Introduction
Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur les arguments philosophiques en faveur de l'existence de Dieu. La plupart de ces démonstrations existaient dans la littérature grecque antique, bien avant l'islam, mais nous les retrouvons aussi, durant la période de l'âge d'or de la civilisation islamique, dans la littérature arabe, puis nous les rencontrons de nouveau dans les textes des philosophes occidentaux d'Europe à partir de la Renaissance. En réalité, si ces arguments ont été préservés dans le temps, c'est simplement parce qu'ils sont utilisés à travers la méthode logique. Les démonstrations qui ne vont pas à l'encontre de la Vérité, ne peuvent pas aller à l'encontre du Dieu Unique de l'islam. Cependant, nous tenons à préciser ici, qu'il s'agit d'argument questionnant uniquement l'Existence de Dieu, et non Sa nature ou Ses attributs. Parler de Dieu uniquement d'un point de vue conceptuel et philosophique, pour mieux l'appréhender dans la réalité.
Dieu nous a insufflé la raison, l'esprit critique, ce qui nous permet de Le retrouver intellectuellement et de se rapprocher de Lui.
Il n'est pas rare de voir, en occident, certaines personnes réfuter l'existence de Dieu, sans jamais avoir consulté ces arguments, ou simplement en évoquant les positions de Kant, d'une manière qu'ils ne comprennent pas la plupart du temps. Ainsi même, ils présentent leurs arguments de réfutation sans apporter une réelle contradiction logique aux arguments classiques de l'existence de Dieu . Cette erreur, nous ne la commettrons pas, raison pour laquelle le chapitre suivant sera une critique des arguments principaux, et fréquemment évoqués, contestant l'existence de Dieu.
Le travail du croyant est de chercher la vérité, ainsi, s'il considère une argumentation illogique, il faut qu'il soit capable de démontrer son caractère fallacieux, sophistique ou incomplet.
En réalité, une connaissance des textes religieux est importante, puisque comme nous l'avons vu, nous ne pouvons rien dire de Dieu, hormis ce qu'Il a dit de Lui. De ce fait, nos postulats de départ, ne doivent pas être en contradiction avec les écritures sacrées. Connaître uniquement Dieu par l'esprit n'est pas suffisant pour avoir la foi, même si cela constitue un rapprochement vers Lui non-négligeable.
Partie 1 - Les Arguments Empiriques
Nous commencerons par les arguments les plus concrets, c'est-à-dire, ceux qui se basent sur l'expérience. On nomme Empirisme, la théorie philosophique qui se base sur le fait que toute connaissance que l'homme peut acquérir, ne peut se fonder que sur l'expérience concrète.
Empirisme : Méthode qui ne s'appuie que sur l'expérience concrète, particulière.
Si nous aurions une seule critique de l'empirisme à faire, ce serait la difficulté de définir ce qui est une expérience concrète. Autrement dit, est-ce que le concret s'oppose à l'abstrait ? Est-ce que l'abstrait n'est pas une partie intégrante de l'expérience ? Questions auxquelles nous ne répondrons pas ici. Cependant, ce qu'il faut retenir, est que la méthode empirique permet de construire des raisonnements à partir de phénomènes particuliers et visibles. Nous nous appuierons sur les arguments issus de la littérature occidentale, et nous mettrons ces arguments en relation avec ce que dit l'islam.
L'Argument Téléologique ?
La téléologie est l'étude des finalités de notre monde. L'argument téléologique consiste à prendre en considération que notre univers, ainsi que les hommes possèdent un but assigné.
- Téléologie :
- Étude des fins, de la finalité; en particulier, étude, science des fins humaines (bonheur, justice).
- Finalité :
- Fait, pour un être ou une chose, d'avoir un but assigné soit par la nature, soit par une volonté supérieure.
L'argument téléologique sur l'existence de Dieu s'appuie sur une finalité du monde créée par une volonté supérieure. Il semble assez convaincant, contenu de l'intelligibilité de l'univers et de sa complexité .
Pour faire un lien entre l'islam et la vision téléologique, voici ce que dit le Coran :
Pensiez-vous que Nous vous avions créés sans but, et que vous ne seriez pas ramenés vers Nous ?
أَفَحَسِبْتُمْ أَنَّمَا خَلَقْنَاكُمْ عَبَثًا وَأَنَّكُمْ إِلَيْنَا لَا تُرْجَعُونَ
Allah est Celui qui a élevé [bien haut] les cieux sans piliers visibles. Il S'est établi [istawa] sur le Trône et a soumis le soleil et la lune, chacun poursuivant sa course vers un terme fixé. Il règle l'Ordre [de tout] et expose en détail les signes afin que vous ayez la certitude de la rencontre de votre Seigneur.
اللَّهُ الَّذِي رَفَعَ السَّمَاوَاتِ بِغَيْرِ عَمَدٍ تَرَوْنَهَا ۖ ثُمَّ اسْتَوَىٰ عَلَى الْعَرْشِ ۖ وَسَخَّرَ الشَّمْسَ وَالْقَمَرَ ۖ كُلٌّ يَجْرِي لِأَجَلٍ مُّسَمًّى ۚ يُدَبِّرُ الْأَمْرَ يُفَصِّلُ الْآيَاتِ لَعَلَّكُم بِلِقَاءِ رَبِّكُمْ تُوقِنُونَ
Le Coran affirme par les versets ci-dessus que Dieu a assigné un but à la création, et particulièrement à l'homme. En islam, il est compris que toute chose est soumise à Son Ordre.
La petite histoire qui va suivre résume assez bien l'argument, peu importe qui en est l'auteur réel, et si elle est fictive. Le plus important est le raisonnement.
