Introduction
Si nous avons défendu le vote jusquʼà maintenant, il serait bon dʼapporter un éclairage sur les arguments qui sʼy opposeraient en règle générale et en dehors de la religion. Nous essaierons de développer ici une argumentation contre lʼabstention afin de démontrer son inutilité. Et nous aborderons également la problématique du vote blanc.
Nous devrons sortir pour un temps du cadre religieux, afin de traiter ces questionnements qui sont consubstantiels à un contexte précis : la France du XXIe siècle. Sortir du cadre religieux ne signifie pas cesser dʼêtre croyant. Notre subjectivité en tant que musulman ne nous empêche aucunement de discuter de ces questions dont les arguments religieux nʼont aucune emprise. Se faire lʼavocat du vote et contre-argumenter contre lʼabstention, ne signifie pas que la politique se résume à lʼunique acte de votation.
« Qui ne dit mot consent » ?
Le vote est un risque que prend le système. Cʼest la seule faille, la seule marge de manœuvre que nous, citoyens, avons de manière pacifique et individuelle pour le changer. Lʼautre moyen est la création dʼun rapport de force à lʼimage du mouvement des gilets jaunes, même si, à lʼheure où nous sortons ce livre, en avril 2019, les gilets jaunes nʼont toujours rien obtenu de concret, malgré leur mobilisation, si ce nʼest une accélération du programme de Macron.
« Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s’occupe de vous tout de même. »
La preuve que le vote reste un danger pour le système, cʼest lʼargent quʼinvestit le système dans la presse. Des dizaines de millions dʼeuros en subvention dans la presse papier dʼune part, mais pire encore, les banques, les industriels et les sphères de la finance investissent et rachètent la presse et les médias. Le but est évidemment de piper les élections, par une vision éditoriale traitant les sujets dʼune certaine façon à orienter lʼopinion publique, et de sorte à créer de lʼempathie avec le candidat qui sera promu par ces mêmes médias. Un candidat qui va défendre la ligne du système, convenant parfaitement aux industriels et aux banquiers. Macron en a été la quintessence aux élections présidentielles de 2017.
En raison de tous ces mécanismes, dʼaucuns pensent alors, quʼil serait inutile finalement dʼaller voter, car en quelques sortes, les jeux seraient déjà faits. Puisquʼen effet, si les grands médias traditionnels font du favoritisme pour un candidat, par son temps de parole, par son traitement médiatique positif, par sa diffusion à des plages horaires de grandes écoutes, les élections sont en quelques sortes illégitimes, il y a une injustice qui se résume tout simplement à la propagande de masse. Et donc, le résultat serait connu à lʼavance : nous savions que Macron allait être élu. Or, il ne faut pas être dans ce fatalisme. Celui qui nʼa aucune combativité a déjà perdu. Celui qui nʼessaye pas de changer les choses, ne les changera jamais, contrairement à celui qui essaye. Il nʼy a pas encore si longtemps, au États-Unis, Donald Trump, quoi quʼon en pense, a été élu malgré les sondages, la presse médiatique américaine et internationale à lʼunisson contre lui. Pour vous indiquer que rien nʼest jamais joué, et que ce sont toujours ceux qui votent qui ont raison dʼy croire.
Omar ibn Al-Khattâb a raconté que le Prophète (ﷺ) avait dit : « Ne dois-je pas vous informer du meilleur de vos dirigeants et du pire dʼentre eux ? Les meilleurs dʼentre eux sont ceux que vous aimez et qui vous aiment, vous implorez pour eux et ils implorent pour vous. Ceux qui vous haïssent et vous les détestez, et ils vous maudissent et vous les maudissez. »
Les personnes ayant ce degré de conscience et dʼanalyse, capables de voir à lʼavance pour qui le système penche, devraient être les premiers à aller voter contre le favori sʼils veulent que le système bouge ses lignes. Il vaut mieux quelquʼun au pouvoir qui nʼest pas encore entièrement sous lʼemprise du système et des puissances financières, que lʼinverse. Mais surtout, il est important dʼaffaiblir son score électoral, afin dʼéviter de le laisser paraître écrasant, et sous peine de paraître légitime. Puisque si la finance met en avant ce candidat, cʼest parce quʼelle sait que son programme politique va dans son intérêt, lui permettant de garder le contrôle sur cet élu, sans contre-pouvoir.
Ensuite, ces mêmes personnes devraient aussi faire un travail de contre-propagande, en rédigeant des articles, en tenant un blog, un site internet, faire de la contre-information, ou de lʼinformation alternative, partager des articles sourcés et pertinents sur les réseaux sociaux, en vue justement de contrer ce candidat promu par lʼidéologie des puissances financières et en informer son environnement. Cʼest pourquoi, quiconque de bien informer, nʼaurait jamais pu voter Macron, car quiconque suit lʼactualité et sait la décrypter, voyait-en lui le candidat des ultra-riches, avec toute la manipulation de son parti, reposant sur du vent marketing et de la séduction.
Faire ce travail via les réseaux sociaux pour que lʼinformation se propage, circule et se diffuse le plus rapidement possible. Ne pas hésiter à mettre lʼaccent, à insister sur les informations les plus pertinentes et vérifiables facilement. Ce qui implique de faire attention à ne pas diffuser de fausses informations, et de bien recouper les sources, car même avec la presse mainstream, on peut être amené à diffuser des fake news malgré nous, tout comme on peut trouver quelques papiers de qualité diabolisant le candidat favori.
