée de la spiritualité. Il ne peut y avoir de spiritualité matérialiste sérieuse. Le matérialisme est certainement l'idéologie la plus critiquée dans le Coran. Le nombre de versets et d'histoires évoquant cette philosophie, sans la nommer directement comme tel, sont nombreux. S'en est peut-être même une des lignes directrices, puisque le Message Révélé consiste à élever l'homme (vers le Haut, donc les Cieux), quand l'analyse de la matière est le degré le plus bas de la compréhension du monde (vers le Bas, donc la Terre).

Et toute cette dérive vers la quantité est liée à la même époque d'apparition du positivisme, du progrès cherchant la maîtrise de la matière, et du progrès au service du profit.

L'occident a rendu scientifique la prémonition par les statistiques, ou encore par l'économie, comme si l'on pouvait en faire des sciences exactes. L'économie du XXème et XXIème siècle est l'équivalent de l'astrologie du moyen-âge : des prédictions fonctionnant une fois sur deux, simplement parce que les véritables premiers principes lui échappent. Il suffit de lire les ouvrages d'économistes universitaires pour voir les prédictions totalement déconnectées de la réalité. L'économie est basée sur la confiance, « confiance » qui est synonyme en réalité de « foi », or seul Dieu est digne de confiance. L'économie d'un pays dépend du comportement humain, et de fait, vouloir la prédire, comme on le verra dans notre prochain ouvrage sur la psychologie, n'est pas du domaine de la raison.

Au commencement, il y avait le don, puis s'est instauré le troc, on évaluait par la qualité de produit, et l'on échangeait selon nos besoins réciproques. L'argent, monnaie d'échange qui s'est invitée dans ce processus n'a pas été tout de suite un mal en soi, s'il est bien contrôlé et maîtrisé, puisqu'au départ, il n'était pas pensé comme une quantité, mais une qualité de titre, un moyen d'échange, pour pallier au manque de réciprocité. De nos jours, cet échange est pensé selon la valeur des objets (valeurs complètement arbitraires et désordonnées, on pourrait penser que le critère d'utilité, de nécessité, de durabilité ou de rareté existe, or il suffit de voir le prix d'une maison aujourd'hui, ou même d'une œuvre contemporaine pour constater l'incohérence et la folie de l'échelle) avec de l'argent qui symbolise une valeur quantifiable, et on accumule, on épargne toujours en quantité même si nous n'en avons pas besoin. Une épargne individuelle qui a aussi ses conséquences, que nous discuterons dans un autre ouvrage.

Toute la science a évolué du qualitatif vers le quantitatif. Cette dérive vers la quantité se retrouve dans la vision atomiste de la matière, atomes qui pourtant sont tous des noyaux avec des électrons, sans différences si ce n'est leur nombre d’électrons, et leur paramètre physique. On nomme des structures identiques différemment, car toute la matière est constituée des mêmes éléments, et pourtant, elles ne se manifestent pas de la même façon. Certains sont des gaz, d'autres liquide ou solide, d'une couleur ou d'une autre, dangereux ou non pour l'homme, donc des propriétés différentes, pouvant changer selon les paramètres physiques, avec pourtant toujours les mêmes éléments constituants (protons, neutrons, électrons). C'est la rencontre de l'ensemble des paramètres physiques, créant une combinaison particulière, une qualité à un instant t, quand la manifestation de la matière, elle, est totalement quantitative.

La science traditionnelle considère que tout ne fait qu'un, ce que la science moderne a déjà du mal à théoriser, on en veut pour preuve les deux modèles de physiques, l'un expliquant l'infiniment grand, l'autre l'infiniment petit, incompatibles entre eux. Solidification égale forcément systématisation, alors que la science traditionnelle est tout autre. Sa pensée est fluide, et ne s'arrête pas à la matière, ou à sa description, elle n’est pas dans la rupture.

La solidification du monde par la pensée est liée à sa quantification. La quantité est forcément une discontinuité, une rupture avec le tout. Pour pouvoir penser le nombre, il faut qu'il soit détaché du reste. Cela fait UN pour chaque entité, au lieu de faire UN avec toute entité. C'est comme ça que les premiers pensent être leur propre Dieu, parce que distincts des autres, quand les seconds se sentent appartenir à un Tout, plongé dans l'ensemble de la Création, reconnaissant un Être supérieur à l'origine de cette Création, qu'est l'Univers.

Cette solidification de la pensée est également liée à son individualisation. Aujourd'hui l'idéologie mondialiste se sert de cette rupture dans le Tout, pour faire régner la confusion entre la diversité individuelle et la diversité collective.