« Newton avait commandé à un mécanicien habile et de talent de fabriquer une maquette du système solaire. Les planètes en étaient représentées par des boules qui se mouvaient toutes en même temps grâce à une courroie autour d'un noyau représentant le soleil. Un jour donc Newton reçut la visite d'un ami professant des idées matérialistes. Dès que celui-ci entra, son regard fut attiré par la maquette qui l'éblouissait par la perfection qui s'en dégageait. Quand il en déclencha le mouvement, il vit les petites planètes entamer leur mouvement autour du soleil. Il ne put contenir son admiration : — "Quel travail parfait, qui l'a fabriqué ?" Newton répondit : — "Personne ! Il est venu par hasard." Le savant matérialiste dit : — "Monsieur Newton, je crois que je ne me suis pas fait comprendre. Je vous ai demandé quel mécanicien est l'auteur de cette maquette et qui en a fourni les plans ?" Newton répondit : — "J'ai parfaitement entendu votre question, et c'est en réponse que j'ai dit que personne n'en était l'auteur et que cette maquette s'est trouvée ici d'elle-même. Ses atomes et ses molécules se sont rassemblés ici, et ont pris par hasard la forme qui est en ce moment devant vous." L'autre avala sa salive et dit : — "Monsieur Newton, vous vous imaginez peut-être que je suis assez sot pour que j'attribue au hasard la fabrication d'une œuvre qui ne peut être conçue que par un maître ?" Newton s'approcha alors de son ami, le pris par son épaule et lui dit : — "Cher ami, ce que vous voyez et dont vous cherchez à connaître le fabriquant n'est rien d'autre qu'une maquette. Une maquette qui est l'imitation d'un système réel énorme le système solaire. Cependant, vous n'êtes pas prêt à admettre que cette maquette ne doit son existence qu’à elle-même, qu'elle ne la doit pas à un artisan habile, savant, et qui est conscient de ses gestes. Pourquoi, alors, persistez-vous à croire que le système solaire, avec toute sa complexité, son énormité et son étendue n'a pas de Créateur Puissant et Savant ?" Le matérialiste demeura confus et silencieux. »
https://www.al-islam.org/god-and-his-attributes-sayyid-mujtaba-musavi-lari/lesson-4-belief-reality-unseen-involves-more-god
Bihar al-Anwar, III, pp. 51-53
Ce petit récit sur la maquette d'Isaac Newton, semble être l'argument le plus pertinent sur l'existence d'un Dieu Créateur. En effet, si nous sommes prêts à croire qu'une simple maquette du système solaire ne peut s'être construite par le fruit du hasard, en le justifiant par sa complexité, alors par quel raisonnement arrivons-nous à la conclusion que notre Univers serait le produit d'une explosion aléatoire, s'il est infiniment plus complexe que cette simple maquette ? Pourquoi devrions-nous changer de raisonnement ? Si nous voulons rester logiques, le procédé de l'esprit appliqué se doit de rester le même. Par conséquent si une maquette du système solaire n'est qu'une simple copie d'un système beaucoup plus complexe, nous nous devons d'en arriver à la conclusion que notre univers est le produit d'une intelligence supérieure.
« Si une montre prouve l'existence d'un horloger, mais l'univers ne prouve pas l'existence d'un grand architecte, alors je consens à être appelé un imbécile. »
Souvenez-vous, que nous avons montré la méthode pour révéler des vérités logiques, et notamment le syllogisme . Or l'argument téléologique pourrait se traduire par le syllogisme suivant :
- Il existe de l'ordre dans la nature.
- Or la matière ne produit pas spontanément de l'ordre.
- Donc la cause de l'ordre dans la nature est intentionnelle.
Pour que la conclusion (3) du syllogisme soit vraie, il faut que les deux premières prémisses le soient également.
- La prémisse (1) affirme qu'il existe de l'ordre dans la nature, ce qui semble évident. Notre univers est constitué de systèmes, avec des planètes qui tournent autour d'une étoile. Le nôtre se nomme le système solaire. Ainsi, un système est par définition une construction organisée, cohérente et ordonnée. Le corps humain est aussi un des meilleurs exemples, car il comprend un système immunitaire.
- La prémisse (2), affirme que la matière ne produit pas spontanément de l'ordre. En effet, la matière est constituée d'atomes, qui sont par nature, des éléments inertes. Les atomes ne se déplacent pas seuls, ils ont besoin d'un agent extérieur pour se mouvoir.
- Donc si (1) et (2) sont deux propositions vraies, alors la conclusion (3) est vraie, conformément à la règle syllogistique.
Réfléchissons plus loin, notre univers est le résultat de ce qu'on appelle le Big Bang, une énorme explosion à l'origine de tout ce que nous connaissons . Comment une explosion peut être à l'origine de systèmes planétaires, de la complexité de la cellule vivante, et même de la conscience humaine ? Autrement dit, comment une explosion peut être à l'origine d'un monde si ordonné et si complexe ?
C'est par ces interrogations, que certains philosophes en sont arrivés à la conclusion, que l'origine de l'ordre présent dans la nature ne peut être qu'intentionnelle. Il existerait donc une volonté et une intelligence supérieure, qu'on appellerait simplement Dieu.
L'Argument Moral ?
Après avoir constaté cet ordre dans la nature, l'argument moral se pose légitimement. On observe qu'il existe également, au-delà des lois de la physique qui régissent l'univers, des règles morales partagées par une majorité des peuples du monde, malgré une faible proximité de certains.
« Mais alors, que deviendra l’homme, sans Dieu et sans immortalité ? Tout est permis, par conséquent, tout est licite ? »
Effectivement, si l'on accepte qu'il n'existe pas de morale objective, ni même de Jugement Dernier après la mort, les conséquences de cette pensée ne peuvent que conduire au désordre social. Nous aurons l'occasion d'y revenir à plusieurs reprises pour développer ce point de vue.
L'aveugle et le voyant ne sont pas égaux, et ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres ne peuvent être comparés à celui qui fait le mal. C'est rare que vous vous rappeliez !
وَمَا يَسْتَوِي الْأَعْمَىٰ وَالْبَصِيرُ وَالَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ وَلَا الْمُسِيءُ ۚ قَلِيلًا مَّا تَتَذَكَّرُونَ
Pour la plupart d'entre nous, la morale que nous connaissons, et que nous avons assimilée consciemment ou non, est de l’ordre du religieux. Elle est incontournable au bon fonctionnement d'une société. En Occident, nous avons quasiment tous un bagage juridique et moral, digne héritage judéo-chrétien. Peu importe notre degré de croyance, les lois de notre pays ont un socle qui s'inspire souvent des commandements divins bibliques.