Toujours concernant lʼargument selon lequel le résultat serait connu à lʼavance, on ne peut pas vraiment lʼaffirmer sans réserve et prétendre que les élections seraient truquées. Malgré la propagande constituant un biais non négligeable, malgré le financement des campagnes présidentielles très inégalitaires, au terme final, ce sont bien les électeurs qui votent. Il y a des registres et des contrôles citoyens, puisque nʼimporte qui a le droit de participer au dépouillement. Même sʼil y a quelques irrégularités sur la procédure, nous ne pensons pas quʼelles soient significatives.
Si on revient sur lʼensemble ce traitement médiatique favorisant un candidat, une ligne directrice idéologique, tout cela peut produire de lʼexaspération chez une partie de la population qui ne fait plus confiance au processus électoral. Or, si vous ne votez pas, vous allez renforcer le système. Il nʼy a pas plus complice du système que les gens inactifs. « Qui ne dit mot consent ». Et pourtant, il y a encore des personnes qui pensent le contraire. Or, nous avons montré que le vote est un danger pour le système. Le système nʼaime pas que vous alliez voter pour quelquʼun qui pourrait le remettre en cause. Cʼest dʼailleurs pour ces raisons quʼil investit des millions en propagande médiatique, et que les banques et les milliardaires rachètent la grande presse nationale. Ce qui est vrai, cʼest que le vote peut renforcer le système si nous sommes sous influence de ces mêmes grands médias.
« Si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ça serait interdit. »
« Je ne crains pas le suffrage universel : les gens voteront comme on leur dira. »
Il faut faire preuve de plus dʼintelligence, dʼesprit critique, de vigilance, afin de faire mentir Tocqueville, comme le peuple américain a réussi à le faire avec Trump. La grande presse nʼinforme plus, mais vous délivre un discours préfabriqué. Bien garder à lʼesprit que le spectre politique est toujours plus large que les choix mis en avant par les médias. Sʼaider des réseaux sociaux et de lʼinformation nʼest pas suffisant. Il faut aussi sortir de la logique qui consiste à prendre lʼélection comme un jeu. Très grave défaut, que les psychologues ont mis en évidence, lʼhomme prend ces décisions par calcul cognitif, alors que normalement, nous devrions voter pour celui qui a le programme le plus juste. Ce que nous entendons par calcul, consiste à essayer de prédire quel candidat a le plus de chance de lʼemporter. Mais le problème de cette démarche, cʼest quʼon se fait toujours avoir, car le système lui, connaît bien la psychologie humaine. Il sait comment nous fonctionnons, et a déjà prévu cette réaction. Si bien que cʼest le système médiatique qui fera le calcul à votre place ou du moins, vous influencera dans celui-ci. Notamment en divisant les Français avec un échiquier politique droite et gauche, représenté par de faux partis politiques, fausses alternatives idéologiques. Mais la précaution ne sʼarrête pas là : lʼextrême gauche et lʼextrême droite, sont eux aussi de la partie, entretenant une fausse opposition, mais dont la complicité nʼest plus à démontrer.
« Le meilleur moyen de contrôler lʼopposition est de la diriger nous-mêmes »
Et ce qui se passe aujourdʼhui avec le mouvement des gilets jaunes, cʼest exactement le refus de ce professionnalisme mondain de la politique. Cʼest-à-dire, que des gens ayant compris la supercherie de lʼextrême gauche commence à parler avec des gens dʼextrême droite : les gens dʼextrême gauche provenant principalement de la gauche traditionnelle qui sʼest écroulée, et les gens dʼextrême droite, eux qui viennent aussi bien de la gauche que de la droite. Cet ensemble forme le peuple majoritaire. Dʼailleurs, cʼest pourquoi les sondages montrent un soutien inconditionnel aux revendications des gilets jaunes. Le mouvement des gilets jaunes nʼest que la partie émergente du peuple qui se réunifie là où lʼéchiquier politique à essayer de le diviser pour mieux le contrôler. Les Français ont réussi à se réunir au-delà des clivages partisans, et ont compris quʼil y avait des questions politiques prioritaires, que les grands partis politiques traditionnels ne remettaient jamais en question.
Le vote ne renforce pas le système si on vote pour un candidat qui veut sincèrement faire bouger le cadre du système. Et cela se voit clairement dans un programme pour celui qui sait lire.
Au contraire sʼabstenir, cʼest laisser perdurer le système actuel. Même avec 90 % dʼabstention, le système peut continuer à fonctionner et à faire son petit spectacle. On lʼobserve avec lʼexemple des gilets jaunes, un mouvement sans précédent, et pourtant, le gouvernement continue sa comédie comme si de rien nʼétait. La conséquence de mauvaises institutions, comme nous en discuterons dans le dernier chapitre.