La matière solidifie la pensée. Penser le monde uniquement sous forme de matière ne permet d'accéder qu'à la surface de la réalité de notre monde, la forme la plus sensible, alors qu'il existe une réalité tout autre plus profonde. Pour René Guénon, la matière est la manifestation la plus basse de notre réalité, au point qu'elle nous renseigne en réalité sur peu de chose, voir même rien du tout, car elle ne fait pas sens537. C'est comme ça que les cosmologues modernes se sont retrouvés à construire un modèle théorique de l'univers, avec seulement 1% de sa connaissance, puisque ce pourcentage correspond à la part du connu de l'univers (et encore, dans la science moderne, il ne s'agit là que de matière/énergie sensible détectable).

Pour lier cette dérive vers la quantification aux textes de l'islam, il suffit d'analyser le récit d'Iblis (Satan) dans le Coran, lorsqu'il se confronte à Allah (Dieu), et lui demande de se prosterner devant Adam. Ce récit, répété à plusieurs reprises dans le Coran, nous enseigne plusieurs leçons, et surtout les intentions de Satan dans la dérivation de ce monde.

( (71) Quand ton Seigneur dit aux Anges : « Je vais créer d'argile un être humain. (72) Quand Je l'aurai bien formé et lui aurai insufflé de Mon Esprit, jetez-vous devant lui, prosternés ». (73) Alors tous les Anges se prosternèrent, (74) à l'exception d'Iblis qui s'enfla d'orgueil et fut du nombre des infidèles. (75) (Allah) lui dit : « ô Iblis, qui t'a empêché de te prosterner devant ce que J'ai créé de Mes mains ? T'enfles-tu d'orgueil ou te considères-tu parmi les hauts placés ? » (76) « Je suis meilleur que lui, dit [Iblis,] Tu m'as créé de feu et tu l'as créé d'argile ». (77) (Allah) dit : « Sors d'ici, te voilà banni ; (78) et sur toi sera ma malédiction jusqu'au jour de la Rétribution ». (79) « Seigneur, dit [Iblis,] donne-moi donc un délai, jusqu'au jour où ils seront ressuscités ». (80) (Allah) dit : « Tu es de ceux à qui un délai est accordé, (81) jusqu'au jour de l'Instant bien Connu ». (82) « Par Ta puissance ! dit [Satan]. Je les séduirai assurément tous, (83) sauf Tes serviteurs élus parmi eux ». (84) (Allah) dit : « En vérité, et c'est la vérité que je dis, (85) J'emplirai certainement l'Enfer de toi et de tous ceux d'entre eux qui te suivront ». )538

Iblis refuse la prosternation ! Pourquoi ? Parce qu'il ne regarde que l'aspect extérieure de la réalité : Adam est créé d'argile, Iblis créé de feu. Iblis pense que le feu est supérieur et plus noble que l'argile, raison pour laquelle il se sent au-dessus d'Adam, et refuse ainsi de se prosterner. Il adopte là le point de vue matérialiste, et discrimine Adam pour son aspect extérieur. C'est la toute première forme de racisme, dont l'origine première n'est donc pas humaine, mais satanique.

De plus, dans son entêtement, Iblis s'enfermera dans une logique qui consistera à égarer le plus (en quantité) de personne, croyant que cela lui donnera raison face à Dieu. Bien qu'au fond de lui, il sache déjà être dans l'égarement, puisqu'il connait sa destination qu'est l'Enfer, Iblis cherche ainsi à attribuer une hiérarchie quantitative – c'est sa stratégie. Celle qui s'instaure aujourd'hui depuis quelques siècles en Occident, alors qu'il y a une hiérarchie naturelle basée sur la qualité. Les attributs de Dieu, sont des qualités en rien quantifiables, la Miséricorde, l'Amour, la Sagesse, la Vérité, toutes ces notions sont non-quantifiables, et sont supérieures naturellement au Mensonge, à la Haine et à l'Orgueil, tout comme le Ciel est naturellement au-dessus de la Terre.

On va retrouver le même processus de hiérarchie quantitative, dans les nouvelles théories de ces derniers siècles. Chez Darwin, avec son évolution des espèces, qui ne serait qu'une question de quantité de temps et de « sculpture » hasardeuse de la matière, alors qu'en réalité il y a bien une différence de nature entre chaque espèce animale, et donc une différence de qualité et non de quantité.