Ici, pour retranscrire l'argument moral sous forme logique, nous n'aurons pas un syllogisme, mais une contraposition (modus tollens). Cela fonctionne de la même manière, excepté que le type d'opération effectué diffère légèrement. Il suffit de montrer que les deux premières prémisses sont vraies, pour pouvoir affirmer que la conclusion est une vérité. Cet argument peut se formuler de manière suivante :
- Si Dieu n’existe pas, les valeurs morales objectives n’existent pas.
- Or les valeurs morales objectives existent.
- Donc, Dieu existe.
Vérifions sa véracité :
La prémisse (1) affirme que s'il n'existe pas de valeur morale objective, alors Dieu n'existerait pas, ce qui revient à dire que si Dieu existait, il aurait obligatoirement façonné une morale unique à tous les peuples de la terre, ce qui tient du bon sens.
La prémisse (2) affirme que les valeurs morales objectives existent. L'universalité de la morale n'a pas encore été démontrée scientifiquement, nous y reviendrons . Cependant, il ne fait aucun doute qu'il existe des points universels. Par exemple, aucun peuple n'accepterait que l'on décide de ce qui est bon ou ce qui est mal à sa place. Pour donner une définition de l'objectivité morale, mettons en avant les propos du philosophe et théologien américain, William Lane Craig :
« Dire que la Shoah fut objectivement mal équivaut à dire qu'elle fut mal même si les Nazis qui l'ont mise en œuvre pensaient que cela était bon, et qu'elle aurait toujours été mal même si les Nazis avaient remporté la Seconde Guerre mondiale et exterminé ou lavé le cerveau de tous ceux qui auraient pensé le contraire. »
On ne peut être plus clair, la morale objective est indépendante des opinions des hommes. Tout comme au Moyen-Âge, d'aucuns pensaient que la terre était plate, mais malgré cette opinion, aussi majoritaire qu'elle ait pu être, la vérité objective restait, reste et restera, que la terre a toujours était ronde.
Par conséquent, la conclusion (3) est vraie, puisque la prémisse (2) apporte la négation des conséquences de la proposition (1).
Ainsi, la morale objective serait une des manifestations de Dieu sur la terre. Pour lier cet argument à l'islam, citons le Coran :
Ô vous qui croyez ! Si vous craignez Allah, Il vous accordera la faculté de discerner (entre le bien et le mal), vous effacera vos méfaits et vous pardonnera. Et Allah est le Détenteur de l'énorme grâce.
يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِن تَتَّقُوا اللَّهَ يَجْعَل لَّكُمْ فُرْقَانًا وَيُكَفِّرْ عَنكُمْ سَيِّئَاتِكُمْ وَيَغْفِرْ لَكُمْ ۗ وَاللَّهُ ذُو الْفَضْلِ الْعَظِيمِ
L'islam est une religion universelle, puisque Dieu est sensé s'adresser à tous les hommes, issus de tous lieux géographiques . Le Coran est également nommé le Livre du Discernement, celui qui distingue le Bien du Mal . Mais nous avons aussi vu que la loi divine se perpétrait à travers les prophètes dans l'histoire, et que ses fondements moraux sont restés quasiment inchangés, en témoigne la comparaison des commandements divins entre la Bible et le Coran . Tout ce que nous venons d'évoquer démontre le caractère objectif et universel de la morale, propre à la Vérité.
L'Argument du Consensus Universel ?
Pour terminer avec les arguments empiriques, nous évoquerons celui du consensus universel. C'est-à-dire de poser comme vérité l'opinion partagée par le plus grand nombre de personnes dans le monde.
Consensus : Accord de plusieurs personnes, de plusieurs textes dans un domaine déterminé.
Or, d'après le Pew Research Center , en 2010, 84% de la population mondiale serait affiliée à une religion, et 77% à une religion clamant l'existence d'un Dieu Unique.
Comme nous avons pu le voir précédemment, seul le peuple sait ce qui est bon pour lui, à la seule condition qu'il ne soit pas manipulé, et qu'on ne lui cache pas les conséquences néfastes des décisions qu'il pourrait prendre. On applique alors la fameuse maxime latine « Vox populi, vox Dei », qui signifie « la voix du peuple est la voix de Dieu ».
Certains aimeraient discréditer le fait que la vérité serait détenue par le plus grand nombre. Nous leur demanderons alors, s'ils veulent rester cohérents avec eux-mêmes, ce qu'ils pensent réellement de la démocratie.
La démocratie est un sujet controversé au sein de l'islam, en raison de l'histoire du monde musulman actuel. Mais nous aurons l'occasion de démontrer que l'islam ne peut s'y opposer, et que la méthode démocratique au sein de la politique islamique ne peut être contraire à la Sunna (Tradition prophétique) .
Même dans le droit musulman (le fiqh), le consensus est un procédé qui doit être utilisé, car il n'est pas rare que les savants divergent sur une grande partie des questions. Le consensus est un avis émis qui vient appuyer celui partagé par la majorité des savants, comme dans un fonctionnement démocratique.
Beaucoup de musulmans opposent les versets du Coran suivants, au hadith qui suit :
(116) Et si tu Obéis à la majorité de ceux qui sont sur la terre, ils t'égareront du sentier d'Allah : ils ne suivent que la conjecture et ne font que fabriquer des mensonges. (117) Certes ton Seigneur connaît le mieux ceux qui s'égarent de Son sentier, et c'est Lui qui connaît le mieux les bien-guidés.