Cf. Annexe : « La dissidence française et le mouvement des gilets jaunes »
Avec des critères obscures de répartitions. On apprend par exemple, dʼaprès les aides à la presse en 2017 communiqué par le site du ministère de la Culture, que Charlie Hebdo est un journal subventionné par l’État. On apprend aussi que parmi les groupes et société de presse les plus aidés en 2017, se trouve la Banque fédérative du Crédit Mutuel.
https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2009/09/09/le-credit-mutuel-se-taille-un-empire-de-presse-regionale-dans-l-est-de-la-france_1237983_3236.html
http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Presse/Aides-a-la-presse/Les-chiffres-des-aides-a-la-presse/Tableaux-des-titres-et-groupes-de-presse-aides-en-2017
https://www.humanite.fr/aujourdhui-ce-sont-les-milliardaires-qui-vous-informent-604244
Le journal lʼHumanité qui dépend aussi des subventions de lʼétat.
Sahîh Muslim, n°1855
Jami` at-Tirmidhî, n° 2264
Deux solutions nous semblent intéressantes pour contrer ces biais.
La première concerne le financement des campagnes. Pourquoi ne pas proposer un bon dʼune certaine somme, à chaque citoyen en âge de voter, quʼil devra investir dans le parti politique quʼil souhaite. Le bon pourrait soit être un unique montant pour financer un seul et unique parti, soit une somme que lʼon pourrait répartir comme bon nous semble, sur plusieurs partis.
La deuxième solution, sur lʼirrégularité des trafics de bulletins de vote, il suffirait simplement de rendre les votes non-secret. Même si la question du vote transparent nʼest pas prêt de voir le jour en France, car cela demanderait aux français dʼassumer leur vote, ce serait le seul moyen efficace dʼêtre sûre quʼil nʼy a pas dʼirrégularité. Rappelons que dans la démocratie athénienne, les gens votaient à main levée, et ne se cachaient pas.
La droite bourgeoise, elle, nʼa pas été touchée par les mouvements sociaux, parce quʼelle est celle qui est la moins à plaindre. Elle a su défendre ses intérêts durant ces dernières décennies de pouvoir.
Lʼabstention, premier parti de France ?
Autre problématique de lʼabstention, comment fait-on la distinction entre celui qui ne vote pas par contestation au système, et celui qui ne vote pas par simple désintérêt de la politique. Nʼimporte quel ennemi politique vous mettrait dans le même sac et aurait bien raison dʼutiliser ce procédé : « Il fallait voter si vous nʼêtes pas content », diront-ils. Ne pas voter, vous décrédibilise dans la responsabilité politique en tant que citoyen. Il est préférable dʼaller voter même blanc, que de sʼabstenir, pour que plus tard, lorsque vous contesterez les décisions, vous pourrez dire : « Jʼai voté », sous-entendu : « je nʼai rien à me reprocher », et vous serez légitime à la contestation. Cʼest ce qui a été la force de certains portes paroles des gilets jaunes, par exemple, lors du premier débat quʼil y avait eu sur la chaîne LCI, tous les portes paroles des gilets jaunes avaient voté aux présidentielles. Ils étaient donc crédibles dans leur contestation du pouvoir.
Quant à ceux qui nʼont pas voté, il ne devrait pas avoir leur mot à dire. Où était-il au moment opportun ? Cʼest trop facile de venir critiquer et de dire que rien ne change, si on ne se donne pas les moyens soi-même de changer les choses.
Et cʼest d’ailleurs un témoignage que nous avons trouvé dans un article de SaphirNews, qui est un site communautaire musulman :
« Ceux qui s’abstiennent doivent s’abstenir de critiquer la politique pendant les cinq ans à venir parce qu’ils n’ont pas rempli leur devoir », juge sévèrement Mamadou, 22 ans et électricien.
Ces paroles ne sont pas du tout sévères, elles sont juste normales pour qui cherche le bon sens. Et nous rappelons encore une fois que voter, cʼest témoigner. Cela ne signifie pas que nous sommes obligés de témoigner pour les candidats qui se sont présentés. Nous sommes libres de mettre ce que nous voulons dans lʼurne, y compris voter blanc.
Même celui qui a voté Emmanuel Macron est légitime dans la contestation, puisque le président Macron ne sʼen est pas tenu à son programme. Par exemple, sur la question des retraites, Macron avait annoncé quʼil nʼy toucherait pas, et pourtant, en Janvier 2018, été annoncé une hausse de la CSG pour les retraités, et en Août 2018, une désindexation des pensions de retraites. Cʼest pourquoi il y a beaucoup de retraités et de personnes âgées parmi les gilets jaunes.
« Jʼai voté Macron » ?
Il existe cette catégorie de gens non-politisés, qui disent : « Moi, jʼai voté Macron, et je ne savais pas quʼil allait nous trahir ». Sont excusables, les jeunes sans expérience politique. Mais celui qui a dépassé la trentaine, après avoir vu passer plusieurs présidents et leur campagne électorale, sʼil nʼest pas capable de tirer dʼenseignement sur deux ou trois mandats présidentiels, il ne le fera jamais. Honnêtement, il est difficile aujourdʼhui avec internet et tous les réseaux sociaux de ne pas être informé, de ne pas connaître la moindre analyse, la moindre critique, que ce soit des articles de journaux très sérieux, ou parfois de petites vidéos amateures, nʼayant rien à envier aux « experts ». Ce qui est vrai avec internet, cʼest que cʼest un outil quʼon doit apprendre à maîtriser. Mais ce travail ne peut être fait que par vous-mêmes, par soucis de vigilance : apprendre à trier, à vérifier les sources, à détecter les sources alternatives qui sont parfaitement crédibles. La meilleure des stratégies consiste à écouter tout le monde. Dès quʼune personne dit une chose que lʼon ne peut pas vérifier, on la garde dans un coin de sa tête, réservé aux éléments non-vérifiables mais probables, et au fur et à mesure que lʼon écoute les autres, que lʼon apprend, que lʼon lit, le tri se fait naturellement. Des éléments se valident, dʼautres se voient rejeter. Cette méthodologie fonctionne bien, mais dépend de votre tolérance à ce que vous considérez comme probables, mais aussi, de lʼimportance du nombre de vos préjugés. Si vous nʼavez pas appris à vous déconditionner, à désapprendre, vos idées préconçues risquent dʼinvalider des idées vraies, ou de voir valider des idées fausses.