Discours que l'on retrouvera dans le modèle théorique de la vie psychique des hommes chez Freud. Selon lui, pas de différence qualitative entre le normal et le pathologique, mais seulement quantitative. (Une des premières choses que l'on apprend en psychologie clinique freudienne). Notre point de vue est que cela conduit à ce que nous avons appelé la tolérance capricieuse, entraînant une normalisation de la pathologie. Or, plus une pathologie va se normaliser, moins elle sera qualifiée de pathologique, et nous avons pu faire le constat ce dernier siècle avec l'homosexualité, dont Freud, malgré ses dires sur le sujet, a bien évidemment contribué à l'évolution des mentalités occidentales. Ainsi, si ce n'est qu'une question de quantité, alors la norme peut se déplacer, et l'homme normal, c'est-à-dire sain d'esprit, va se sentir de plus en plus souffrant, quant à l'homme pathologique, va se sentir de mieux en mieux dans un environnement qui le favorise.

Cas identiques pour la mythomanie ou la nymphomanie, qui ne seront plus des formes de souffrances, puisque ces mœurs seront acceptées socialement, et ainsi, son contraire, l'homme véridique, et qui à sublimer ses pulsions sexuels dans des activités sociales acceptables, comme la politique ou la science, par exemple, se retrouvera souffrant dans un environnement qui lui est hostile. Ce n'est pas pour rien que les prophètes ont été envoyés aux peuples les plus égarés, et que ces peuples leur ont toujours manifestés une certaine résistance et hostilité.

Guénon fait une critique très simple et lucide de la psychanalyse, discipline qui a ses prétentions, comme celle de solidifier la Tradition, et donc la dé-symboliser, tout en prétendant la comprendre. Si, la psychanalyse était une science sérieuse, on n'obligerait pas le futur psychanalyste à subir une psychanalyse en premier lieu. Car si Freud est l'inventeur de la psychanalyse, par qui a-t-il été psychanalysé ? Bref, une pseudoscience, qui possède des rites et des initiations similaire à la secte la plus commune.539

Un objet d'étude doit être examiné à la lumière de toutes ses facettes. Prenons le sujet de la délinquance par exemple. Il est concerné par un ensemble de domaines : sociologie, psychologie, philosophie, droit, et nous rajouterions même théologie, quand d'autre compléterait par la biologie ; disciplines sans lesquels ce phénomène ne pourrait être compris dans sa totalité. C'est ainsi que la science traditionnelle fonctionne, elle consulte l'ensemble des avis de savants de différentes disciplines, qui faisaient les constats et en essayer d'en inférer les causes. À partir de là, elle construit une réponse synthétique, sous forme qualitative, souvent très métaphorique. La métaphore permet ainsi de faire passer plusieurs messages dans un seul discours. C'est ce que Dieu, par sa Sagesse Infini, fait dans le Coran, à travers Ses récits et Ses paraboles, dont les messages « cachés » (ésotériques) sont pluriels, comme nous avons pu le voir dans le récit du « Refus de la prosternation d'Iblis » qui est à la fois une critique du matérialisme, mais aussi du racisme, ou encore de l'orgueil (et il existe d'autres dimensions que nous ne pouvons traiter ici).

Beaucoup d'études scientifiques aujourd'hui sont inutiles, surtout quand les chiffres viennent confirmer les sagesses et les traditions. Impression que, de plus en plus, beaucoup d'entre elles ne sont là que pour faire des constats. Sans volonté politique, les chiffres ne changeront pas, il faut s'attaquer à la cause des causes. De nos jours, comme nous ne savons plus qualifier (utiliser la qualité), on quantifie (on utilise la quantité), autrement dit, pour donner un exemple, on préfère s'occuper des dépressifs, au lieu de la dépression. Qu'est-ce qu'un psychologue si ce n'est un acteur qui ne traite que les effets (la ou les quantités), mais jamais les causes (la ou les qualités). Bien entendu qu'il y a nécessité de psychologues, mais il devrait aussi y avoir des acteurs, s'occupant exclusivement de retenir la dépression, et non pas chargés des dépressifs. Ces acteurs doivent être les politiques ou les acteurs sociaux. Ceux qui organisent la cité, en vue d'éviter le développement de la maladie qu'est la dépression, car il n'est pas de l'ordre du raisonnable de concevoir qu'elle soit innée, à l'intérieur même de la nature humaine, ou encore inscrite dans un quelconque matériel génétique. Or tout le problème vient du fait que nous ne traitons toujours que les effets, et ensuite les politiques « s'étonnent » de commettre des erreurs.

Tome III - La Science | Chapitre 5 - Paradigme Moderne et Science Traditionnelle

Tome III - La Science | Chapitre 5 - Paradigme Moderne et Science Traditionnelle