وَإِن تُطِعْ أَكْثَرَ مَن فِي الْأَرْضِ يُضِلُّوكَ عَن سَبِيلِ اللَّهِ ۚ إِن يَتَّبِعُونَ إِلَّا الظَّنَّ وَإِنْ هُمْ إِلَّا يَخْرُصُونَ
إِنَّ رَبَّكَ هُوَ أَعْلَمُ مَن يَضِلُّ عَن سَبِيلِهِ ۖ وَهُوَ أَعْلَمُ بِالْمُهْتَدِينَ
Anas ibn Malik a dit : J'ai entendu le messager d'Allah dire : « En vérité ma communauté ne s'accordera jamais sur l'égarement. À chaque fois que vous assistez à un désaccord, accrochez-vous fermement au groupe le plus large ».
http://sunnah.com/ibnmajah/36/25
Pour certains musulmans, il y aurait une contradiction logique entre ces deux propos, alors ils préfèrent généralement suivre le verset du Coran, car l'autorité de la Parole de Dieu est supérieure — ce qui est un bon réflexe ! Néanmoins, il n'y a en réalité pas de contradiction entre ces deux éléments. Le verset coranique parle de l'ensemble des hommes sur la terre, « la majorité de ceux qui sont sur la terre », il englobe donc les croyants et les non-croyants. Alors que le hadith suivant, évoque seulement la communauté musulmane, « ma communauté », celle du messager de Dieu. Nous avions déjà prévenu de faire preuve de prudence concernant chaque mot prononcé et utilisé, car ici, ce n'est pas une question de compréhension de l'arabe, puisque même en français, nous pouvons distinguer cette erreur.
En vérité le verset coranique précédent encourage les musulmans à chercher la vérité auprès des savants (qui sont en petit nombre), et de ne pas suivre les rumeurs et les opinions de la rue.
Les deux grandes divisions théologiques en islam sont le sunnisme et le chiisme, et le musulman doit commencer par suivre le groupe majoritaire, à savoir, le sunnisme. Cependant, ce n'est pas parce qu'un musulman est sunnite qu'il fera partie systématiquement du « groupe le plus large » que mentionne le hadith. Le groupe le plus large, qu'évoque le prophète Muhammad, restera toujours le groupe le plus tolérant, celui qui fera le plus preuve de souplesse, qui accepte que les avis puissent différer. Ainsi, le groupe le plus large de l'islam est celui qui accepte la contradiction, et la critique, et qui tolère les chiites, même s'il n'est pas d'accord avec leurs positions, car les chiites restent des musulmans. Et, sachant que les trois-quarts des personnes sur la terre sont affiliés à une religion monothéiste, une partie de l'islam est présente dans un grand nombre de religions, en raison de son universalité, et de son message de vérité. Les musulmans sunnites n'ont pas le monopole de la vérité, même s'ils pensent la détenir.
Ainsi, l'argument du grand nombre reste un facteur de vérité, qu'il faut savoir garder, à condition de ne pas suivre aveuglément des conjectures, et des hypothèses sans fondement, qui viendrait contredire la logique. Il faut savoir garder l'esprit critique, et avoir des références sérieuses et solides. Même si vous ne pensez pas comme la majorité, le plus important est de rester tolérant, car c'est cette tolérance qui vous fera appartenir au « groupe le plus large ». Le plus large, car le plus ouvert d'esprit, et donc celui qui accepte le plus de personne. Un des dangers est de tomber dans le sectarisme, et le puritanisme, alors que l'islam en est l'inverse .
Puritanisme : Rigorisme excessif en morale; fermeté extrême dans le respect de principes généralement liée à une manière de vivre austère et prude.
Rapporté par Abu Huraira : Le Prophète a dit : « La Religion est facile à pratiquer. Mais celui qui veut faire preuve de zèle excessif dans son application, sera vaincu par elle. Aussi, faites preuve de modération, essayez de tendre — autant que faire se peut — vers ce qui est parfait et réjouissez-vous des récompenses qui vous seront accordées. Cela étant, efforcez-vous de faire vos exercices de piété de bon matin, à la fin de l'après-midi et à la fin de la nuit.
https://sunnah.com/bukhari/2/32
https://sunnah.com/nasai/47/50
Rapporté par Anas ibn Malik : Le Prophète a dit : « Rendez les choses faciles pour les gens, et ne les rendez pas difficiles pour eux, annoncez aux gens des choses agréables et ne les effrayez pas ! »
https://sunnah.com/bukhari/78/152 ; https://sunnah.com/adab/26/12
https://sunnah.com/abudawud/43/63
D’après Abu Houraïra (qu’Allah soit satisfait de lui) : On a dit : « Ô Messager d'Allah ! Fais des invocations contre les mécréants ! » Il a répondu : « Je n’ai pas été envoyé pour maudire, mais je suis venu en miséricorde pour l’humanité ».
https://sunnah.com/muslim/45/111
Si l'islam aspirait au puritanisme, il effrayerait les gens, et c'est d'ailleurs l'idée qu'ont beaucoup de non-croyants sur la religion. Or, le plus important en islam est d'unir les gens sur leurs points communs. Créer un consensus qui rassemble le plus de personnes possible pour que la religion ne leur soit pas difficile, malgré toutes les différences. Dieu nous a créés différents, que ce soit physiquement ou intellectuellement, de ce fait, nous ne pourrons jamais être en accord sur tout. Si l'islam est la vérité, il ne faut pas la rendre détestable, aux yeux du monde, mais au contraire, l'embellir en montrant toute sa souplesse d'esprit, et sa tolérance.
Cependant, il faut savoir faire preuve de discernement, car aujourd'hui, avec la désinformation médiatique, et notamment internet, on peut faire passer une idée partagée par la majorité pour du sectarisme, ou l'inverse, c'est-à-dire, des idées sectaires appartenant au plus grand nombre.
Nous avons un peu dévié du sujet initial, volontairement, pour apporter des connaissances que certains musulmans ignorent, délaissent, ou parfois manipulent, et qu'il faut rappeler. Pour revenir au consensus universel, même si la France n'est plus un pays avec une majorité de croyants, notamment en raison de ces mêmes idées véhiculées médiatiquement, la croyance en un Dieu Unique est partagée par la plupart des gens sur la terre. Ceci constitue un argument empirique de l'existence de Dieu non-négligeable.
L'Argument de la Révélation ?
L'argument de la révélation s'appuie sur deux choses : d'une part, la réalité de l'existence des Révélations, comme la Bible et le Coran, et d'autre part, la véracité du contenu des écrits sacrés. Il peut se formuler ainsi :
- Les textes religieux affirment l'existence de Dieu.