Sur internet, vous avez des analyses politiques de haut niveau, accessibles gratuitement, quʼil faut au moins connaître si vous voulez voter de façon responsable, et non pas témoigner seulement pour le candidat qui à lʼair gentil, quʼil a de beaux discours enjoliveur, un beau physique, ou qui présenterait dʼautres critères insignifiants.
Le vote utile ?
Un autre argument consiste à dire que si lʼon ne vote pas par calcul, autrement dit, pour le parti, parmi ceux qui nous représente le mieux, et qui aurait le plus de chance de remporter les élections, mais quʼau contraire, nous nous tournions vers un petit parti, alors ce serait prendre les élections comme un simple jeu. Cʼest ce quʼon appelle une inversion accusatoire. Puisque justement, celui qui vote en établissant des pronostics, se trouve dans le même cas des paris équestres, il essaye de prédire le cheval qui a le plus de chance de gagner la course. Cʼest ce quʼon appelle le vote utile. Alors que nous nʼarrêterons pas de vous répéter, surtout pour un musulman, que nous devons voter pour le plus juste, si nous voulons que notre pays soit juste, et non pas pour celui qui a le plus de chance de lʼemporter. Si vous allez aux urnes dans lʼespoir de gagner, cʼest que vous nʼavez toujours pas compris comment cela fonctionne.
Et cʼest très loin dʼêtre un jeu, puisque pour un musulman, Dieu sait pour qui est-ce que nous avons témoigné, et Il sait aussi si nous avons été sincères au moment du vote. La sincérité dans le témoignage est une récompense. Si Dieu sait, peu importe le vote, même si le système français ne le prend pas en considération, ce nʼest pas notre problème : nous aurons accompli notre devoir.
Voter blanc peut être une solution si aucun représentant ne nous convient. Mais il existe une autre solution, qui consiste à mettre le nom de celui quʼon veut voir nous représenter, même sʼil nʼest pas candidat. Certes, le système actuel ne le prendra pas en considération, mais encore une fois, question aux musulmans, est-ce que Dieu va prendre en compte le fait que nous ayons témoigné pour le plus juste ? Évidemment que oui.
Quant à ceux qui ne participent pas aux élections, tant pis pour eux, mais surtout quʼils ne se plaignent pas après sʼils subissent des injustices. Lorsque vous votez, faites confiance à Dieu, car Dieu nʼest pas injuste, mais ce sont les gens qui se font du tort à eux-mêmes.
Lʼautre avantage de voter pour les petits partis, et nous parlons ici du système français, cʼest quʼun combat politique se mène sur le long terme. Il est évident quʼun candidat ne va pas être président à sa première élection (à moins dʼêtre le candidat du système, aidé par les réseaux médiatiques). Lʼacte du vote peut se penser sur le long terme, en prenant en considération lʼavenir du candidat ou du parti que lʼon veut faire grimper. Même sʼil ne remportera pas les élections, son score lui permettra dʼêtre plus crédible à lʼavenir et dʼavoir plus de visibilité médiatique, pour ainsi mettre les idées dans le débat public. Mais aussi, dans le système français, si le parti politique, lors dʼune élection présidentielle par exemple, atteint la barre des 5 % des suffrages exprimés, il y a un remboursement des frais de campagne. Et ce remboursement nʼest pas négligeable, quand on sait que dans ce système, lʼargent, cʼest un peu le nerf de la guerre. Car faire grandir un parti politique, faire du tractage dʼaffiches, organiser des conférences, tout cela coûte de lʼargent. Et si vous nʼatteignez pas ce seuil des 5 %, vous repartez avec un budget proche de zéro. Alors quʼavec un remboursement, vous savez que vous pourrez déployer au minimum les mêmes moyens que la campagne électoral précédentes, si ce nʼest plus.
Le vote ne permet pas de faire surgir les meilleurs ?
Effectivement, lʼexpérience de ces dernières décennies en France, pourrait nous laisser croire que le vote ne permettrait pas de faire surgir les meilleurs. Mais il y a trois nuances et explications à apporter à ce désordre.
Tout dʼabord, il ne faut pas confondre le vote et le processus de lʼélection. Le vote dépend de lʼétat dʼesprit des votants et de leur degré dʼinformation, quant à lʼélection, elle, dépend des règles de sa procédure. Si ses règles ne sont pas écrites de sorte à faire surgir les meilleurs, alors mécaniquement, nous ne les aurons pas. La procédure actuelle, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, nʼest pas le seul mode de scrutin possible et existant, pour faire surgir un élu à lʼimage du peuple.
