Citation(s) dans le livre Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, de René Guénon

René Guénon

La conclusion qui se dégage nettement de tout cela, c'est que l'uniformité, pour être possible, supposerait des êtres dépourvus de toutes qualités et réduits à n'être que de simples « unités » numériques ; et c'est aussi qu'une telle uniformité n'est jamais réalisable en fait, mais que tous les efforts faits pour la réaliser, notamment dans le domaine humain, ne peuvent avoir pour résultat que de dépouiller plus ou moins complètement les êtres de leurs qualités propres, et ainsi de faire d'eux quelque chose qui ressemble autant qu'il est possible à de simples machines, car la machine, produit typique du monde moderne, est bien ce qui représente, au plus haut degré qu'on ait encore pu atteindre, la prédominance de la quantité sur la qualité. C'est bien à cela que tendent, au point de vue proprement social, les conceptions « démocratiques » et « égalitaires », pour lesquelles tous les individus sont équivalents entre eux, ce qui entraîne cette supposition absurde que tous doivent être également aptes à n'importe quoi ; cette « égalité » est une chose dont la nature n'offre aucun exemple, pour les raisons mêmes que nous venons d'indiquer, puisqu'elle ne serait rien d'autre qu'une complète similitude entre les individus ; mais il est évident que, au nom de cette prétendue « égalité » qui est un des « idéaux » à rebours les plus chers au monde moderne, on rend effectivement les individus aussi semblables entre eux que la nature le permet, et cela tout d'abord en prétendant imposer à tous une éducation uniforme.