- Or les textes religieux sont véridiques, ils sont reconnus comme étant sacrés et miraculeux.
- Donc, Dieu existe.
On a tout de même ici une forme de syllogisme, seulement la deuxième proposition ne peut être comprise uniquement par celui qui étudie les textes. On entend par miraculeux, tout ce qui échappe à la raison humaine. Or, la forme et le contenu de certains textes religieux dépassent entièrement les capacités de l'intelligence humaine. En prenant l'exemple du Coran, mentionnant des faits scientifiques qui ne pouvaient être connus au VIIème siècle, des prophéties, des prédictions, des faits historiques, sociologiques, mais également une littérature poétique unique. Nous aurons l'occasion de démontrer tout cela à maintes reprises.
La Bible et le Coran, sont des œuvres qui ne peuvent être qualifiées d'humaines. Leur inspiration est d'un tout autre ordre, et n'importe qu'elle personne qui les étudie sérieusement s'en rendra compte. La position de l'auteur est que le Coran reste tout de même supérieur à la Bible, car il considère cette dernière comme ayant subi des falsifications avec le temps. Contrairement au Coran, où Dieu s'est manifesté comme étant le gardien de Sa dernière révélation, afin qu'elle puisse se préserver dans le temps .
En vérité c'est Nous qui avons fait descendre le Coran, et c'est Nous qui en sommes gardien.
وَلَقَدْ أَرْسَلْنَا مِن قَبْلِكَ فِي شِيَعِ الْأَوَّلِينَ
Mais la Bible, reste un corpus religieux non-négligeable pour le musulman, apportant une preuve que l'islam s'inscrit dans la continuité de la religion abrahamique.
Il existe aussi d'autres textes religieux à travers le monde affirmant l'existence de Dieu venant appuyer les preuves de Sa manifestation.
Partie 2 - Les Arguments Métaphysiques et Logiques
Nous continuerons nos démonstrations sur l'existence de Dieu avec les arguments métaphysiques et logiques. Le terme métaphysique, ici sera compris dans une conception philosophique, c'est-à-dire, une discussion sur les causes premières.
Métaphysique : Partie fondamentale de la réflexion philosophique qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes.
Ce sont des arguments qui ne s'appuient pas sur l'expérience sensible du monde, mais sur la pensée. Il s'agit de raisonnements plus abstraits, utilisant l'art de la dialectique. En islam, on parle aussi de « kalâm », une méthode qui cherche à introduire de la rationalité dans le discours théologique, afin de répondre à ce qui peut paraître contradictoire.
Toujours à l'aide de la littérature occidentale, nous mettrons en lumière deux des plus grands raisonnements sur l'existence de Dieu qui sont les arguments ontologique et cosmologique.
L'Argument Ontologique ?
Tout d'abord commençons par définir ce qu'est l'ontologie.
Ontologie : Partie de la philosophie qui a pour objet l'étude des propriétés les plus générales de l'être, telles que l'existence, la possibilité, la durée, le devenir.
L'argument ontologique est une démonstration qui se base sur une analyse conceptuelle. C'est-à-dire que le but de cette analyse est de prouver l’existence de Dieu à partir de Son essence, de Sa définition, indépendamment du monde sensible.
Le précurseur de cette argumentation est Anselme de Cantorbéry, un écrivain mystique d'occident du XIème siècle. Il a établi une allocution sur l'existence de Dieu et sur Ses attributs, dans le deuxième chapitre de son ouvrage Proslogion :
« Mon Dieu, vous qui donnez l'intelligence à la foi, faites que je comprenne, autant que vous le jugez utile, que vous existez comme nous le croyons, et que vous êtes tel que nous vous croyons. La foi nous dit que vous êtes l'être par excellence, l'être au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir. « L'insensé a dit dans son cœur : II n'y a point de Dieu ; » a-t-il dit vrai ? La foi nous trompe-t-elle quand elle affirme l'existence de la divinité ? Non, certes. L'insensé lui-même, en entendant parler d'un être supérieur à tous les autres et au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir, comprend nécessairement ce qu'il entend ; or, ce qu'il comprend existe dans son esprit, bien qu'il en ignore l'existence extérieure. Car autre chose est l'existence d'un objet dans l'intelligence, autre chose la notion de l'existence de cet objet. Ainsi quand un peintre médite un tableau qu'il va bientôt jeter sur la toile, ce tableau existe déjà dans son esprit ; mais l'artiste n'a pas encore l'idée de l'existence réelle d'une œuvre qu'il n'a pas encore enfantée; il ne peut avoir cette idée que lorsque l'œuvre conçue dans son imagination prend une forme et s'incarne, pour ainsi dire, sous son pinceau. Dès lors cette œuvre existe à la fois et dans l'esprit de l'artiste et dans la réalité. L'insensé lui-même est donc forcé d'avouer qu'il existe, du moins dans l'intelligence, quelque chose au-dessus de laquelle la pensée ne peut rien concevoir, puisqu'on entendant parler de cet être suprême, quel qu'il soit, il comprend ce qu'il entend, et que tout ce qui est compris existe dans l'intelligence. Or, cet être suprême au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir ne saurait exister dans l'intelligence seule ; car, en supposant que cela soit, rien n'empêche de le concevoir comme existant aussi dans la réalité, ce qui est un mode d'existence supérieur au premier. Si donc l'être suprême existait dans l'intelligence seule, il y aurait quelque chose que la pensée pourrait concevoir au-dessus de lui ; il ne serait plus l'être par excellence, ce qui implique contradiction. Il existe donc sans aucun doute, et dans l'intelligence et dans la réalité, un être au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir. »
Pour Anselme, Dieu est l'idée la plus grande qui peut être pensée par l'homme. Cependant, pour lui, celui qui nie l'existence de Dieu n'a pas encore accédé à l'idée la plus grande, car Dieu sans l'existence est une idée moins grande que Dieu avec l'existence.