Mais vouloir faire surgir les meilleurs dans une démocratie appelle un autre questionnement. Quʼentend-on par « les meilleurs » ? Car si nous souhaitons les meilleurs, nous ne voulons donc pas dʼune démocratie, mais dʼune aristocratie.
On rappelle que l’aristocratie signifie étymologiquement le pouvoir des meilleurs, les aristoï. Et le procès dʼintention que l’on fait très souvent à la démocratie serait de mettre à égalité lʼavis des élites avec celui des moins instruits ou des moins cultivés. Ainsi, lors des élections, la voix dʼune élite a le même poids que celle dʼune personne moins instruite. Or, cette argumentation possède plusieurs faiblesses, qu’on ne peut véritablement observer si on reste sur le plan purement théorique et spéculatif de ce quʼest une élite.
Premier problème, comment fait-on pour savoir qui est le meilleur puisque nʼimporte qui peut penser lʼêtre ? On ne peut pas accepter celui qui sʼautoproclame compétent. Généralement, on se base sur les titres, les diplômes, or, peut-on considérer la politique comme une science que lʼon pourrait confier à des professionnels. Le bien commun, nʼest-il pas lʼexpression de la volonté générale ? Qui possède la volonté générale si ce nʼest le peuple lui-même ? Et comment connaît-on lʼavis du peuple si on ne le consulte pas ? Or, pour connaître la volonté générale, nous sommes obligés de passer par le vote, et en particulier par le référendum.
Nous savons aussi que ceux qui sont véritablement compétents ne veulent pas forcément du pouvoir, connaissant la responsabilité que cela implique et le caractère corruptible quʼil est susceptible d’insuffler à lʼâme. Avons-nous vraiment les meilleurs qui se présentent aux élections ? Cʼest une question qui, si elle se répondrait par la négative, expliquerait en partie la raison de lʼabstention massive en France. Mais cela rejoint le premier point, concernant les règles de la procédure des élections à instituer permettent-elles de faire surgir les meilleurs ?
Autre problème, il ne sʼagit pas toujours dʼune décision à prendre entre deux opposés. Lorsqu’il y a deux bonnes solutions, comment fait-on pour savoir laquelle des deux choisir ? Car c’est là où se situe tout le débat. Il faut que la solution soit en accord avec la volonté générale. Or, qui peut décider de la solution à suivre si ce n’est l’ensemble du peuple lui-même. Le problème ne situe pas dans la dualité entre l’instruit et le non-instruit, car comme le rappel le Coran, nous sommes tous instruits sur certains sujets et moins sur dʼautres, et nous sommes tous des élites dans nos domaines, nos disciplines et nos métiers respectifs. Mais la véritable dualité se trouve entre le bienveillant qui cherche lʼintérêt commun et le malveillant qui cherche lʼintérêt particulier. Car même lorsquʼil sʼagit de choisir entre deux solutions alternatives opposées, une bonne et une mauvaise, même le plus instruit peut choisir la mauvaise, car elle ne lʼest pas pour lui, mais elle lʼest seulement pour le bien commun.
Or, on a dit que le politique consiste à gérer les affaires de la cité, et notamment à légiférer, réguler et réglementer les différents corps de métier, mais aussi les sanctions pour les infractions, et les comportements sociopathes. Chaque individu dans la société est concerné car il sʼagit de sa liberté qui sera limitée par ces lois. Or, qui peut prétendre savoir mieux que le peuple qui exerce ces différents métiers ce qui est bon pour lui. Ce qui est grave aujourd’hui, c’est que des gens non élus sʼarrogent le droit de parler au nom du peuple, non écouté, à qui on impose des réglementations qu’ils n’ont pas demandées, et qui les empêchent de travailler correctement. Ce sont les lobbies qui défendent leurs intérêts, par un travail dʼinfluence que le peuple nʼa pas le temps ou les moyens dʼexercer.
Prétendre que les élites ne peuvent être issus du peuple, cʼest prétendre un séparatisme entre les hommes, qui finira par devenir une oligarchie ploutocratique. Cʼest ce que nous avons aujourdʼhui sous nos yeux en France. Des gens qui sʼautoproclament expert et dont les chances dʼaccéder au pouvoir sont favorisées par leur idéologie néo-libérale ultra-capitaliste, ou par les puissances financières gérant tout lʼaspect marketing et médiatique permettant la préservation des intérêts des plus riches et de leur domination idéologique au sein du pouvoir.
Qui mieux que le peuple sait ce qui est bon pour lui ? Et dʼoù peuvent provenir les élites si ce nʼest du peuple ? Ne pas reconnaître le caractère démocratique essentiel à lʼémergence dʼune aristocratie, revient à tomber dans le mépris du peuple, que lʼon connaît maintenant depuis trois siècles. Notamment avec les écrits du psychologue social Gustave LeBon. Dans son célèbre ouvrage Psychologie des foules, il décrit les masses populaires comme des entités ne pourrait rien produire de bon.