Dans ce passage, Anselme nous fait une comparaison avec un peintre qui s'apprête à reproduire son œuvre sur la toile. L'œuvre du peintre n'existe, au début, qu'en idée dans son esprit, mais ne finit par exister concrètement que lorsqu'il la peint sur la toile ; « Dès lors cette œuvre existe à la fois et dans l'esprit de l'artiste et dans la réalité ». De la même façon, pour le croyant, Dieu existe à la fois dans son esprit, mais aussi à travers le monde qui le manifeste. Tandis que celui qui conçoit Dieu sans l'existence dans son esprit, ne peut lier Son existence avec son environnement. Ce qui signifie qu'en réalité, ce dernier n'a pas encore compris l'essence de Dieu, et ne peut donc pas penser Son existence.
Plus tard, au XVIIème siècle, René Descartes, le philosophe français, reprendra cet argument dans ses Méditations Métaphysiques, en mettant l'accent sur le fait de bien faire la distinction entre l'essence et l'existence des choses. Toute chose qui a une essence ne possède pas automatiquement l'existence, mais l'existence fait partie de l'essence d'une chose. Si nous prenons l'exemple du personnage Mickey, inspiré par les studios Disney, il s'en suit que Mickey possède une essence, mais n'existe pas. Par conséquent, il reste tout de même, une certaine réalité de notre monde, un produit de l'imagination des hommes.
« Tant s’en faut, c’est ici qu’il y a un sophisme caché sous l’apparence de cette objection : car de ce que je ne puis concevoir une montagne sans vallée, il ne s’ensuit pas qu’il y ait au monde aucune montagne, ni aucune vallée, mais seulement que la montagne et la vallée, soit qu’il y en ait, soit qu’il n’y en ait point, ne se peuvent en aucune façon séparer l’une d’avec l’autre ; au lieu que, de cela seul que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s’ensuit que l’existence est inséparable de lui, et partant puisse pas qu’il existe véritablement : non pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte, et qu’elle impose aux choses aucune nécessité, mais, au contraire, parce que la nécessité de la chose même, à savoir de l’existence de Dieu, détermine ma pensée à le concevoir de cette façon. Car il n'est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence (c'est-à-dire un être souverainement parfait sans une souveraine perfection), comme il m'est libre d'imaginer un cheval sans ailes ou avec des ailes. »
Descartes ne peut concevoir un Dieu n'ayant pas pour attribut l'existence, au même titre qu'il n'y aurait pas de montagne sans vallée. Pour lui, Dieu est nécessairement parfait. Ainsi l'existence est elle-même une perfection, car ce qui n'existe pas n'est, par essence, pas parfait. Par conséquent, Dieu ne pourrait être parfait sans posséder l'attribut de perfection qu'est l'existence. Ce qui nous amène au syllogisme suivant appliqué par Descartes :
- Dieu est un être parfait.
- Une perfection qui ne comprendrait pas l'existence ne serait évidemment pas complète.
- Donc, Dieu est aussi doté de l'existence.
Pour simplifier, et comprendre plus clairement, on remplacera Dieu par n'importe quelle création imaginaire. Par exemple, si nous continuons avec notre personnage Mickey ; personne ne créer de débat philosophique sur l'existence ou non de ce dernier ; Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il n'est pas le produit d'une réflexion logique, contrairement à Dieu qui peut être retrouvé par le raisonnement. Puisque dans la réalité, une souris ne parle pas, ou ne porte pas de vêtement, mais plus directement parce que Mickey est un cartoon, et par essence un cartoon n'existe pas. On dit alors que Mickey est du domaine de l'imagination. Mickey, contrairement à Dieu, ne peut subsister par lui-même et a besoin d'une intelligence extérieure pour s'ancrer dans la réalité, en l'occurrence ici, il s'agit de l'imagination de Walt Disney.
Allah ! Pas de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même « al-Qayyum ».
اللَّهُ لَا إِلَٰهَ إِلَّا هُوَ الْحَيُّ الْقَيُّومُ
« Al-Qayyum » est un attribut de Dieu en Islam, que l'on retrouve dans le Coran. Il a pour signification Celui qui subsiste par Lui-même, mais aussi, Celui qui existe, qui est éternelle et sans changement. Cette notion sous-entend aussi, qu'Il n'est pas atteint par l'inexistence et par l'anéantissement.
En islam, nous n'aimons pas dire que Dieu est parfait ou qu'Il existe, mais plutôt que Dieu est exempt de toutes imperfections, et de l'inexistence. Dire que Dieu est parfait, sous-entend une limite, une case dans laquelle Dieu serait assujetti. Ce serait rabaisser Sa divinité. Or, dire qu'Il est exempt d'imperfection permet de ne pas donner de limites à Sa perfection, et montre qu'elle dépasse la compréhension terrestre de la notion de perfection. De la même manière, Dieu existe d'une façon qui transcende notre compréhension de l'existence.
Dernière question : Pourquoi Dieu subsiste par Lui-même ? Tout simplement parce qu'Il est, par essence, éternel, indépendant de toute chose de Sa création. Autrement dit, le concept de Dieu existe indépendamment de l'homme et de l'esprit. Si vous comprenez que l'homme n'est pas, et n'a pas été le créateur de la pensée, vous vous rapprocherez certainement d'une bonne compréhension de ce qu'est Dieu.
L'Argument Cosmologique ?
L'argument cosmologique tire sa légitimité dans l'explication de la première cause de l'univers. La démonstration avancée ci-dessous sera extrêmement précise, et les mots employés ne doivent aucunement être altérés, sans quoi le raisonnement deviendrait faux.
C'est une argumentation qui a été utilisée par de nombreux grands esprits tels que Aristote, Saint Thomas d'Aquin, ou encore Al-Kindi. Il se présente sous la forme suivante : Forme A- Si l'univers est compréhensible, alors tout a une cause, la cause a elle-même une cause et ainsi de suite.
- Or si la suite est infinie alors l'univers n'est pas compréhensible (ce qui viole la première prémisse).
- Donc la suite n'est pas infinie. Il existe une cause ultime ou cause première qui n'est causée par rien et que l'on peut appeler Dieu.
Ce raisonnement peut aussi être décomposé en deux étapes syllogistiques, et prendre la forme qui suit :
Forme B- Tout ce qui commence à exister à une cause.
- Or l'univers a commencé à exister.
- Donc l'univers à une cause.
- La cause de l'univers ne doit pas avoir de cause.
- Or Dieu est éternelle, autrement dit, Il est incausé.
- Donc Dieu est la cause de l'Univers.
Nous ne commenterons pas ici l'ensemble des étapes, car nous y reviendrons pour apporter des explications plus précises à chacune d'entre elles, concernant d'autres problématiques.
Toutefois, le premier élément auquel fait référence cette démonstration est le principe de causalité. C'est-à-dire que chaque cause produit un effet, et chaque effet est le produit d'une cause. La cause précède toujours l'effet, et l'effet ne peut précéder sa cause. C'est un principe admis aussi bien en philosophie qu'en physique mécanique, qui n'a jamais été mis à défaut. Donc les prémisses (A ; 1) et (B ; 1,2,3) sont vraies.
Ensuite, le raisonnement fait appel à la cause de l'univers, une cause qui serait elle-même sans cause. C'est-à-dire que l'on conçoit l'Univers avec un commencement, et qu'il ne peut être une suite d'évènements infinis. Nous ne développerons pas plus ici, mais, pour comprendre la vérité de ces prémisses (A ; 2 et B ; 4), il faut se référer à la réfutation de l'argument de la régression infini , la troisième voie de Saint Thomas d'Aquin et à la théorie du Big Bang . S'il peut y avoir une cause sans cause, c'est simplement parce que le Big Bang, soit la naissance de l'univers pour simplifier, a créé l'espace/temps, et par conséquent, les lois de la physique ne s'appliquent pas antérieurement à cet évènement, comme le principe de causalité, puisqu'il n'y avait pas encore de dimensions physiques.
Le dernier point est l'allusion au Dieu éternel. Cela fait partie intégrante de Sa définition, et se retrouve justifié dans les révélations abrahamiques.
Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
L'expression « Au commencement », par laquelle commence la traduction française de la Bible, dans la Genèse, est pertinente, car elle est différente de « Dès le commencement ». Elle vient alors montrer que Dieu existe avant la création, des cieux et de la terre, autrement dit, de l'Univers. Cela ne décrit que le commencement de notre Univers et démontre que le Dieu biblique possède l'attribut d’Éternité. D'ailleurs, un des noms de Dieu que l'on retrouve le plus souvent dans la Bible est l'Éternel.
Pour en revenir à l'islam :
Il n'a jamais engendré, n'a pas été engendré non plus.
لَمْ يَلِدْ وَلَمْ يُولَدْ
Ce verset du Coran montre l'attribut d’Éternité de Dieu en islam, et particulièrement le fait qu'Il soit incausé. Nous avions vu également, dans l'article précédent que Dieu subsistait par Lui-même (Al-Qayyum). Même si tout cela peut vous paraître incohérent, il faut se rappeler que Dieu n'est pas soumis aux mêmes lois que nous, Il transcende l'espace et le temps, de ce fait, il transcende également le principe de causalité. Dieu n'est pas assujetti aux lois dont Il est supposé être le Créateur.
Cette démonstration, nous l'avons peu développée ici, mais il faut garder à l'esprit, qu'elle refait surface, en raison des dernières découvertes en cosmologie sur l'Univers et notamment sur son origine.
Partie 3 - Les Autres Arguments Philosophiques
Dans cette dernière partie, traitant des arguments favorables à l'existence de Dieu, nous exposerons ceux qui ne sont pas d'ordre rationnel, bien qu'ils puissent en présenter la forme.
Les démonstrations qui suivent sont pour la plupart incompatibles avec la véritable foi, et nous expliquerons pourquoi pour chacune d'entre elles.
Ce sont avant tout des arguments qui se basent sur l'intuition, et présentent parfois une certaine ambiguïté concernant la Nature de Dieu qu'ils défendent, raison pour laquelle nous apporterons une critique lorsque cela sera nécessaire, et cela nous permettra d'amener certaines précisions sur l'essence même de Dieu.
Le Pari de Pascal
Le pari de Pascal est une démonstration tirée des écrits du philosophe français Blaise Pascal, publiée dans l'œuvre Pensées. Elle cherche à établir l'existence de Dieu par un appel à la cupidité de l'homme. Cela consiste à dire, bien que les chances que Dieu existe soient minces, il serait absurde de ne pas y croire, puisque la mise est minimale : la dévotion à une doctrine religieuse ; et l'enjeu extrêmement profitable : le paradis.
« S'il y a un Dieu il est infiniment incompréhensible, puisque n'ayant ni parties ni bornes, il n'a nul rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu'il est, ni s'il est. Cela étant qui osera entreprendre de résoudre cette question? Ce n'est pas nous qui n'avons aucun rapport à lui. Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison; ils déclarent en l'exposant au monde que c'est une sottise, stultitiam, et puis vous vous plaignez de ce qu'ils ne la prouvent pas. S'ils la prouvaient ils ne tiendraient pas parole. C'est en manquant de preuve qu'ils ne manquent pas de sens. Oui mais encore que cela excuse ceux qui l'offrent telle, et que cela les ôte du blâme de la produire sans raison cela n'excuse pas ceux qui la reçoivent. Examinons donc ce point. Et disons : Dieu est ou il n'est pas; mais de quel côté pencherons-nous? La raison n'y peut rien déterminer. Il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous'? Par raison vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix, car vous n'en savez rien. Non, mais je les blâmerai d'avoir fait non ce choix, mais un choix, car encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute ils sont tous deux en faute; le juste est de ne point parier. Oui, mais il faut parier. Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqués. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons; puisqu'il faut choisir voyons ce qui vous intéresse le moins. Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude, et votre nature, deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée puisqu'il faut nécessairement choisir, en choisissant l'un que l'autre. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude? Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez vous gagnez tout, et si vous perdez vous ne perdez rien : gagez donc qu'il est sans hésiter. Cela est admirable. »
Le pari Pascalien peut se formuler ainsi :
- Si Dieu n’existe pas, le croyant et le non-croyant ne perdent rien.