« Comment donner en fait aux hommes qui composent le peuple de France la possibilité dʼexprimer parfois un jugement sur les grands problèmes de la vie publique ? Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, quʼil circule à travers lui aucune espèce de passion collective ? »
Effectivement, elle ne produira rien de bon si on lʼexcite dans ses pulsions les plus primaires, quʼon l’enferme dans cette masse insondable, et que l’on sʼexprime toujours à sa place, sans lui donner le pouvoir de décider. Cʼest lʼépoque de la fabrication de l’opinion publique, avec des précurseurs comme Edward Bernays, fabriquant dʼimage et de manipulation psychologique à grande échelle. Sʼil y a manipulation médiatique, c’est qu’il n’y a plus véritablement démocratie, car ce n’est plus la volonté du peuple qui est à l’œuvre, mais la volonté de celui qui le manipule. Quʼest-ce quʼun média, si ce nʼest des gens qui sʼorganisent pour mettre en forme lʼinformation afin quʼelle aille dans leurs intérêts. On reconnaît un média honnête, et rares sont-ils, lorsque celui-ci met en lumière des avis qui vont à lʼencontre de sa ligne directrice éditoriale. Encore une fois, si des gens ont voté Macron, c’est essentiellement parce que les médias des plus riches, qui ont le plus dʼinfluence, on su investir et fabriquer l’opinion publique pour préparer les Français à voter ce quʼon leur a dit de voter.
Une élite ne pourrait être bonne que lorsquʼelle reste connectée à sa base. Étant donné quʼune plante qui se déracine est une plante morte. Tout comme le politicien qui a perdu son principe de réalité par sa formation technocratique, et qui finit par se complaire dans le pur intellectualisme administratif et la joute verbale sous forme de langue de bois et de bien-pensance.
Le procès dʼintention que lʼon fait souvent à la démocratie, cʼest de ne pas faire surgir les meilleurs. On retrouve cette argumentation chez René Guénon, métaphysicien français du début du XXe siècle, quʼune certaine frange de la dissidence aime reprendre pour critiquer la démocratie. Tout dʼabord, il nʼévoque jamais le tirage au sort qui a une place importante dans la démocratie, comme nous le verrons dans le chapitre suivant. Et en réalité, si nous étions plus attentifs à sa lecture, nous verrions que Guénon fait une critique de la « démocratie » représentative. Il aurait pu faire remarquer lʼoxymore que représente ce régime, puisque si René Guénon aurait été vraiment compétent en matière politique, il aurait su relever la contradiction qui existe entre le supposer pouvoir promis au peuple, et dans le même temps, des représentants qui exercent la souveraineté au détriment de ce même peuple. On retrouve ce préjugé chez de nombreux intellectuels, trompés par une fausse idée paraissant évidente.
Mais René Guénon nʼaurait pu faire ce genre de remarque, car selon lui, la démocratie est un non-sens en le justifiant par le fait que le peuple ne pourrait pas être à la fois gouverné et gouverneur.
« Si l’on définit la “démocratie” comme le gouvernement du peuple par lui-même, c’est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu’à n’importe quelle autre ; il ne faut pas se laisser duper par les mots, et il est contradictoire d’admettre que les mêmes hommes puissent être à la fois gouvernants et gouvernés, parce que, pour employer le langage aristotélicien, un même être ne peut être “en acte” et “en puissance” en même temps et sous le même rapport. »
Ceci faisant référence aux propos dʼAristote :
« Le principe de base de la constitution démocratique c’est la liberté [c’est, en effet, ce qu’on a coutume de dire, parce que c’est seulement dans une telle constitution que les citoyens ont la liberté en partage; c’est à cela, en effet, que tend, dit‑on, toute démocratie], et l’une des formes de la liberté c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant. »
Or, même dans un gouvernement représentatif, nous ne trouvons rien dʼanormal à ce que les représentants puissent être gouvernés par les mêmes lois. Cʼest même ce qui devrait être en tant normal, soit les représentants devraient être gouvernés par les lois quʼils mettent en place. Mais pour cela, il faut de lʼéthique personnelle. Or, si lʼon attend que les bonnes personnes craignent leur propre loi, dans un état laïc qui plus est, nous pouvons toujours rêver. Cʼest pourquoi, la véritable démocratie athénienne avait su trouver des solutions pour empêcher aux riches et aux représentants dʼavoir toujours plus de privilèges. Car ce qui est important, ce nʼest pas que les meilleurs hommes surgissent, mais que surgisse le meilleur de lʼhomme.
Que ces arguments soient soutenus par les défenseurs de lʼaristocratie, semble cohérent. Mais depuis que nous voyons émerger, notamment grâce au mouvement des gilets jaunes, la proposition du référendum à lʼinitiative citoyenne, nous voyons les prétendus démocrates nous sortir lʼargument selon lequel le peuple nʼaurait pas toujours raison. Leur réaction montre que nous ne vivons pas dans une démocratie. Car, pourquoi cet argument surgit sur le référendum, mais jamais celui-ci nʼest évoqué pour remettre en cause le vote du peuple lors de lʼélection présidentielle. Effectivement, le peuple nʼa pas toujours raison, mais il sera plus légitime quʼune poignée dʼoligarques qui, elle aussi, nʼa cessé de faire des erreurs, jusquʼà faire payer au peuple des décisions quʼil nʼavait pas prises. Au moins, si le peuple gouverne, il paiera ses propres erreurs.
Les deux ne sont pas opposés, contrairement à ce que prétendait René Guénon, dans son ouvrage la Crise du Monde Moderne, dans lequel il dit à ce propos : « L’argument le plus décisif contre la “démocratie” se résume en quelques mots : le supérieur ne peut émaner de l’inférieur […] ». René Guénon, défendant lʼaristocratie, est élitiste, et montre ici son mépris pour le peuple en lʼassimilant à lʼinférieur de lʼhumanité.
Cf. Chapitre suivant pour les définitions.
Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques », dans « Écrits de Londres et dernières lettres », Université du Québec à Chicoutimi, coll. Les classiques des sciences sociales, (1957), p.115-116.
Le mouvement spontané des gilets jaunes, prenant naissance à la fin de l’année 2018 en France, a démontré à maintes reprises qu’une « foule » de gens peut tout-à-fait avoir une conduite raisonnée et pacifique, avec des convictions sensées.
La première de couverture du journal Libération du 6 et 7 mai 2017, avait mis en gros titre sur toute la surface de la première page : « Faites ce que vous voulez mais votez Macron ».
https://www.forbes.fr/politique/commission-attali-rothschild-bercy-elysee-les-ressorts-de-lascension-fulgurante-du-president-macron/
Cf. Juan Branco, « Crépuscule », disponible en ligne au format PDF :
http://branco.blog.lemonde.fr/files/2019/01/Macron-et-son-Crepuscule.pdf
René Guénon, « La crise du monde moderne », p.131.
Aristote, « Les Politiques », Livre VII, Chapitre PREMIER, §6.
« Les gens ne votent pas toujours de façon raisonnable » ?
Si les gens votent parfois contre leur propre intérêt, cʼest très souvent parce que les médias nʼont pas joué leur rôle dʼinformateur et de relayeur des opinions diverses et variées, mais quʼau contraire, ils font un travail de propagande. La désinformation par lʼomission dʼarguments est souvent légion dans les médias dominants. Si les médias ne donnent la parole quʼà certains experts, et en mettent dʼautres de côté, il est normal que le résultat se retrouve biaisé, et que le peuple donne sa voix aux candidats promus.
Cʼest d’ailleurs une des raisons pour laquelle nous avons des gilets jaunes aujourdʼhui dans la rue, qui contestent le résultat produit par les mauvaises règles du cadre électoral. Et quand on sait que quasiment tous les grands médias, radio, télé, journaux, sont tenus par une poignée de milliardaires, faisant du copinage avec le pouvoir, quelles sont alors les chances de voir à la tête du gouvernement un autre élu, que celui qui a été coopté par le pouvoir financier. Il sʼagit ici de répondre à la question de la vraie pluralité des débats, des experts, de la répartition du temps de parole des candidats, des plages horaires de grande écoute, et autres facteurs, conduits de façon inégalitaire en France.
Lʼutilité des partis politiques ?
Le système républicain, tel quʼil est actuellement, ne permettra pas de mettre fin aux partis politiques. Ils sont nécessaires aux candidats pour optimiser leur chance de remporter les élections, et se formeront naturellement. Mais rien nous empêche dʼen faire la critique. Simone Weil, la philosophe chrétienne mystique, du début du XXe siècle, a écrit la note sur la suppression générale des partis politiques, qui est une critique assez fondée, non pas sur la démocratie, mais sur les partis politiques qui empêchent le bon fonctionnement de lʼexpression démocratique. Comme elle le démontre, le but dʼun parti, cʼest de croître dans le but dʼobtenir de plus en plus de fidèles. Sauf que pour continuer à croître au bout dʼun moment, il faut recourir à la propagande, et nécessairement à tromper ses électeurs.
Pour vous partager une stratégie utilisée par le Front Nationale en 2012, et la France Insoumise a utilisé la même en 2017, elle consiste à avoir un programme politique ambigu. Par cette ambiguïté, tout le monde peut voir ce quʼil a envie dʼy voir dans le discours politique. Et cʼétait très frappant en 2017 avec la France Insoumise qui proposait un plan A et un plan B. Mais lorsque vous interrogiez aussi bien les électeurs que les cadres du parti, il était impossible de comprendre si oui ou non, le plan B proposait une sortie de lʼUnion Européenne. Certain vous disait que « oui », dʼautres « non », et même Jean Luc Mélenchon se contredisait dʼune interview à lʼautre. Et par ces ambiguïtés, il a été facile de rassembler plus de monde, ceux qui veulent sortir et ceux qui ne veulent pas sortir de lʼU.E., en adaptant son discours en fonction de lʼauditoire.
Concernant la stratégie du parti politique En Marche ! dʼEmmanuel Macron, aucune ambiguïté, du simple mensonge recouvert par de la communication marketing. Les personnes ayant voté pour lui en 2017, ne sont, très souvent, pas politisées, et vivent simplement sous lʼinfluence des discours dominants présentés dans les grands médias.
Lʼinutilité du vote blanc ?
Lʼargument souvent annoncé concernant lʼinutilité du vote blanc repose sur le manque de prise en considération dans le résultat final. Nous rappelons que le vote blanc, ce nʼest pas lʼabstention. Le vote blanc consiste à se déplacer jusquʼaux urnes avec un bulletin qui sera considéré nul.
Première objection, cʼest que si le vote blanc nʼa jamais été pris en considération dans les résultats, cʼest tout simplement parce quʼil nʼa jamais vraiment été important et significatif.
Deuxième objection, si on ne vote pas sous prétexte que le vote blanc nʼest pas pris en considération, comment espérer changer les choses. Pour celui qui considère cela comme une priorité alors il lui est nécessaire de voter pour les partis qui proposent cette comptabilisation du vote blanc dans les résultats pour faire surgir cette question dans le débat public.