- Si Dieu existe, le croyant gagne tout, c'est-à-dire le paradis, la béatitude, le non-croyant va en enfer, donc perd tout.
- Il est donc plus avantageux de croire en Dieu.
Cet argument n'a rien de commun avec la véritable foi, et on peut y apporter des réfutations légitimes :
Premièrement, ce n'est pas une réelle preuve de l'existence de Dieu, mais plutôt un questionnement. Cette manière de pensée ne permet pas l'accès à Dieu en pensant Son existence comme une certitude, et de ce fait, ne permet pas de créer une relation saine avec Dieu.
Le second reproche le plus courant au pari de Pascal est de présenter un « Dieu des hypocrites ». Peut-on vraiment accéder au paradis si l'on croit en Dieu seulement sur la base d'un pari, seulement pour tenter d'obtenir le paradis au cas où « Dieu existerait ». La cupidité n'est pas acte de vertu, et nous avions vu que les hommes qui raisonnent par intérêt ne sont pas guidés.
Pour Pascal, Dieu ne pourrait être connu par l'homme, car Dieu est infini, contrairement à l'homme qui serait fini. Le corps de l'homme est effectivement « fini » d'une certaine manière, d'un point de vue matérialiste, mais nous pouvons démontrer que l'esprit de l'homme, lui, n'est pas fini, si l'on préserve le même angle de vision.
Quel est le nombre le plus grand que vous pouvez imaginer ? Jusqu'à combien pouvez-vous compter ? Même si vous ne savez pas forcément dénommer ce nombre, vous pouvez en réalité imaginer un nombre avec une infinité de chiffres.
Pensez maintenant à un objet quelconque. Combien de répliques de cet objet pouvez-vous faire dans votre esprit ? Une infinité, ce qui prouve que notre esprit est en réalité infini.
Votre esprit est, par conséquent, infini aussi bien en quantité qu'en qualité, ce qui le rend infini dans la dimension de l'espace. Votre esprit reste limité par la dimension de l'espace, mais n'est pas limité dans l'espace. Sachant que le Temps est indissociable de l'Espace, nous pourrons également en conclure alors, que notre esprit est infini dans le Temps. Ce qui vous permet de comprendre, d’une certaine manière, l'immortalité de l'âme.
L'Argument du Pourquoi ?
Cet argument rejoint un peu l'argument téléologique. Il s'appuie sur l'intuition selon laquelle, si la science s'occupe d'expliquer le « Comment ? », il est nécessaire qu'il y ait une étude du « Pourquoi ? ». Or, à ce jour, seul la théologie, et plus globalement la religion répond à cette question.
Cela correspond à des interrogations simples que tout homme peut être amené à se poser le long de sa vie, et dont les réponses peuvent être vitales pour certains :
- Pourquoi existons-nous ?
- Pourquoi ce monde ?
- Pourquoi la vie ?
- Quel est le but de tout ceci (l'Univers) ?
- Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
La réponse à ces « Pourquoi » ne pourrait être que transcendante, c'est-à-dire qu'elle doit être une raison supérieure à la simple justification humaine de l'existence. Mais surtout, il ne pourrait y avoir un « Pourquoi » pour chaque être humain, si nous cherchons l'unité. La réponse à ces questions ne doit pas être une invention de la pensée humaine, mais à l'origine de cette dernière. Dieu est la seule explication rationnelle et objective qui semble apporter des réponses auxquelles la science ne peut et ne pourra jamais rien apporter. Nous reviendrons sur ces questions pour discuter particulièrement du sens de la vie.
Quelques Tentatives Argumentatives ?
Les arguments qui suivent ne sont pas de réelles preuves, mais plutôt des élaborations théoriques dans un but de démonstration de l'existence de Dieu.
L'argument historique : Il a été soutenu dans les premières sociétés du Proche-Orient ancien. Cette théorie affirme que l'homme serait trop anxieux pour avoir la possibilité de libérer lui-même un esprit assez créatif afin de résoudre ses problèmes et être réellement responsable des premières inventions. D'autre part, il serait trop égocentrique pour s'orienter de lui-même vers une société organisée, sans qu'une force venue d'ailleurs la lui ait originellement imposée. Cette hypothèse pourrait expliquer l’individualisme des sociétés occidentales qui s'éloignent de la spiritualité, soit le désordre social en corrélation avec la baisse de spiritualité. Cependant, cette théorie nie les caractères naturels, la bonté et l'altruisme de l'homme.
L'argument panthéiste : Il définit le divin comme le Tout, soit l'Univers. Un des premiers à définir cet argument de manière philosophique est Baruch Spinoza, le philosophe hollandais, bien qu'il n'ait jamais employé le mot de « panthéisme ». Nous l'avons déjà évoqué, cet argument ne concerne nullement notre compréhension du monothéisme abrahamique, car Il devrait être pensé hors de Sa création, soit hors de l'Univers . Ce genre d'argumentation conduit, lorsqu'on pousse le raisonnement jusqu'au bout, à considérer que Dieu est finalement compris dans l'homme et dans son esprit, ce qui est contraire à une bonne compréhension de Dieu. On retrouve ce genre de conception dans les religions plus orientales.
L'argument de la limite de la connaissance humaine : Si l'homme a une connaissance limitée des choses, par corollaire, il existe un domaine au-delà de ces limites, soit un domaine dans lequel on pourrait placer Dieu. Cet argument est proche de la notion de croyance proposée par Kant. Nous éclaircirons les positions de Kant dans un autre chapitre.
L'argument anthropique : Il a été présenté par le Dr. Gregory A. Boyd, théologien américain. Il établit que notre univers ne pourrait pas avoir créé des êtres personnels (c'est-à-dire aimants, rationnels, conscients, moraux, et motivés par un but) sans que notre environnement ne le soit aussi, parce que sinon il ne nous correspondrait pas, et ce serait alors, comme si la nature accouchait d'un poisson alors qu'elle ne contient pas d'eau. Cette théorie, si nous allons jusqu'au bout du raisonnement, nous renvoie en réalité d'une certaine façon à l'argument téléologique .