En réalité, la question du vote blanc est périphérique, car elle nʼa jamais été menaçante pour le système. Si bien quʼEmmanuel Macron a proposé dʼy remédier dans sa lettre aux Français de Janvier 2019.
Il vaut tout de même mieux voter blanc, que de sʼabstenir inutilement, car au moins, le message du vote blanc est clair, il signifie quʼaucun des candidats nʼest légitime, et lʼon devient crédible dans la critique du pouvoir en tant quʼopposant.
Emmanuel Macron, dans sa lettre au français du début dʼannée 2019, le propose, ou du moins, il pose la question.
Lʼappel au vote et à la citoyenneté des imams de France ?
Lʼappel des imams de France à lʼengagement citoyen des musulmans, est un sujet qui agace les partisans « anti-vote », ce groupe que nous avons réfuté dans cet ouvrage. Ces milieux qui nʼont pignon que sur internet, car la réalité dans les mosquées est tout autre. Durant les prêches du vendredi, lors de périodes électorales, très souvent les imams appellent les musulmans à participer au vote. Cʼest une bonne chose. Cela permet de pousser les jeunes à s’intéresser à la politique, et à ne pas délaisser les affaires qui les concernent, surtout quand on sait que dans les banlieues, que ce soit des activités culturelles ou des associations militantes, font tout pour que ces jeunes se désintéressent de la vraie question politique, et parfois même, vont jusquʼà se servir dʼeux pour des causes qui ne sont pas les leurs.
Malheureusement, ces imams, comme nous lʼavons expliqué dans notre introduction, sont mal perçus par cette minorité, souvent très jeunes, qui se nourrissent de lʼislam dʼinternet, de « cheikh google », de vidéos YouTube, remplis de discours rigoristes, de sciences tronquées et raccourcies, mais pire encore, déconnectés de la réalité. Si on mettrait ces groupuscules en face de ces problématiques politiques, même en rentrant dans leur jeu, ils seraient incapables dʼy faire face. Parce quʼà défaut de passer leur temps à critiquer, leur manque de science et la superficialité dans leur critique, font quʼils nʼy ont pas réfléchi sérieusement en amont, et resteraient incapables de proposer la moindre solution. Dʼun côté, vous avez ceux qui appellent à la passivité des musulmans, et de lʼautre, il y a la réalité, ceux qui invitent à lʼengagement citoyen, à la participation des musulmans dans la société, car la politique, la vraie, est une dimension de la sunna du Prophète.
Mais il existe un problème de taille. Parmi ceux qui appellent à lʼengagement citoyen, il y a une autre minorité très visible qui se permet de donner des consignes de vote. Ces imams ou ces responsables de cadre associatif, comme le CFCM, qui sʼest permis de donner des consignes de vote. Ces personnes ne peuvent aucunement se prétendre démocrates. Ils ne peuvent pas dire aux musulmans, dʼun côté : « Vous êtes des citoyens, engagez-vous, réfléchissez par vous-même, vous êtes doués de jugements et de décisions », et dans le même temps, infantiliser la communauté en donnant une consigne de vote appelant à voter Macron. Il y a là une très grosse contradiction. Mais cela ne nous surprend pas lorsquʼon apprend que le CFCM a été fondé par Nicolas Sarkozy, on comprend quʼil nʼy a rien de très sérieux et que les principes de la laïcité sont bafoués ici, sans que cela ne choque personne au gouvernement.
Et puis, il y a aussi les imams quʼon calomnie, alors quʼils nʼont pas donné de consigne de vote à proprement dite. Ils nʼont fait quʼappeler à lʼurne, et on leur attribue des choses quʼils nʼont pas dites. Aucun nom de candidat politique nʼest sorti de leur bouche. Cʼest ce quʼon appelle en philosophie, un procès dʼintention. Cela consiste à prêter des intentions inavouables à une personne qui ne les a pas manifestés.
Les imams de France, aujourdʼhui, sont dans l’embarras, parce que dʼun côté, il voit bien que la République est corrompue, quʼil y a des choses qui ne tournent pas rond au niveau du gouvernement, mais en même temps, ils voient une jeunesse musulmane, très influençables par le discours islamophobe des médias, une jeunesse qui se plaint de son traitement médiatique et en conséquence diabolise lʼoccident, qui se sent mal aimé, qui croient en des théories du complot injustifiables. Avant dʼêtre des critiques de la société, ils sont obligés, et cʼest leur rôle en tant quʼimam, de défendre les qualités de ce qui va bien dans ce pays. Rappeler à ces jeunes musulmans et musulmanes, quʼils sont une partie de ce pays, et quʼils nʼont rien à prouver. Ils ne doivent pas attendre la reconnaissance du gouvernement ou des médias pour se sentir français. Quoi quʼon en dise, la laïcité protège la libre-expression du culte musulman en France sans être embêté pour nos opinions ou nos expressions religieuses. Cʼest par la laïcité que nous pouvons construire des mosquées aujourdʼhui, sans que cela contrevienne aux valeurs occidentales.
Comment un Français musulman peut-il prendre sa science de savant qui ne connaissent pas le contexte français dans les détails ?
Conseil Français du Culte Musulman
La propagande de lʼétat islamique (Daech) sʼest beaucoup servie de cette frustration chez les jeunes musulmans pour les enrôler.